2 | The Wall Enjeu politique majeur, la frontière entre le Mexique et les États-Unis inspire aussi les cinéastes. Dans The Wall, la toujours impressionnante Vicky Krieps incarne une agent de patrouille réactionnaire. Oppressée de tous les côtés par le système, elle commettra une bavure, dissimulée par son coéquipier. Dommage que la description minutieuse du quotidien d’un personnage aussi original et complexe se dilue dans un récit déjà vu et de façon autrement plus insaisissable. Nicolas Moreno |
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3 | Une langue universelle « Une hallucination autobiographique ». Voilà comment Matthew Rankin décrit son film mêlant trois histoires qui s’enchevêtrent autour d’un personnage qu’il incarne lui- même : un fonctionnaire montréalais qui rentre voir sa mère malade dans sa ville natale, Winnipeg. Et ces mots résument à merveille cette comédie peuplée de situations toutes plus perchées les uns que les autres dans une métropole canadienne où tout le monde parle farsi comme à Téhéran ! |
Thierry Chèze |
2 | Sarah Bernhardt, La Divine Entre ici, Sarah Bernhardt… Après Simone Veil ou Charles Aznavour, au tour de la Divine d’avoir droit au traitement biopic Qualité France. On sent néanmoins d’emblée que Guillaume Nicloux entend éviter à tout prix l’ornière de la bio-Wikipédia. Plutôt qu’un récit linéaire, il a choisi de se concentrer sur deux moments-clés de la vie de la comédienne légendaire : sa consécration, en 1896, et son amputation de la jambe, en 1915. A partir de ces deux événements, le film rayonne dans la vie, les amours et la folie douce de l’actrice. |
Frédéric Foubert |
Everybody loves Touda Nabil Ayouch (Much Loved, Haut et fort) fait le portrait d’une chanteuse marocaine : Touda, une Cheikha, descendante de la tradition de l’Aïta – le « cri » en arabe, forme de poésie chantée née il y a plusieurs siècles dans les plaines du Maroc, dont les femmes se sont emparées au fil du temps pour en faire un instrument de rébellion et d’émancipation. Hier adulées, aujourd’hui mal considérées, les Cheikhas risquent la précarité, la mise au ban, la violence – ce que raconte d’emblée Ayouch en faisant suivre une scène de transe festive par le viol de son héroïne. |
Frédéric Foubert | |
1 | Conte nuptial Sami et Micka, deux très bons potes, s’inspirent de la nouvelle La Grande Entourloupe de Roald Dahl pour échanger leurs compagnes, sans qu’elles le sachent, le temps d’une nuit. Mais les deux femmes découvrent le plan et contre-attaquent. Sujet éminemment casse-gueule pour un film qui n’a jamais les moyens de ses ambitions (adopter la forme d’un conte rigolo pour décortiquer le viol conjugal et la sexualité post-MeToo). Seul Raphaël Quenard, hilarant dans les 30 premières minutes, en sort indemne. |
François Léger |
3 | Le Beau rôle C’est loin d’être sa seule qualité, mais le premier film du scénariste Victor Rodenbach (qui a officié sur Platane, Les Grands ou Dix pour cent) a l’excellente intuition de réunir Vimala Pons et William Lebghil, alias Nora et Henri. Duo hilarant et couple fusionnel, puisqu’elle met en scène les pièces de théâtre dans lesquelles il joue. Mais Henri décroche un rôle inespéré au cinéma, compromettant la création de leur nouveau spectacle. La séparation semble inévitable… Comment s’aimer sur le long terme ? Et appartient-on vraiment à l’autre ? |
François Léger |
2 | Au coeur des volcans: Requiem pour Katia et Maurice Kraft On découvrait il y a deux ans le sidérant Fire of Love de Sara Dosa, portrait d’un couple de vulcanologues français, Katia et Maurice Krafft qui auront toute leur vie, flirté avec la lave jusqu’à en mourir en 1991. Revoici les Krafft à la lumière du grand Werner Herzog (Fitzcarraldo) qui y ajoute son œil de cinéaste amoureux de l’extrême. Sous-titré « requiem », ce film est à la fois une ode à la vie (l’irruption) et à la mort (destruction, désolation) Un envoûtement. |
Thomas Baurez |
