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Nanni Moretti adapte le roman « Trois étages » de l'Israélien Eshkol Nevo et le transpose de Tel Aviv à l'Italie. Dans un immeuble romain cossu, trois familles vont vivre des histoires qui finiront par s'entremêler. Après un accident de voiture mortel, le film suit une femme enceinte dont le mari n'est jamais là et qui craint de devenir dingue, avant de s’attarder sur les affres d’un homme qui soupçonne son vieux voisin d'avoir agressé sexuellement sa fille... Ces histoires de personnages tordus (par le remord ou la douleur) vont s’étaler au fil d'ellipses temporelles sur une dizaine d'années. Dès l’ouverture fracassante, l’ambition est claire. Avec cet immeuble symbole de toutes les pulsions humaines, ces personnages qui incarnent chacun une émotion, Moretti veut embrasser tous les maux qui rongent la société contemporaine : la crise de la parentalité et des institutions, la masculinité toxique, la guerre des sexes, les migrants… Avec son ironie mordante ses ruptures de ton, le roman n'y allait pas de main morte. Aveu d’impuissance ou simple baisse de forme, Moretti fait le choix d'un cinéma placide et amer, confiné dans ses obsessions d’antan (sur les rapports hommes- femmes notamment) et plombé par une mise en scène anémiée qui emmène Tre Piani sur le terrain du soap. C’est d’autant plus regrettable que par instants (fugaces) on entrevoit les fils qu’aurait pu suivre Moretti : celui d'un film de maison hantée mâtiné de mélo social ou bien le portrait de cette femme que la solitude plonge aux confins de la folie et qui fait tout pour y échapper.