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Mahamat-Saleh Haroun est le tout premier cinéaste tchadien de l’histoire. Logique donc qu’il ait jusque-là consacré ses longs métrages à son pays, rongé par des guerres civiles à répétition, avec en point d’orgue, Un homme qui crie, Prix du Jury à Cannes en 2010. Mais avec Une saison en France, il pose sa caméra à l’intérieur de nos frontières pour parler immigration, droit et devoir d’asile. On y suit le quotidien d’Abbas, prof de français, qui a fui la guerre en Centrafrique pour poser les bases d’une nouvelle vie en France, avec ses enfants. Il travaille comme manutentionnaire sur un marché où il a fait la rencontre de Carole, vite tombée sous le charme du courage de cet homme. Même si régulièrement les fantômes du passé reviennent le hanter, Abbas semble voir le bout du tunnel. Mais une épée de Damoclès continue à planer au- dessus de sa tête : va-t-on accepter sa demande de droit d’asile ou le forcer à quitter le territoire ? Avec Une saison en France, Mahamat-Saleh Haroun met un nom et un visage sur ce qui se résume trop souvent à des débats rhétoriques nourris par une batterie de statistiques. Il le fait avec sobriété et dignité, deux qualités qui rendent encore plus saillantes les scènes d’une grande violence (comme celle où un Africain s’immole par le feu au cœur d’un bâtiment administratif…). Deux qualités qu’on retrouve dans l’interprétation d’Eriq Ebouaney (qui fut un remarquable Lumumba pour Raoul Peck) et Sandrine Bonnaire. Mais cette peur du sentimentalisme et de la larme forcée tient cependant le film à distance. Son austérité finit par se retourner contre lui. Il manque un souffle, une main un plus tendue vers le spectateur, une ambition formelle qui n’auraient fait que renforcer le mélange de tension et de mélancolie existant. Mais la pierre qu’il apporte au débat mérite d’être débattue.