Oh, Canada Au seuil d’une carrière qui continue de progresser malgré les aléas d’une santé fragile, Paul Schrader opère avec cette nouvelle adaptation d’un roman de Russell Banks après son Affliction (1997), un retour aux sources de son cinéma et de sa psyché. Dès les premières minutes, un gros plan sur un Richard Gere comme embaumé par la maladie, saute aux pupilles du spectateur immédiatement hanté par le fantôme du sensuel Julian Kay, l’éphèbe qu'il incarnait jadis dans American Gigolo (1980) du même Schrader. |
Thomas Baurez | |
3 | Tony, Shelly et la lumière magique Il y a des talents impossibles à ignorer. Inconnu chez nous jusqu’ici, le Tchèque Filip Pošivač signe son premier long, récompensé du Prix du jury Contrechamp en 2023 au festival d’Annecy. Le réalisateur a déjà tout d’un grand créateur d’univers, capable de faire oublier la prouesse de son animation en stop motion (d’une pureté assez sidérante, au point que certains passages pourraient être confondus avec des images de synthèse) pour atteindre un sens du merveilleux que seuls quelques maîtres du genre parviennent à toucher du doigt. |
François Léger |
3 | Noël à Miller's point Noël à Miller’s Point : le titre sonne comme celui d’un téléfilm de Noël lambda. De fait, le contexte se veut le plus ordinaire possible : un réveillon dans une famille de la classe moyenne US, avec cadeaux en pagaille au pied du sapin, dinde sur la table, gamins se goinfrant de bonbons, gentils tontons avinés, B.O. sixties sucrée. Des clichés, oui, mais mis en orbite par le regard magique de Tyler Taormina, petit prodige indé révélé par Ham on Rye. |
Frédéric Foubert |
3 | No nos moveran Socorro, une vieille avocate désordonnée, n’a qu’une obsession : retrouver le soldat qui a tué son frère soixante ans plus tôt. Filmée en noir et blanc, enfermée dans un appartement et un immeuble chaotiques, elle pourrait vite manquer d’air et nous rendre claustrophobes. Mais No nos moverán brosse le portrait d’une vieillarde aussi drôle qu’attachante entourée de personnages pittoresques et trouve dans cette quête sans répit les traits d’une comédie rayonnante. Bastien Assié |
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3 | Guerilla des FARC, l'avenir a une histoire « Souviens-toi », répète Pierre Carles à son regretté beau-père et cinéaste Duni Kuzmanich. Comment le remercier d’avoir dépeint la guérilla dans son œuvre – Canaguaro notamment – autrement qu’en lui adressant un panorama sur plus de 10 ans des Forces armées révolutionnaires de Colombie, des affrontements au cessez-le-feu jusqu’au retour en 2016 des guérilleros à une vie civile pleine de désillusions ? |
Lucie Chiquer |
3 | Saint-Ex Dans la foire aux biopics qui voit se vautrer un à un les cinéastes fonçant têtes baissées dans leurs propres décors en toc, on pensait – aviation oblige – que cet hommage à Saint- Exupéry s’écraserait un peu plus vite que les autres. Les premières minutes intriguent d’emblée. On voit Vincent Cassel et Louis Garrel cramponnés à leur zinc passer entre les nuages dans un ciel de cinéma où le faux s’assumant en partie produit un enchantement presque enfantin. Une fois accepté ce pacte poétique facilité par la malice des acteurs complices du deal, on les suit où ils veulent et volent. |
Thomas Baurez |
Les Femmes au balcon Depuis des années, Noémie Merlant incarne dans le paysage du cinéma français les expériences de femmes explorant leurs désirs. Que ce soit dans le singulier Jumbo, dans Portrait de la jeune fille en feu ou encore plus récemment dans Emmanuelle, elle donne avec brio la voix à ces femmes qui luttent pour leurs envies. Et c’est ce même mouvement qui la porte quand elle passe derrière la caméra. |
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4 | Fotogenico Au cinéma, les occasions de ressentir les vibrations d’un espace - rêvé ou pas - sont trop rares pour avoir envie de rester lover dedans quand l’occasion se présente. Hasard du calendrier, on a découvert Fotogenico lors du dernier Festival de Cannes où il paradait discrétos à l’ACID le même jour que L’Amour ouf rutilant de partout et où il réussissait, tout aussi coloré, saturé de néons et de musiques que le film de Lellouche à faire magistralement jaillir territoires et personnages. |
Thomas Baurez |
