Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
EQUALIZER 3 ★★★☆☆
De Antoine Fuqua
L’essentiel
La conclusion italienne pour la franchise vigilante de Denzel Washington : un western qui balance entre immobilisme et ultra violence
Au fond, Equalizer est un western : la série 80’s d’origine était l’héritière, actualisée et modernisée, de programmes comme Au Nom de la loi, ces séries avec un justicier solitaire exerçant la vengeance par la poudre et le canon au nom de celles et ceux qui la méritent. Et en guise de conclusion, Equalizer 3 s’empare pleinement de cet héritage western en coinçant son héros blessé dans une petite ville isolée et tranquille d’Italie du sud menacée par un gang de mafieux violents et qui sera défendue tous flingues dehors par son nouveau citoyen d’honneur.
La première partie d’Equalizer 3 est formidable : Denzel Washington, convalescent et immobilisé dans une ville de carte postale, se promène va chez le poissonnier, flirte avec la tenancière d’un café. Si l’on en vient rapidement à désirer le retour de la violence -c’est évidemment sur ce drôle de sentiment que les films de vigilante fonctionnent, cette suspension du temps et donc de la violence est remarquable, au point qu’on pardonne à peu près les clichés italiens enfilés façon Luca de Pixar. L’autre truc remarquable tient dans la façon dont Antoine Fuqua sait si bien tirer partie de la dimension mythologique de sa star Denzel, qui a une façon bien à lui d'aspirer tout l’oxygène d’une scène, d'en devenir le centre de gravité absolu. Mais voir ce centre de gravité vaciller est tout aussi un beau moment de cinéma, comme lors de ces retrouvailles entre Denzel et Dakota Fanning, sa protégée de Man on fire il y a près de 20 ans. C’est ce genre de choses qui fait qu’un Equalizer, malgré son ultra violence parfois ras du front, est infiniment préférable à n’importe quel actioner fluo qui tente de prendre la relève de John Wick.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
BANEL & ADAMA ★★★☆☆
De Ramata Toulaye- Sy
Banel et Adama. Un homme et une femme amoureux au cœur d’un village sénégalais aux conventions traditionnelles qui tolère mal ce type de passion. Dans la première partie solaire de ce premier long, rien ne semble pouvoir dévier de leur désir d’un pas de côté, de se construire leur nid douillet hors des murs du village. Et puis la pluie va se mettre à manquer, les troupeaux dépérir. Et Adama qui avait dit son intention de ne pas devenir le chef de ce village va être obligé de s’impliquer au détriment de sa relation fusionnelle avec Adama qui, elle, va se battre pour entretenir la flamme tout en revendiquant son désir de ne pas avoir d’enfant. Par-delà cette histoire d’amour et le constat d’une Afrique percutée par le réchauffement climatique, Banel & Adama séduit surtout pour le palpitant récit d’émancipation féminine qu’il propose avec des aspirations rarement montrées dans des oeuvres mettant en leur centre des héroïnes d'Afrique noire. Tout n’y est pas parfait. Quelques longueurs par ici, des affèteries dispensables par là. Mais surtout un désir de cinéma qui transcende tout cela.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéAMA GLORIA ★★★☆☆
De Marie Amachoukeli
Déjà coréalisatrice de Party Girl (Caméra d’or à Cannes 2014), Marie Amachoukeli signe avec ce premier long métrage en solitaire une œuvre pleine d’émotions inspirée de sa propre enfance. On y suit Cléo, fillette de six ans, très liée affectivement à sa nounou Gloria. Mais celle-ci doit repartir définitivement au Cap-Vert et les deux personnages vont passer ensemble un dernier été qui prend la forme de déchirants adieux. Citant comme référence Mary Poppins ou les mélos de Douglas Sirk, la cinéaste raconte à hauteur d’enfant la force de cet amour si particulier - voire tabou – entre une petite fille hypersensible et une migrante devenue sa mère de substitution. Centré sur des instants de bonheur aussi fugaces qu’indélébiles, le film fait superbement ressentir au cœur du Cap-Vert le vertige des sacrifices sentimentaux.
Damien Leblanc
LE RÊVE DE DAISY ★★★☆☆
De Ricard Cusso
Daisy, une jeune quokka (allez voir sur Google à quoi ça ressemble en vrai, c’est mignon comme tout), ne veut pas passer sa vie à faire des selfies avec des touristes : elle rêve de remporter la Coupe du monde de la peur ! Ça commence un peu mollement, mais ça finit par se transformer en une version très fun d’Hunger Games. Pour les minots, rassurez-vous, mais les quokkas adultes ont aussi le droit d’aimer ça.
Sylvestre Picard
LA BEAUTE DU GESTE ★★★☆☆
De Sho Miyake
En périphérie de Tokyo, Keiko est une femme sourde qui, quand elle ne nettoie pas les chambres d’un hôtel, s’entraîne à la boxe dans un club en péril. Poussée par son mentor, elle répète jour après jour les mêmes enchaînements, comme pour chasser la routine par une autre. Plus quête identitaire que véritable film sportif, c’est le rapport à soi face à un tel isolement sensoriel qui est ici abordé. Car pourquoi amplifier les bruits de la vie quotidienne, sinon pour nous rappeler qu’elle en est privée. Elle, rien ne la perturbe, si ce n’est son propre vacarme intérieur. Inspiré de l’autobiographie de la boxeuse Keiko Ogasawara, La Beauté du geste observe, de manière détachée mais toujours avec grande simplicité, le cheminement émotionnel d’une femme mutique en quête de sérénité.
