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La comédie musicale est en couverture de Première et son réalisateur y détaille sa création.

La La Land a triomphé cette nuit aux Golden Globes. Après une ouverture grandiose de Jimmy Fallon parodiant l’introduction du film de Damien Chazelle, le long métrage en question a reçu pas moins de 7 prix. Un record pour cette cérémonie où jusqu’ici, le record était de 6 récompenses reçues par Vol au-dessus d’un nid de coucou et Midnight Express. Le réalisateur a été acclamé, ainsi que ses comédiens Emma Stone et Ryan Gosling, et sa musique n’a logiquement pas été oubliée : le compositeur Justin Hurwitz a obtenu deux prix pour sa bande originale et en particulier pour la chanson "City of Stars".


Petite pause musicale avec Ryan Gosling

Première a eu un gros coup de cœur pour La La Land. Le film est à la une du nouveau numéro, et son créateur y revient en détails sur sa fabrication. Voici trois questions à Damien Chazelle, en attendant la sortie de cette comédie musicale événement le 25 janvier prochain. Rendez-vous dans les kiosques pour lire la suite…

Au sommaire du nouveau Première : La La Land, Martin Scorsese, Omar Sy, Dix pour cent, Guillaume Canet…

PREMIÈRE : Grâce sa virtuosité et son côté hyper divertissant, Whiplash a été perçu comme un « crowd pleaser » (littéralement qui « plait à la foule »), alors que c’était un film très noir. Mais cette fois, pas de doute, La La Land est un feel-good, un vrai.
DAMIEN CHAZELLE : J’aime jouer sur les deux cordes à la fois. Whiplash finit par une victoire, mais il laisse un goût amer. La La Land ne se termine pas forcément comme on s’y attend, mais il procure une sensation agréable. Oui, c’est un choix. Dans les vieilles comédies musicales, malgré l’euphorie, il y a presque toujours un fond plus sombre, un sujet plus douloureux. Les Parapluies de Cherbourg (Jacques Demy, 1963) est un vrai mélo. Le Chant du Missouri (Vincente Minnelli, 1944) se conclut par un happy-end, mais avec ce sentiment sourd que quelque chose a été perdu en cours de route. Un autre de mes favoris est Beau fixe sur New York (Stanley Donen, 1955), un Gene Kelly sur des amitiés qui se dissolvent. Voilà ce que j’aime par dessus tout : une grande comédie musicale joyeuse, mais avec un fond de mélancolie et de regret.

Aujourd’hui, le film se regarde comme une évidence, mais il faut rappeler à quel point c’était un projet risqué, casse-gueule, presque aberrant, dont chaque séquence prend le risque de tomber à plat. À quel moment du processus avez-vous pensé « c’est bon, je le tiens » ?
Jamais. Même pendant l’écriture, je faisais les montagnes russes. À certains moments, je pensais : « OK, c’est indéniable, ce film va être mortel. » Et le lendemain, c’était la déprime, le découragement total. La période la plus incertaine a été le montage, qui a duré un temps fou, pas loin d’un an. Je m’étais dit : « Bah, il n’y a que des longues prises, ce sera du gâteau à monter, on n’aura qu’à aligner les scènes les unes derrière les autres et dire : “On est bons”. » Mais ça ne s’est pas du tout passé ainsi. Avec mon monteur, on a bossé très très dur, juste pour trouver le ton du film. Certaines fois, je regardais notre travail et je me disais : « Wow, génial. » Et la fois suivante : « Putain, un désastre. Rien ne marche. On dirait du chinois. » Pareil avec les projections tests. Quand on a fini le film et qu’on s’est pointés dans les festivals, il restait beaucoup d’incertitudes. Alors oui, je suis soulagé, content de donner tort à ceux qui m’ont dit : « Bof, c’est pas une bonne idée. » Mais à aucun moment, ça n’a été une évidence. Jamais. Et croyez-moi, j’aurais aimé. J’aurais mieux dormi.

Qu’est ce qui fait qu’un film arrive au bon moment ? Et un cinéaste peut-il prévoir une chose pareille ?
C’est très complexe. J’ai écrit ce film il y a des années et il se retrouve sur les écrans à un moment très trouble pour nos sociétés. Parfois, je me suis dit : « Mince, ça n’a aucun sens de sortir un film aussi déconnecté du monde qui nous entoure, c’est n’importe quoi. » Mais je suis plus zen désormais. Parce que je découvre qu’il répond peut-être à certains besoins et à certaines aspirations que ni les infos ni la majorité des autres films ne risquent de satisfaire. Pendant la Grande Dépression, les gens allaient voir Fred Astaire et Ginger Rogers. Oui, les films peuvent avoir cette place. Et je serais content et fier de prendre part à cette tradition.

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Bande-annonce de La La Land :