Top films gangsters british
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Première recense les 20 meilleurs représentants de films de gangsters made in Britain. Vingt pépites qui rendent le Royaume unique.

20 - Seule la mort peut m’arrêter (Mike Hodges, 2003)
L’intrigue (un voyou rangé des voitures reprend les armes pour venger son frère) pourrait être celle d’un James Gray… Mais on est à Londres, pas à New York. ça se voit à la météo (pourrie), au casting (Clive Owen, Charlotte Rampling, Jonathan Rhys Meyer, Malcolm McDowell…), au défilé de trognes maussades. Pilier du genre criminel dans les années 70 (La Loi du milieu, voir plus loin), égaré ensuite en Amérique (Flash Gordon), Mike Hodges mettait un point final à sa filmographie avec ce beau polar atmosphérique, cafardeux et parfois franchement shocking (le viol de Rhys Meyer par McDowell). Avait surtout le mérite, à l’époque, de se poser en alternative à tous les sous-Snatch qui pullulaient alors.  

19 - Salaud (Michael Tuchner, 1971)
Le patron d’un gang de L’East End veut se prouver qu’il est encore à la page et organise l’attaque d’un fourgon… Richard Burton revenait au pays et tentait de casser son image de séducteur en jouant un truand agressif et homosexuel. Sa prestation hyper agressive et menaçante, le braquage (sans armes, avec un seul citron pour aveugler le conducteur), la beauté gouape de Ian McShane qui s’en prend plein la gueule (la scène de sexe entre lui et Burton a malheureusement été coupé au montage et n’est jamais réapparue) font de Salaud un drôle de film. Une bizarrerie explosive assez fascinante.

18 - Quand la colère gronde (John Guillermin, 1960)
C’est le Voleur de bicyclette britannique, mais avec une bagnole à la place du vélo. Quand la colère gronde raconte l’histoire d’un VRP qui se fait piquer sa bagnole par un garagiste corrompu et part affronter les voleurs pour récupérer son bien. L’aspect vigilante du film a sacrément vieilli, mais la composition de Peter Sellers impressionne aujourd’hui beaucoup plus. Dans l’un de ses premiers rôles sinistres, on le voit passer de la figure rassurante de l’artisan bourgeois à celle du criminel maboule, prêt à toutes les extrémités pour garder sa maîtresse et sa petite arnaque. Sa violence inouïe, son basculement soudain dans la folie meurtrière annoncent les gangsters borderline à venir et préfigure surtout son Docteur Folamour.

17 - Layer Cake (Matthew Vaughn, 2004)
Alors producteur de Guy Ritchie, Matthew Vaughn signait avec ce petit polar malin un premier film bien dans l’air du temps (raccords atomiques, intrigue à tiroirs, scène de boîte flashy). Sur le papier, il s'agit de quelques gangsters qui s'étripent pour le contrôle d'une cargaison d'ecstasy. Devant la caméra de Vaughn, ça devient un truc énorme, sexy et brutal... Energie, trivialité urbaine, acteurs rigolos et au milieu de tout ça, une blondeur intrigante, des fossettes verticales qui sculptent un masque souriant, un nez boxé et des kentos karaté qui explosent les murs et les gueules. Ladies and gentlemen : Daniel Craig. Pas une découverte. Une apparition. 


16 - Les Criminels (Joseph Losey, 1960)
Les Criminels est un film de prison quasi-documentaire, dans lequel un caïd égocentrique rattrapé par la mafia et va devoir survivre derrière les barreaux. Un beau film misanthrope et enragé qui ne serait rien sans la brutalité de Baker, héros oublié du cinéma britannique, dont la gueule carrée et le regard allumé pouvaient aiguiller n’importe quel réalisateur vers la perversité, le machisme et la bestialité. La même année, il était à l’affiche de Hell is a City (Un Homme pour le bagne, en VF) de Val Guest, en flic borderline. Toujours aussi massif, fou et vicieux.