Vingt dieux Tout a commencé à Cannes. Section Un Certain Regard, où l’on a pu découvrir ce premier long métrage de Louise Courvoisier. Vingt Dieux en est reparti couronné du Prix de la Jeunesse, premier trophée d’une collection quasi ininterrompue depuis entre le festival d’Angoulême (Valois de Diamant et des étudiants francophone) et le prestigieux Prix Jean Vigo. Autant de reconnaissances qui racontent un film qui, n’appartenant à aucune chapelle, est à ce titre capable de séduire tous les publics et toutes les générations. |
Thierry Chèze | |
Wicked C’est quoi, un film hollywoodien ? La réponse à cette question varie en fonction de l’année où vous la posez. En 2024, on pourrait dire que Wicked est la meilleure réponse à cette question -et ce, même si le film a été tourné en Angleterre, dans les studios londoniens d’Elstree, par un metteur en scène américain né de parents chinois. |
Sylvestre Picard | |
3 | Un paese di resistenza Dans un petit village de Calabre où une association d’accueil de migrants rythme le quotidien de chacun, l’arrivée soudaine de Matteo Salvini au pouvoir — et avec lui, la fin des subventions accordées à la structure — fait l’effet d’une bombe. « Ils ont transformé ce qui était une excellence en un problème », témoigne un habitant, qui mène la fronde contre cette décision injuste. Ce documentaire, très intéressant, met des images sur cette saine révolte… et prouve qu’en Europe, le repli sur soi n’est pas une fatalité. Emma Poesy |
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3 | Shambhala, le royaume des cieux Shambhala s’ouvre sur un mariage : celui de Pema avec trois hommes d’une même fratrie. La polyandrie est de mise au cœur de l’Himalaya, où cette femme vénérée partage son affection entre Tashi, celui dont elle est amoureuse, Karma, moine dévoué, et Dawa, petit morveux. Tout se passe pour le mieux jusqu’au jour où l’annonce de sa grossesse est noircie d’une rumeur de liaison extraconjugale, incitant un Tashi rongé par la couardise à se retirer dans les montagnes et une Pema résiliente à partir à sa recherche. |
Lucie Chiquer |
2 | Niko, le petit renne: Mission Père Noël Dans le troisième volet de ses aventures, Niko s’apprête à rejoindre l’équipe des rennes volants du Père où officie son père mais doit pour cela triompher de la jeune et intrépide Stella. Et si on est de prime abord séduit dans un premier temps par les aspérités inattendus d’un récit où il est question de trahison amicale comme d’un père tombant de son piédestal, la course au happy end reprend vite ses droits, gommant toutes ces aspérités par peur de déplaire à son tout jeune public cible. Dommage. |
Thierry Chèze |
Limonov- la ballade Ca devait être une réunion explosive. Serebrennikov et Limonov ? Le cinéaste de la fièvre russe qui tire le portrait du prince noir moscovite. On attendait une oeuvre nihiliste et trouble, le résultat est tiède et presqu’embarrassant. Le réalisateur de Leto s'attaque pourtant à un personnage en or, Limonov, poète ukrainien devenu clochard à New York puis rebelle politique plus que controversé. |
Pierre Lunn | |
1 | Daddio Des films se déroulant intégralement dans l’habitacle d’une voiture : c’est l’une des micro-tendances (pas ultra-passionnante) de cette fin d’année. Après Le Choix, où Vincent Lindon règle ses problèmes existentiels au volant de sa Renault Laguna, voici Daddio, avec Sean Penn en chauffeur de taxi new-yorkais, et Dakota Johnson sur la banquette arrière. A la faveur d’un embouteillage entre l’aéroport JFK et Manhattan, la passagère va faire le point sur sa vie sentimentale, et profiter des leçons de vie du briscard buriné qui tient le volant. |
Frédéric Foubert |
3 | Crossing Istanbul Il est des régions du monde que l’on voit tellement peu à l’écran que l’on serait incapables d’imaginer quels types de personnages les habitent. Au début de Crossing Istanbul, on en croise deux en Géorgie (Lia, une retraitée rustre, et Achi, un jeune surexploité) qui partent ensemble pour la ville turque, retrouver Tekla (la nièce de la première), que le second dit avoir croisé et connu. Sur place, ils découvrent toute une culture, nationale certes, mais queer également : remonter les traces de Tekla les conduira notamment dans le quartier trans. |
