Première
par Thomas Baurez
Stripped arrive après Chained et Beloved, sortis coup sur coup au début de l’été. Il vient ainsi compléter la « Love Trilogy » telle que baptisée par le cinéaste israélien Yaron Shani. Ces trois fictions peuvent se voir dans n’importe quel ordre, les films se suffisant à eux-mêmes. Il s’agit d’une étude sur les rapports homme-femme dans la société israélienne d’aujourd’hui. Tel Aviv sert à chaque fois de toile de fond. Yaron Shani – remarqué en 2009 avec Ajami, Caméra d’or du Festival de Cannes – plonge sa fiction dans un bain documentaire (les interprètes amateurs ont tous plus ou moins à voir avec le personnage qu’ils incarnent) et rend plus troublante encore cette impression de vérité. La caméra accompagne avec douceur le destin fragile de ces anonymes qui se croisent et s’effleurent parfois d’un film à l’autre. Si Chained et Beloved tournaient autour de la séparation tragique d’un couple et alternaient les points de vue (homme, femme), Stripped met en scène deux personnages. D’un côté, un jeune musicien qui, à l’approche du service militaire, voit ses ambitions artistiques remises en cause. De l’autre, une écrivaine blessée dans son intimité au point de perdre pied. L’un et l’autre ont d’abord une trajectoire autonome. La rencontre programmée de ces deux solitudes ne garantit pas pour autant une réparation possible. La relative retenue de Yaron Chani ne cherche pas à masquer la violence, mais semble au contraire l’accueillir comme une fatalité. Cette trilogie de l’amour traduit la noirceur d’une époque.