15 - Sexy Beast (Jonathan Glazer, 2000) 
Ben Kingsley, déchaîné, démentiel, débarque dans une hacienda espagnole pour terroriser Ray Winstone et une poignée de gangsters abrutis par le soleil. C’est le rôle de sa vie, l’anti-Gandhi. Le film, lui, est du cinoche post-Guy Ritchie piraté par une atmosphère absurde à la Pinter et les délires fluo bizarroïdes du clippeur star Jonathan Glazer. Depuis, celui-ci a réalisé les beaucoup moins rigolos Birth et Under the Skin et en partie renié ce délire de jeunesse. Ironie suprême : Jonathan Glazer est sans doute le seul Britannique à ne pas vouer un culte à Sexy Beast. 

14 - Bronson (Nicolas Winding Refn, 2008) 
En transit entre Copenhague et Los Angeles, Nicolas Winding Refn fait escale à Londres et met Tom Hardy en orbite. Dans la peau de Charles Bronson (aucun lien), autoproclamé « prisonnier le plus dangereux de Grande-Bretagne », l’acteur livre une performance historique et révèle son goût pour les icônes british hors-la-loi (il remettra ça en incarnant les jumeaux mythiques Ron et Reggie Kray dans Legend). Le Danois Refn, lui, n’aura eu besoin que d’un film pour démontrer qu’il avait tout compris à l’esthétique locale : la violence théâtrale, les rituels bouffons, l’héritage d’Orange Mécanique… Pas étonnant que son Pusher ait été remaké là-bas en 2012. 

13 - Slayground (Terry Bedford, 1983)
Un braquage qui tourne mal. Une fillette tuée pendant le vol. Et juste après, un tueur sadique qui se met à éliminer toute la bande de braqueurs. Le héros (Peter Coyotte, blême) se réfugie en Angleterre et se retrouve piégé dans un Luna Park. Le film opère la synthèse bizarre entre le polar US et la veine naturaliste anglaise. Les gangsters sont montrés sous un jour cruel et humain, la mise en scène est à contre-courant des excès stylistiques des 80’s. La fin, où le héros affronte le tueur dans un labyrinthe grotesque, renoue avec l’onirisme de la Hammer grand-guignol. Sauf qu’ici, la vengeance a un gout amer. Comme si le cinéma de genre anglais célébrait sa propre fin. 

12 - L’Anglais (Steven Soderbergh, 1999) 
OK, là, on triche un peu. Un film américain, tourné sous le soleil de Californie ? Oui, mais tout est dans le titre. En VO : The Limey. L’Angliche. Le rosbif. Terence Stamp, plus cockney que jamais, débarque à L.A. pour venger la mort de sa fille et méditer sur l’héritage des sixties avec Peter Fonda. On réalise vite qu’il n’a pas été autant aimé et iconisé par un cinéaste depuis Théorème. La démarche féline, la froideur dandy, le mélange de brutalité et d’érotisme… Cet homme est plus qu’un acteur : une pop star. Et il fallait un Amerloque comme Soderbergh pour nous le rappeler. 

11 - La Cible hurlante (Douglas Hickox, 1972) 
Oliver Reed joue un prisonnier sociopathe ultraviolent (à côté, Bronson, c’est Benny Hill) qui, quand il apprend que sa femme est enceinte et veut le quitter pour un autre, pète les plombs et s’évade pour aller la buter. Certes, La Cible hurlante appartient plus au genre du tueur fou en cavale que du film de gangster stricto sensu, mais tout ce qui entoure la performance monstre de Reed (la violence débridée, la frustration sexuelle, les relents misogynes, les seconds rôles torves, Ian McShane en sidekick looké comme un membre des Who…), en revanche, est parfaitement canon. 