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2 | Conclave Le cérémonial du choix d’un nouveau pape, avec ses centaines de cardinaux confinés, ses rituels immuables, possède un potentiel cinématographique énorme, qui a récemment intéressé des cinéastes aussi différents que Moretti, Sorrentino ou Meirelles. Dans Conclave, Edward Berger s’inspire d’un roman de Robert Harris pour raconter une élection papale sous tension. Huis-clos, machinations, gros casting… Le film se savoure comme un de ces néo-whodunit à la Agatha Christie, sans cadavre, mais avec un Ralph Fiennes des grands jours en Hercule Poirot du Vatican. |
Frédéric Foubert |
3 | 100 000 000 000 000 (Cent mille milliards) Talentueux représentant d’un cinéma mi-naturaliste mi-féérique, Virgil Vernier (Mercuriales, Sophia Antipolis) aime investir des lieux architecturalement spectaculaires pour y dessiner de singuliers destins. Ici, au cœur de Monaco et d’un chantier aux airs futuristes visant à étendre la ville sur la mer, le cinéaste raconte le parcours d’Afine, escort boy de 18 ans qui va croiser durant la période de Noël plusieurs personnages féminins. |
Damien Leblanc |
3 | Il était une fois Michel Legrand Comment raconter en 1h50 Michel Legrand et, entre autres, ses 70 ans de carrière de compositeur de musique de films, le nombre insensé de ses BO mythiques devenues la BO de nos vies, ses 3 Oscars (L’Affaire Thomas Crown, Un été 42, Yentl), son travail d’arrangeur (pour Aretha Franklin, Michael Jackson, Aznavour, Nougaro, Salvador...), sa passion pour le jazz qui fit de lui un des premiers Européens à travailler avec Miles Davis, John Coltrane et Bill Evans ou encore sa seule expérience de réalisateur avec Cinq jours en juin, récit de son adolescence penda |
Thierry Chèze |
2 | Leurs enfants après eux La classe ouvrière n'est finalement pas allée au paradis. Sur fond de désenchantement social, au beau milieu des années 90, dans une vallée où les hauts fourneaux ne fument plus, trois ados, deux garçons et une fille, quatre étés durant, vivent vaille que vaille, et apprennent à s'aimer, à se battre, à grandir. C’était le roman de Nicolas Mathieu (Goncourt 2018), c’est désormais le film des frères Boukherma. Mais là où le livre frappait dur (et juste), son adaptation verse dans une nostalgie sirupeuse. Exit la rugosité sociale, la déréliction sociale. |
Gael Golhen |
3 | Krishnamurti, la révolution du silence À l’orée du 20e siècle émerge un Inde une figure spirituelle d’un nouveau genre : Krishnamurti, un jeune anonyme convaincu que les changements du monde passent par des changements individuels. Rapidement considéré comme un génie — certaines de ses prises de parole ont des airs de cérémonie religieuse —, il deviendra une importante figure de la contre-culture des années 60. Avec ce beau documentaire, Françoise Ferraton donne aux songes du penseur la forme d’une poétique méditation, où chaque mot est toujours étroitement lié à la nature. Emma Poesy |
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3 | Nelly & Nadine Face aux images de l'arrivée en 1945 en Suède d'anciennes détenues de camps de concentration, le regard de Magnus Gertten s’arrête sur un visage plus énigmatique que les autres. Elle s’appelle Nadine et ses yeux impénétrables abritent un secret : emmurée à Ravensbrück, son cœur a chaviré pour une autre captive, Nelly. L’enquête passionnante du documentariste pour remonter leur trace l’amène à une ferme du nord de la France où vit Sylvie, petite-fille de Nelly et détentrice d’archives, seules traces de cet amour lesbien réduit au silence. |
Lucie Chiquer |
3 | Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres Après sa sortie de prison en 1966 l’architecte en chef du IIIe Reich, Albert Speer rappelle à sa copine Leni Riefenstahl : « La mémoire est le seul paradis où l’on ne peut être chassé ! » Et de fait, il est bien commode de s’arranger avec sa conscience pour se dédouaner de ses fautes. |
Thomas Baurez |