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Chez James Gray, le coup de foudre n’a pas de sens figuré. Il laisse des cendres et un arrière-goût de soufre derrière lui. Son héros, écartelé entre raison (choisir Sandra, qui l’aime) et sentiments (choisir Michelle, qu’il aime), va courir après un amour impossible auquel il sacrifiera tout, de sa fierté à sa vie tout entière. Joaquin Phoenix, possédé, incarne cette obsession avec un abandon total, se payant le luxe d’arriver à nous arracher des larmes en jouant de dos (les autres : essayez pour voir). Les filles sont formidables aussi, de la révélation Vinessa Shaw à Gwyneth Paltrow, dont la présence est étourdissante. Son Oscar tant discuté pour Shakespeare in Love était juste prémonitoire. On dit que la réussite d’une comédie est proportionnelle au volume de rire qu’elle provoque. Si une romance se juge à l’état dans lequel elle laisse cet organe étrange chargé d’irriguer le corps humain, Two Lovers ressemble vachement à un chef-d’œuvre.
Toutes les critiques de Two Lovers
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Ce film, servi par un remarquable montage signé John Axelrad, est une belle force tranquille au service d’une histoire d’amour dont la véritable clef ne nous est donnée que dans la dernière et très émouvante séquence. Joaquin Phoenix, complice du cinéaste (ils ont tourné ensemble « La nuit nous appartient » et « The Yards »), inoubliable dans « Walk the line » et « Gladiator », compose à nouveau dans ce rôle de Leonard, un magnifique personnage, une fois de plus une très grande performance d’acteur. On retrouve avec un immense plaisir et cette fois-ci dans un vrai rôle, celui de la mère de Leonard, Isabella Rossellini. Avec ces fenêtres d’immeuble new yorkais donnant sur des cœurs et leurs défaites souvent secrètes, James Gray confirme qu’il est un des plus grands cinéastes américains actuels. Du grand cinéma, envoûtant, bouleversant même.
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James Gray abandonne le film noir pour une histoire d'amour sombre, mais terriblement émouvante. Ce beau mélodrame, intimiste et romantique, est porté par le jeu très physique, mais en retenue, de Joaquin Phoenix, pris entre rage amoureuse et fragilité morale. L'élégance stylistique du virtuose James Gray, la sensibilité de sa mise en scène épurée et sa caméra qui colle aux visages achèvent de toucher le coeur du spectateur.
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Après le rythme fiévreux et noir de La nuit nous appartient, James Gray nous offre un film où transpire, d'image en image, une fièvre amoureuse.
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Sincère et profond, le cinéaste renvoie le spectateur à ses propres rêves déçus. En parlant d'amour sans frivolité, il saisit une vérité foudroyante.
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Après trois polars de belle facture, James Gray s'attaque au drame sentimental. Habité par la vibrante performance de Joaquin Phoenix, Two Lovers tutoie les sommets du cinéma américain. Le passage du polar au mélo semblait risqué pour James Gray. Pourtant, le cinéaste parvient à dépasser l'intensité de ses précédentes oeuvres (Little Odessa, The Yards et La Nuit nous appartient) en remplaçant la violence des nuits mafieuses par la rudesse d'un hiver contre lequel vient lutter un coeur en lambeaux. Ce coeur, c'est celui de Leonard (Joaquin Phoenix), trentenaire new-yorkais revenu s'abriter dans l'appartement familial après un douloureux chagrin d'amour. Two Lovers débute dans l'eau glacée d'un soir de novembre et s'achève dans la chaleur apaisante d'une fête de nouvel an. Entre-temps, James Gray aura dessiné un trajet individuel d'une richesse inouïe. Dans cette tentative de reconstruction amoureuse, Leonard croise deux femmes. Si la brune Sandra (Vinessa Shaw) - jolie madone made in Brooklyn - lui est présentée dans des conditions peu idéales, elle éveille en lui des désirs de stabilité. Quant à la blonde Michelle (Gwyneth Paltrow), comète tombée presque miraculeusement dans le voisinage, elle offre à Leonard la sensation qu'il peut se muer en adulte