Lucie Chiquer
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIERE A MOYENNEMENT AIME
SUPER-BOURRES ★★☆☆☆
De Bastien Milheau
Imaginez Supergrave revisité par Philippe Guillard et vous aurez une petite idée du grand écart que propose Bastien Milheau dans son premier long. Un teen movie à l’américaine qui se déploie au cœur du Sud- Ouest dans les pas de deux ados qui, qui, après avoir égaré les 200 euros confiés par le dur de leur lycée, afin d’acheter de l’alcool pour fêter les vacances d’été, vont s’improviser... bouilleurs de cru et le fabriquer eux- mêmes. Tout cela dans un village dans lequel toute boisson alcoolisée est bannie par la maire après la mort de son mari en état d’ivresse dans un accident . Forcément ce choc des contraires intrigue et le résultat ne manque pas d’un certain charme, à commencer par celui du duo Pierre Gommé- Nina Poletto qui en tient le haut de l’affiche. Mais une fois la situation de départ posée, tout reste ici un peu trop sage, tant dans l’écriture des situations et des personnages peinant à transcender une caricature assumée que dans le côté trash abordé tout à la fois pied au plancher et la main sur le frein. Comme si Bastien Milheau peinait à choisir son camp entre divertissement familial et potacherie clivante avant que la dernière ligne droite ne fasse triompher les bons sentiments. Dommage.
Thierry Cheze
N°10 ★★☆☆☆
De Alex van Warmerdam
Tout semble sourire à Günter. Acteur au théâtre, il tient le premier rôle de la pièce qu’il prépare et entretient une liaison clandestine avec la femme de son metteur en scène. Son existence bascule le jour où, sur un pont, un inconnu lui susurre un mot étranger mais familier à l’oreille. En coulisses, un drôle de prêtre essaie de saborder sa vie sentimentale, professionnelle et familiale pour de mystérieuses raisons. Les relations au travail se tendent, sa relation extra conjugale bat de l’aile. Pas tout à fait thriller, mais pas vraiment vaudeville, Alex van Warmerdam se prend les pieds dans ce long-métrage au scénario compliqué et à la photographie terne. Les personnages, peu attachants, ne viennent pas non plus le sauver. L’incongruité du twist final prête toutefois à sourire et en fait un objet cinématographique singulier.
Emma Poesy
PARADIS ★★☆☆☆
De Alexander Abaturov
Filmant les incendies géants qui ont ravagé le nord-est de la Sibérie à l’été 2021, ce documentaire d’Alexander Abaturov (réalisateur du remarqué Le Fils, sorti en 2019) mêle images spectaculaires de feux de forêts et dénonciation de la politique gouvernementale russe qui laisse les habitants affronter seuls ces incendies sans aucune aide spécifique. Le regard se concentre sur le village de Shologon et sur son attachante atmosphère atemporelle, occasion pour le cinéaste de capter de trépidants moments de solidarité qu’il accompagne d’une musique aussi grandiloquente que tétanisante. Se dispersant quelque peu entre différentes tonalités, le film gagne ainsi en sidération sensorielle et visuelle ce qu’il perd en réflexion politique sur la crise écologique et la responsabilité des pouvoirs publics.
Damien Leblanc
ALAM (LE DRAPEAU) ★★☆☆☆
De Firas Khoury
Il y a des belles intentions dans ce premier long mettant en scène des jeunes Palestiniens vivant en Israël. A commencer par la volonté d’y faire rimer les premiers vrais emballements du cœur de son héros avec son apprentissage de l’engagement politique pour séduire la lycéenne, elle, ultra- concernée par le monde qui l’entoure, dont il est tombé raide dingue. Et voilà, à la veille de la fête d’Indépendance israélienne, que ce jeune homme jusque là insouciant se retrouve à participer à une opération risquée visant à remplacer le drapeau israélien qui orne la façade de son lycée par les couleurs palestiniennes. Sauf qu’une fois ces bases posées et en dépit de la qualité de l’interprétation, Alam peine à se départir des figures imposées dans l’écriture de ses personnages comme des situations, le besoin de faire passer des messages de son réalisateur finissant par étouffer le reste.
Thierry Cheze
PREMIERE N’A PAS AIME
SAGES-FEMMES ★☆☆☆☆
De Léa Fehner
Louise et Sofia, deux jeunes sages-femmes fraîchement diplômées, débarquent dans une maternité publique au bord du gouffre. Elles voudraient mettre au monde des petiots. Elles vont surtout apprendre le manque de moyens, de personnel, la lutte politique ou fratricide, les trahisons, les erreurs fatales, les cadences folles. La crise de l’hôpital. Si l’intention est louable – décrire le travail éreintant des sages-femmes –, la fiction se fait vite rattraper par le réel. Les dialogues sonnent creux, les personnages manquent de consistance, oscillant entre colère et panique, sans jamais parvenir à être crédibles. Pire, le film est étouffant, indigeste (serait-ce le but, cela-dit ?) : tout va trop vite, ça court partout, ça crie, ça braille, façon La Fracture de Catherine Corsini, mais avec, en prime, une couche de pathos et de moralisme.
Estelle Aubin
Et aussi
La Louve, de Manon Décor et Michele Salimbeni
Les reprises
Le Dieu noir et le diable blond, de Glauber Rocha
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