- Fluctuat
Le Japon, deux acteurs filmé en DV, le silence comme trait d'union et langage en commun. Un voyage, des paysages et une rencontre, c'est Silenzio ou comment faire une promesse de cinéma sans savoir la tenir.
Distribué par le collectif Point Ligne Plan (sorte de Rotary Club du cinéma d'auteur éditant aussi une revue très chic et très coûteuse), Silenzio promet d'avoir une sortie discrète, limite invisible, réservée aux initiés ou à quelques curieux. Second film de Christian Merlhiot, il a été tourné au Japon en DV, avec une économie minimale et seulement deux acteurs, Kentaro Satô et Lili Merlhiot (fille ou nièce du réalisateur ? Peu importe). On comprend vite au titre et au casting vers où l'on va, mais n'ayons aucun a priori. Le film montre la rencontre d'une adolescente française et d'un jeune japonais au cours d'un voyage où il est chargé de l'amener à son père vivant dans une île au sud de l'archipel. Beau point de départ.Silenzio inscrit le rapport entre ces personnages qui ne parlent pas la même langue moins dans le non-dit que dans l'absence de paroles compréhensibles. Au fil de l'excursion, le film multiplie les séquences d'attente, de jeux, par lesquelles les personnages finissent par nouer une forme de relation discrète. Sans faire vraiment connaissance, ils vivent un moment en commun. Silenzio fait place à l'instant, à l'être-là. On y marche, prend le train, traverse des paysages ; un typhon ralentit la progression du couple, le film cherchant une poésie délicate de la traversée, une forme de subtilité où faire exister l'entre-deux, l'indicible, une compréhension naturelle de l'autre. On comprend qu'il voudrait tenir à trois fois rien, à la présence des comédiens, à une complicité naissante par-delà l'inconnu, les mots, l'étranger, tout en étant un film de marche. Silenzio voudrait montrer la coexistence possible de mondes séparés, de galaxies aussi éloignées que l'occident et le Japon, la rencontre éphémère entre une jeune fille au bord de l'adolescence et un jeune homme dont on ne sait rien. Il cherche à être un cinéma épuré et léger, d'une simplicité aussi radicale que la haute conception qu'il a de son dispositif.Des promesses non tenues
Un film de présence et de climat comme Silenzio mise tout sur le regard, n'explique rien (évidemment), tout en étant si limpide qu'on comprend rapidement où il veut en venir. Une telle transparence tient si le film ne parie pas tant sur les situations que sur leur mise en scène. Quelques moments de simple présence chez Gus Van Sant, Vincent Gallo, Monte Hellman ou dernièrement Larry Clark, quels que soient le sujet et l'appréciation des films, font naître une poésie de l'instant, sorte de miracle cinématographique où un corps, un visage et un décor créent la contemplation, voire une piste de fiction où le récit naît de lui-même. Mais Silenzio est en DV (pourquoi pas ?), la lumière est plate et terne, le cadre si souvent mal fichu et pensé que les scènes en deviennent ennuyeuses et interminables. Quant aux acteurs... La litanie guette. Encore un effort? Difficile. La simplicité de Silenzio produit rarement des moments qui le fasse tenir sans sombrer dans sa propre caricature. Sans la beauté d'un visage ou d'un regard, sans la force d'un cadre ou d'une lumière, un tel dispositif n'a plus grand chose pour lui-même. Peut-être une belle scène de brouillard épais, où les personnages avancent sur une musique de Silver Mount Zion lui donne un peu d'ampleur, mais malgré lui. Dommage.Silenzio
Un film de Christian Merlhiot
France, 2005 - 1h15
Avec : Kentaro Satô et Lili Merlhiot
Sortie en salles : 26 avril 2006[Illustrations : © Pointligneplan]
Sur le web :
-Le site du collectif Point Ligne Plan
Silenzio