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La réalisatrice revient sur l’écriture, son parti pris de comédie et son choix de Catherine Deneuve dans le rôle-titre pour son premier long métrage.

Après avoir attiré 800 000 curieux dans les salles de cinéma de France, Bernadette est à présent visible en VOD (par exemple sur PremièreMax) et en DVD. A sa sortie, nous avions rencontré sa créatrice, Léa Domenach. Nous repartageons ses propos, à l'heure où l'on peut revoir ce film porté par une Catherine Deneuve magistrale dans nos salons.

Qu’est ce qui vous donné envie de consacrer un film à Bernadette Chirac ?

Léa Domenach : J’ai été baignée dans la politique avec mes deux parents journalistes (Michèle Fitoussi et Nicolas Domenach (qui a co- écrit avec Maurice Szafran Le Roman d’un Président, une biographie sur Jacques Chirac, NDLR) et ça m’a toujours passionnée. Quant à Bernadette Chirac, c'est une figure de mon enfance. Je suis née sous Mitterrand, j’ai donc grandi avec les Guignols de l'info et cette image de mégère, maltraitée et humiliée au fil de sketchs qui, aujourd’hui, paraissent incroyablement misogynes. Pour autant, je ne me suis jamais vraiment intéressé à sa vie… jusqu’à ce que je tombe un peu par hasard sur le documentaire Bernadette, Mémoires d'une femme libre, réalisé par Anne Barrère qui avait été sa conseillère en communication. Elle disait tout ce qu'elle pensait avec espèce de liberté de ton et des punchlines imparables. Y compris sur des sujets hyper intimes comme l'infidélité de son mari. Je me suis aperçue qu’au fond je connaissais mal sa vie. Ce que représentait d'être une femme de cette époque- là et dans un milieu bourgeois qui n’aspirait au départ qu'à faire un beau mariage avant d’avoir envie de beaucoup plus. Ainsi que la manière dont elle est passée de l'ombre à la lumière.  J’ai donc redécouvert cette femme qui m'avait toujours semblé un peu aigrie, un peu ringarde mais qui, au fond, s’en prenait plein la gueule en silence. Je n’ai pas son âge, je suis de gauche, féministe, d’un milieu social différent. Mais ça m’a parlé. Et je me suis dit que si ça me parlait à moi, ça pouvait parler à d’autres. J’avais devant moi un vrai personnage de comédie.

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Pourquoi avoir voulu faire aller sur le terrain de la comédie ?

Par ce que pour moi, cette reine des punchlines était spontanément un personnage de comédie très fort. Et je voulais par la comédie renverser la balance, pour venger celle qui s’en est si souvent prise plein la gueule. Je trouvais drôle de réécrire l'histoire avec elle sur ce ton- là, que j'aime et dans lequel je me sens spontanément à l’aise.

Vous n’aviez pas peur de basculer dans l’hagiographie ?

Je voulais créer un personnage de fiction, auquel on s'attache et qu'on voit le film à travers son regard. Et pour que ça fonctionne, il faut en effet créer de l'empathie pour ce personnage. Je le fais d’autant plus naturellement que je suis tout sauf cynique : je n’aime pas Succession car je trouve les personnages trop méchants, par exemple ! (rires) Donc oui, j’assume d’avoir poussé certains curseurs. J’assume que dans mon film Bernadette Chirac est beaucoup plus sympa que ce qu'elle a dû être dans la vie. Et je pense que Catherine Deneuve a encore poussé plus loin le curseur dans l’émotion qu’elle a mise, notamment dans la deuxième partie du film. Mais pour autant, je ne parlerai pas d’hagiographie. Je dirai juste qu'on est tendre avec elle. Sans faire un film à sa gloire.

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Par ricochet, le personnage de sa fille Claude, conseillère de son père, peut paraître dur. Vous ne trouvez pas l’avoir un peu chargée dans ce climat de comédie plutôt enveloppante ?

Claude Chirac a été beaucoup plus égratignée que je le fais, dans plein de livres. Ce que je voulais raconter à travers elle, c’est la trajectoire d'une adolescente qui grandit. Comme quand moi- même ado j’avais honte que ma mère vienne me chercher à la sortie du collège, car je la trouvais trop ringarde. Et comme juridiquement, on a fait très attention, il y a peu de choses qui ne sont pas vraies, qui n'ont pas déjà été racontées. Dont cette phrase : « ça n’a pas été facile pour moi d'être celle qui n'est pas malade » qu’elle a dit à sa mère en évoquant sa sœur Laurence (frappée d'anorexie mentale après une méningite et décédée en 2016, NDLR). Si vous me trouvez un peu dure avec elle, je trouve que cette phrase la sauve. Ca montre qu’elle en a pris plein la gueule même si je ne le montre pas vraiment dans le film.

Vous n’avez pas hésité à vous lancer dans ce projet alors que Bernadette Chirac est encore en vie ?

En fait, je ne me suis jamais posé cette question. Sans doute parce que je savais que je ne ferais rien d’irrespectueux et que je suis d'une génération abreuvée par les films anglo- saxons politiques sur des gens vivants. En fait, cette question s'est posée après l’écriture, au casting. Quand des comédiennes et des comédiens m’ont dit que ça les gênerait de jouer quelqu'un de vivant.

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Vous avez prévenu la famille que vous mettiez en chantier ce film ?

La volonté de mon producteur, de mon distributeur de moi- même, pour une question juridique, a été de ne pas prévenir la famille. Parce qu'à partir du moment où on les prévient, ils peuvent demander à lire le scénario et rendre impossible le film qu’on avait en tête. On a donc vraiment fait Bernadette dans notre coin, de façon assez confidentielle. Mais à partir du moment où la promo a commencé, en juillet, j'ai dit à mes producteurs que je ne me sentais pas à l’aise et que j’allais écrire une lettre à Bernadette et à Claude pour leur proposer une projection privée. C’est ce que j’ai fait.

Qu’est ce qui vous a conduit vers Catherine Deneuve pour incarner Bernadette Chirac ?

La première fois que je suis rentrée dans les bureaux de mes producteurs, je leur ai tout de suite dit Deneuve. Ils m’ont dit d’écrire le scénario d’abord et qu’on verrait ! (rires) Et ils n'avaient pas tort car du coup, je me suis détachée d'une image pour écrire. Puis est venu le moment de faire dire le scénario qu’on a co- écrit avec Clémence Dargent. On l’a envoyé à son agent. Sa première réaction a été la surprise évidemment. Mais on a eu la chance qu’elle aime le scénario. Et dès notre première rencontre, je lui ai expliqué pourquoi j’avais pensé à elle : bien qu’elle ne lui ressemble pas physiquement, elles ont quand même en commun un port assez altier, quelque chose de grand bourgeois. Et Catherine Deneuve possède surtout ce débit rapide que peut avoir Bernadette quand elle est méchante. Ce film, c’est un peu l'histoire de la dernière reine de France et pour moi, je ne voyais pas qui d’autre que Catherine Deneuve pour l’incarner !

De Léa Domenach. Avec Catherine Deneuve, Michel Vuillermoz, Denis Podalydès… Durée : 1h32. Sortie le 4 octobre 2023


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