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Trente ans dans la vie de Zdzisław Beksiński, peintre surréaliste polonais dont les visions d’enfer feraient passer H. R. Giger pour un enfant de chœur, reclus notoire et filmeur compulsif, qui n’assista jamais à ses vernissages et fut assassiné à coups de couteaux... Il y avait là matière à un biopic pépère révélant l’homme derrière l’artiste, l’époque à travers l’œuvre et le sens caché des monstres qui habitent ses toiles. Autant d’angles porteurs que Matuszynski a radicalement ignoré pour son premier long-métrage. En partageant son attention entre Zdzisław, son épouse Zofia et leur fils Tomasz, il cherche un nouvel espace entre vérité documentaire et abstraction fictionnelle. Comblant les trous entre les images amassées par le peintre, il capte, dans des intérieurs étroits et détaillés, la circulation des énergies entre ces êtres aussi unis qu’isolés, solidaires mais toujours coiffés d’un voile invisible. Dans cette « dernière famille », la fatalité de la mort est la seule donnée stable, et la vie, un courant qu’on doit suivre jusqu’au précipice, certains « assis sur un fauteuil », d’autres « sur un cactus » (métaphore énoncée dans le film, qui ne manque pas d’humour cinglant). Entre Zdzisław l’impassible qui observe sa vie à travers un objectif, Tomasz le torturé qui ne trouve de répit que dans la pop music, et Zofia qui se cache et s’efface peu à peu, ce sont autant de manières de « faire avec » la mort qu’interroge The Last Family. D’une rigueur formelle rare, hypnotique et anti-sentimentale, ce faux biopic invoque le vertige existentiel là où d’autres tricotent des notices Wikipédia.