10 - Arnaques, crimes et botanique (Guy Ritchie, 1998)
Galvanisé par les triomphes de Tarantino et Danny Boyle, un petit malin nommé Guy Ritchie dégoupille à la fin des 90’s le film qui va encapsuler l’esprit de la Cool Britannia (Tony Blair, la rivalité Blur-Oasis, les Spice Girls, vous vous souvenez ?), exactement comme Performance avait synthétisé les sixties. Ce stoner movie pétaradant, frimeur, survitaminé, entraînera dans son sillage une impressionnante vague d’imitateurs, le plus souvent pour le pire (Essex Boys, Gangsters, sex & karaoké…). Mais pourquoi Arnaques… et pas Snatch ? Parce que celui-ci a les meilleures vannes, le meilleur rythme et qu’il a carrément « inventé » Jason Statham. The Stath. Ce qui n’est pas rien. 


9 - Down Terrace (Ben Wheatley, 2009) 
Les Soprano à Brighton. Ben Wheatley parodie à la fois le film de gangsters british et le réalisme social à la Ken Loach, en racontant quinze jours mortels (dans tous les sens du terme) dans la vie d’une famille de prolos du crime organisé, coincés dans leur petit pavillon de banlieue. Papa gère son business en décapsulant des bières sur le canapé, maman complote dans la cuisine, le fils trentenaire fume de l’herbe au premier étage dans son horrible polo rayé… Glaçant,  méchant, très marrant, le coup d’essai-coup de maître de Ben « Kill List » Wheatley. 

8 - Tueurs de dames (Alexander Mackendrick, 1955)
Ne jamais oubliez que la patrie d’Orange Mécanique a aussi engendré Alec Guinness. Tueurs de dames suit cinq malfrats qui se font passer pour un quintet de musique de chambre afin de préparer en toute discrétion le braquage d’un fourgon. Tout est fantasmé, porté par une folie douce pour, comme dans les meilleures prods Ealing, célébrer les traditions anglaises et les vertus de la Old Britain. On est plus proche ici de P.G. Wodehouse que de Ted Lewis ou Davis Peace. Donc loin, très loin, des gangsters de ce top.  

7 - Performance (Donald Cammell et Nicholas Roeg, 1970) 
Vous avez remarqué ? Sur les photos d’époque, les managers des groupes de rock des années 60 ressemblent souvent à des gangsters. Mêmes fringues, même morgue, même attitude. Performance théorise sur la gémellité entre l’underworld et la scène musicale sixties en faisant se rencontrer, dans une maison de Notting Hill, un criminel en cavale (James Fox) et une rock star décadente (Mick Jagger, à son zénith). Très vite, bien sûr, l’affaire va partir en vrilles psychédéliques et parano… Le dernier clou dans le cercueil du Swinging London. 

6 - L’Or se barre (Peter Collinson, 1969)
On se souvient de la course-poursuite qui propulse les mini cooper à travers les égouts, les rues et les piazzas bondées de Turin avant de finir sur les toits du siège de Fiat. De la performance extraordinaire de Noel Coward, Mr Bridger, l’élégant mastermind qui organise le braquage d’un fourgon depuis sa prison anglaise. Et Michael Caine n’a jamais été aussi séduisant (Ipcress - Danger immédiat mis à part). Comédie décontractée au rythme aussi lounge que la BO de Quincy Jones, L’Or se barre mise tout sur l’action parodique et la folie la plus totale. Un magot, un coup inouï (le dernier), un carré d'as braqueurs, une machine infernale, sans accroc. Jusqu'au grain de sable. C’est le schéma classique du film de casse, mais personne ne l’aura fait avec autant de cool et de superbe que Peter Collison. 

5 - Mona Lisa (Neil Jordan, 1986)
On pourrait résumer le film en une phrase : « Quand Melville croise Ken Loach ». Mona Lisa c’est un requiem pour truands, filmé en mode hyper naturaliste. Neil Jordan suivait la trace d’un escroc minable qui, pour se racheter auprès de son patron, était chargé d’escorter une jeune pute quelques jours avant d’en tomber amoureux. Tous les codes du films de gangsters britanniques sont là : Michael Caine (le boss intraitable), Londres (interlope et inquiétant), la violence (froide). Mais il y a surtout Bob Hoskins. C’est Neil Jordan qui en parle le mieux : « Mona Lisa est indissociable de sa performance. L’ambiance, la lumière, les perspectives, les émotions : tout définit et est défini par le personnage principal, George. Et Bob, je crois, n’a jamais été aussi touchant ». On rajoutera : jamais aussi génial. 

