Toutes les critiques de Pas de repos pour les braves

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Œuvre modeste et géniale, inattendue et hilarante, Pas de repos pour les braves est sans nul doute la preuve implacable d'un cinéma français qui aurait enfin fait le deuil de toute une certaine paternité stérile, dont on ne le croyait plus capable d'en sortir.
    Alain Guiraudie, c'est d'abord pas mal de courts et de moyens métrages, portant les jolis noms de Ce vieux rêve qui bouge ou encore Du soleil pour les gueux. Déjà remarqué pour son univers et un style propre, Guiraudie passe au long avec maestria. Pas de repos pour les braves, c'est l'histoire ubuesque et improbable de Basile, perdu entre rêve et réalité, poursuivi par Johnny après l'avoir abattu ainsi qu'Igor, un autre ami, d'un coup de fusil un soir de pluie et avoir exterminé un village sis quelque part dans le sud-ouest.Comment celui-ci peut-il être à ses trousses puisqu'il l'a tué ? Comment Igor peut-il revenir alors qu'on le croyait mort ? Inutile de chercher à comprendre. Guiraudie nous promène dans le songe de Basile, passant d'une terre, d'un espace à l'autre au gré de liens et de ruptures où la continuité narrative échappe à toute logique autre que celle de la fuite du personnage. Le récit « revisite » le film de genre, du western au polar, avec toutes ses figures emblématiques, du mafieux au pistolero, dans un jeu de passe-passe aussi insolite que rocambolesque.L'immense force du film, en transfigurant les genres au travers des contrées du Tarn, est de se réapproprier des codes pour les détourner et les adapter à la géographie d'un lieu. Ainsi, les paysages de nos provinces deviennent les terres d'une course poursuite endiablée entre western, comédie et polar, idéalisée par le souffle d'une foi sans borne pour le cinéma. Depuis un petit bout de France, il nous transporte aux quatre coins du globe. En passant tour à tour d'un genre à une chronique réaliste se jouant à une terrasse de village, il oscille sans cesse avec brio du rêve à la réalité, du fantasme de cinéma à la touche documentaire.Avec un sens du dialogue inouï, à l'efficacité mordante, il nous transporte dans un récit où le loufoque colore avec légèreté un conte initiatique émouvant. Guiraudie accorde à chaque détail, des pancartes routière aux moindres objets, un soin d'une extrême finesse. Chacun sert de signe dans les passages du songe à la réalité, grâce à une démarche ludique qui sans cesse fait progresser ce jeu magistral et vertigineux sur l'espace.Voilà bien des années qu'un film français n'avait provoqué autant d'enthousiasme. Guiraudie est quelqu'un qui compte. La force avec laquelle il arrive à nous faire croire à des situations plus improbables les unes que les autres, par l'amour qui transparaît au travers de son regard sur les lieux et les personnages, la modestie et pourtant l'ambition de chaque plan ciselé comme si le plus petit des paysages du sud-ouest méritait d'être filmé à la manière de Monument Valley dans La Chevauchée fantastique, sont autant rares que significatifs d'un talent incroyablement novateur. Pas de repos pour les braves est une oeuvre drôle, touchante et intelligente donnant à voir l'immense potentiel d'un cinéma qui balaierait la post-modernité d'un rire hilare. Guiraudie est notre sauveur, notre homme.Pas de repos pour les braves
    Un film d'Alain Guiraudie
    France, 2003, 104 mn
    Avec : Thomas Suire, Thomas Blanchard, Laurent Soffiati.
    Sortie en salles le 12 novembre 2003[illustration : Pas de repos pour les braves, 2003 © Photos Caroline De Otero]
    - Entretien avec Alain Guiraudie sur le site objectif-cinéma.com (octobre 2003)
    - Lire la chronique de Du soleil pour les gueux.