- Fluctuat
Après Boogie Nights, le talentueux Paul Thomas Anderson revient avec une comédie douce-amère sur le thème le plus filmé de l'histoire du cinéma : l'amour. Dès le début, le cinéaste s'explique. Selon lui, la vie n'est faite que de destinées toutes plus exceptionnelles les unes que les autres. Toutes ces vies éparpillées seront toujours liées par un fil conducteur.
Qui sont-ils ? Un animateur vedette d'un jeu télévisé à deux heures de la retraite, un génie qui a mal tourné, un leader charismatique vantant la supériorité de la gent masculine, un flic divorcé qui ne peut plus supporter la solitude...
Que veulent-ils ? Qu'on les comprenne !
Pourquoi prennent-ils position ? Parce qu'ils n'ont pas d'autre choix que de se valoriser.
Quel est leur véritable objectif ? Ne plus se voiler la face et se présenter tels qu'ils sont réellement.Toutes ces questions permettent au film de se construire progressivement. L'idée de base d'Anderson n'est pas réellement révolutionnaire. Certains cinéastes de la Nouvelle Vague l'ont traité une fois dans leur vie (notamment Godard dans Vivre sa vie). Mais ce qui force l'admiration dans ce long et brillant travail de plus de trois heures, c'est la virtuosité de la mise en scène (des mouvements de caméra dignes du grand Scorsese), la recherche thématique, qui permet à Anderson, à partir d'un scénario creux, de tisser plusieurs toiles solides, la position (utilisation du corps comme outil de mise en scène) des personnages dans le cadre filmique (tout est minutieusement travaillé, construit, dirigé d'une main de fer) et un sens de la dramaturgie incontestable.Les dialogues d'Anderson servent un récit touffu. Ces historiettes n'ont aucun intérêt. Elles ne nous apportent aucune sensation. Elles ne sont pas là pour offrir au spectateur une continuité scénaristique. Celui qui s'attend à une forte dose de suspense (dans le sens temporel) sera gravement déçu. Ce qui intéresse Anderson, est d'ordre instinctif. Ces petits gestes de la vie quotidienne, ces longs silences (fabuleuse séquence où Tom Cruise observe la journaliste venue l'interroger sans dire un seul mot), ces folies qui parfois nous mettent hors de nous (la séquence surprenante et surréaliste des grenouilles), ces traits familiers qu'on se doit d'aimer, Anderson les filme car c'est un besoin vital. Il capte la douceur de ces gens de la pluie (voir la séquence finale) et cela se voit particulièrement dans le dernier plan où l'une des protagonistes (la fille droguée), assise sur un lit, regarde son nouveau fiancé. Celui-ci lui dit qu'il sera toujours là, qu'elle peut maintenant compter sur lui, que son passé ne l'intéresse plus. Puis il entre dans le champs, dos à la caméra. La femme (ressemblance incroyable avec Natacha Régnier), à ce moment-là, sourit et nous jette un dernier regard. Elle est heureuse et veut le faire savoir.Magnolia
De Paul Thomas Anderson
Avec Tom Cruise, Melinda Dillon, William H. Macy
Etats Unis, 1999, 3h04.