protecteur.Plutôt qu'une simple opposition entre raison et passion, Sandra et Michelle représentent deux versants complémentaires dans la rééducation sentimentale de Leonard. Et avant de choisir entre l'une ou l'autre, il s'agit surtout pour le jeune homme de se redéfinir par rapport à son passé, à sa santé fragile et à sa famille.Un travail sur l'intimitéLa grâce que dégage ce trajet est rendue possible par le travail d'orfèvre de James Gray, qui charge sa fiction d'une infinité de détails charnels. Etre solitaire qui n'a aucun ami à qui confier ses états d'âme, Leonard va se donner tout entier à l'oeil du spectateur/confident. Durant la première moitié du récit, nous suivons quasiment le personnage en temps réel, comme connectés à sa sensibilité à fleur de peau. Le spectateur habite littéralement la chambre cotonneuse de l'ami Leo et vibre au rythme de ses bouleversements intimes. Mais au fur et à mesure que Leonard s'affranchit de différents poids, le temps se dérobe et s'emballe : des ellipses font leur apparition (dont l'une, sous forme de photos en noir et blanc, touche au sublime) et les motivations du jeune homme paraissent plus énigmatiques. Se détachant peu à peu de nous, le personnage acquiert enfin une autonomie. Les décisions qu'il prend vont s'avérer ambiguës et la séquence finale, d'une perfection esthétique et émotionnelle, peut ainsi s'interpréter de diverses façons. Que l'on voie dans cette conclusion une lumineuse libération ou une sombre résignation, le constat est le même : le coeur de Leonard a su s'enrober d'une insondable part de mystère et le personnage peut rejoindre plusieurs grandes figures du cinéma classique américain.Les fantômes du septième artDe cinéma, il en est bel et bien question au sein de l'univers fictionnel de Two Lovers. En plus de sa passion pour la photographie, Leonard affirme nourrir une vaste cinéphilie. S'il parle avec Sandra de La Mélodie du bonheur, c'est surtout l'affiche de 2001: l'odyssée de l'espace qui hante et surplombe les murs de la chambre du jeune homme.Surtout, le récit est traversé par des fragments de l'histoire du septième art, portant en lui de multiples souvenirs. Le terrassant regard qu'adresse Gwyneth Paltrow à la caméra lors de la seconde scène sur le toit est présenté par James Gray comme un hommage direct à Sueurs froides, matrice absolue des films traitant du vertige identitaire suscité par le désir. Et dans la séquence du restaurant, l'utilisation du morceau Lujon, composé dans les années 1950 par Henry Mancini (mythique compositeur de Diamants sur canapé), diffuse toute l'élégance angoissée des longues soirées new-yorkaises.Au-delà de ces références, Two Lovers fait planer sur ses personnages un halo fantomatique. La mère de Leonard (Isabella Rossellini) réveille son fils un matin en le traitant de vampire qui vit la nuit et dort le jour. Loin d'être innocente, la métaphore parcourt l'ensemble du film : entre le visage inexpressif du père (Moni Moshonov) qu'éclaire la télévision et le moment où Michelle se vide de son sang, le mort et le vivant cohabitent discrètement. Et si Leonard se présente à Sandra comme l'héritier du Roi du Danemark (Hamlet, tout simplement), c'est que la frontière entre l'être et le néant continue d'obséder une certaine frange du cinéma américain.A seulement 39 ans, James Gray réalise un coup de maître, prouvant qu'il peut tourner rapidement (il s'est écoulé moins d'un an entre la sortie de La Nuit nous appartient et celle de Two Lovers) sans rien perdre de son inspiration - la filmographie du cinéaste s'enrichit d'ailleurs peut-être là de son plus beau joyau. Quelle que soit la direction que prendra la carrière de Joaquin Phoenix, rien ne saura effacer cette bouleversante prestation d'amant fragile.Damien Leblanc Two LoversDe James GrayAvec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow, Vinessa Shaw et Isabella RosselliniSortie en salles le 19 novembre 2008Illus. © Wild Bunch Distribution - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils festival de cannes, sélection officielle sur le blog cinéma- Lire les critiques de La Nuit nous appartient (2006) et de The Yards (2000)