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Il y a dans ce premier film de Pierre Schoeller une puissance sociale et politique exceptionnelle, une façon de regarder en face ce délitement de la société française où l’extrême pauvreté côtoie la richesse la plus ostentatoire. En cela, le choix de Versailles comme cadre principal du récit est exemplaire, le parc du château dans lequel Nina (Judith Chemla) va abandonner son fils abritant aussi la petite communauté de sans-abri au sein de laquelle vit Damien (Guillaume Depardieu). Mais il n’y a pas que cela dans ce film. Schoeller y affirme une véritable écriture cinématographique, un véritable univers de metteur en scène, entre épure et stylisation, réalisme et clair-obscur. Film sur la chute, la renaissance, la solidarité, la filiation, Versailles révolte, émeut et fait du bien dans une société gagnée par l’individualisme.
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- Fluctuat
Coup d'essai, coup de maître. Pour son premier film au sujet délicat, Pierre Schoeller a réussi l'impossible : filmer la misère sans misérabilisme, émouvoir et décrire une triste réalité sans provocation gratuite ou fatalisme appuyé. Ce miracle a un (sacré) nom : Max Baissette de Malglaive, qui interprète le bout de chou Enzo. Filmer l'exclusion avec un titre comme Versailles, ça sentait la provocation à plein nez, voir le film d'auteur gnangnan centré sur l'homme des bois Guillaume Depardieu. Au final, rien à voir. Les préjugés rangés dans la poche, on assiste à une vraie histoire portée par un trio d'acteurs en état de grâce, à commencer par l'objet de toutes les attentions, Enzo. Le vrai héros du film, c'est lui. Trimbalé dans la rue par sa mère - qui le laisse avec le marginal Damien dans les bois de Versailles - le petit garçon ne parle que rarement, mais dégage une telle intensité dans l'expression qu'il en est renversant. Il faut le voir sortir des bois en courant et errer dans le château de Versailles (énorme contraste entre le luxe de l'endroit et l'état d'Enzo qui justifie le titre du film) à la recherche d'un valet pour soigner Damien. Ou provoquer l'hilarité quand il déclare qu'il veut retourner « à la cabane ». Son innocence dans un monde aussi brutal et un mode de vie si rude bouleverse le spectateur. Avec sa petite bouille adorable et ses guenilles, Max Baissette de Malglaive tire forcément la larme à l'oeil, mais Pierre Schoeller a l'intelligence de ne pas en rajouter. Il filme seulement un constat. Des enfants comme Enzo, il en existe partout, tout comme les mères en détresse et les exclus du système. A travers quelques scènes édifiantes, le cinéaste observe les limites des aides à la réinsertion dans une société où le fossé entre riches et pauvres ne fait que s'aggrandir. Mais encore une fois, il ne montre personne du doigt et saupoudre discrètement son lourd sujet d'un peu d'humour.Et puis Versailles nous raconte avant tout une belle histoire d'amour entre une mère démunie (touchante Judith Chemla) et son fils, et entre le rugueux Damien (Guillaume Depardieu dans un très beau rôle) et le même enfant, Enzo. Regarder ces deux-là s'apprivoiser, mener un bout de chemin ensemble et tenter de s'en sortir est un vrai beau moment de cinéma. C'est le tour de force de Pierre Schoeller : malgré son décor et ses personnages désemparés, Versailles reste un film - pas un documentaire - rempli d'espoir, porté par un souffle romanesque et une intrigue à rebondissement. Un coup de maître on vous dit.VersaillesRéalisé par Pierre SchoellerAvec Aure Atika, Guillaume Depardieu, Brigitte SyDurée : 1h 53minSortie en salles le 13 août © Les Films du Losange -Exprimez-vous sur le forum cinéma-Lire les fils acteur et réalisateur sur le blog cinéma
Pariscopepar Virginie GaucherIl y a le contraste entre l’opulence du château toujours impressionnant et la misère des réfugiés de ses bois. Il y a les regards de l’enfant sauvage, bouleversants. Il y a l’amour dans les yeux des deux adultes et leur sacrifice pour sauver l’enfant (pour l’un le quitter, pour l’autre, revenir au monde). Il y a, en dépit du froid, de la pluie et de la misère, comme un parfum de paradis dans cette forêt salvatrice de conte de fées. Il y a enfin dans cette fable sociale, les magnifiques, lumineuses et chaleureuses histoires d’amour de trois êtres humains.
Ellepar Anne DiatkineLe premier film de Pierre Schoeller, sélectionné à Cannes, ne montre pas l'exclusion comme un monde à part mais comme une frontière ténue qui se franchit dans les deux sens. La lumière, signée Julien Hirsch, baigne parfois les visages dans des feux de forêt et permet au film d'être autant un conte qu'un récit actuel sur un nouveau tiers état. Des acteurs incandescents lui donnent sa force.
Le JDDpar Jean-Luc BertetPlus qu'un film traitant de la situation des 900 000 personnes qui désormais en France survivent dans des habitats précaires, Versailles est une fable subtile sur la dignité et la solidarité entre exclus, entre générations, entre hommes tout simplement. Malgré l'exclusion pour cadre, le film de Pierre Schoeller est au contraire une formidable ode à la vie.