4 - The Hit (Stephen Frears, 1984)
Planqué en Espagne – comme Ray Winstone dans Sexy Beast – un gangster ayant balancé ses complices dix ans plus tôt (Terence Stamp) est retrouvé par un tueur à gages (John Hurt) et son homme de main (Tim Roth, 23 ans, dégaine de petite frappe punk). Les trois hommes montent en bagnole pour un road-trip métaphysique en compagnie d’une Espagnole qui passait par là (Laura Del Sol). Un chef-d’œuvre méconnu, en tout cas trop rarement cité dans la litanie des classiques 80’s de Stephen Frears. Adulé par Christopher Nolan. Et sans doute aussi par le Martin McDonagh de Bons Baisers de Bruges. 

3 - Brighton Rock - Le Gang des tueurs (John Boulting, 1947)
Le Gang des tueurs est aussi sorti sous le titre Young Scarface et comme le Scarface de Hawks, le Pinkie de John Boulting n’est pas qu’un monstre, mais un homme obsédé, dont l’idée fixe nourrit son énergie frénétique. C’est sa peur de la damnation qui lui permet de prendre l’ascendant sur les malfrats de la station balnéaire. Les sublimes clair-obscurs de Harry Waxman, ses cadres qui empruntent à Hitchcock et Carol Reed : l’esthétique démente du film magnifie surtout la fidélité aux thèmes de Graham Greene. Avec son visage poupin, son regard fou, Richard Attenborough compose une figure de gangster hallucinée, mi-adolescent mi-démon, qui rayonne de noirceur maléfique dans cette réflexion sur la nature humaine et les idéaux perdus. 

2 - Du Sang sur la Tamise (John Mackenzie, 1980)
C’est comme une version Thatcherienne de La résistible ascension d’Arturo Ui de Brecht, l’ascension fulgurante d’un gangster qui devient la parabole de la montée du libéralisme sauvage… Harold Shands est un malfrat britannique sur le point de signer un accord avec la mafia américaine pour financer un projet immobilier sur la Tamise. La vraie beauté de ce Long Good Friday (en VO) tient dans la personnification parfaite d’une Angleterre 80’s où la frontière entre le business et le crime organisé a totalement fondu. Bob Hoskins, boule de violence velue qui tente de se policer, est tellement extraordinaire que l’un des frères Krays, véritable parrain londonien, lui envoya une lettre pour le féliciter. 

1 - La Loi du milieu (Mike Hodges, 1971)
Jack Carter, un tueur sadique, part en croisade et élimine froidement, un à un, ceux qui ont assassiné son frère. Le tout dans un Newcastle de désolation. C’est bien le truc génial du film : transporter le héros d’un Londres impersonnel et anonyme dans un pays étrange, faits de pubs enfumés, d’arrière-cours sombres et de pensions mal famées qui confèrent au film sa poésie mélancolique et glauque. Les corps sont défaits, les paysages beaux comme des cadavres, et les héros ont des réminiscences de tragédie grecque. Mais une tragédie grecque qui se déroulerait sur un fond de vice et de luxure. Amoral, hyper violent : Mike Hodges signait un film hybride synthétisant comme jamais le zeitgeist anglais des seventies. La Loi du milieu puise autant dans les récents « kitchen sink drama », que dans l’adoucissement de la censure et l’avènement du réalisme documentaire. Mais il y avait autre chose. La musique de Roy Budd. La silhouette impériale de Michael Caine. Les dialogues métalliques et sanglants de Ted Lewis. Get Carter (en VO) est l’un des thrillers les plus impressionnants de l’époque avec une héros eastwoodien dont on ne sait toujours pas s’il est un antihéros postmoderne sans conscience ou un ange de la vengeance réparateur. Allez savoir…