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Les Lumières du Faubourg ressemble parfois à un catalogue de la déprime existentielle et du savoir faire esthétique de son auteur. Sur le fond comme sur la forme, tout est à sa place. Ni plus ni moins. Beau et indiscutable, oui, mais un poil frustrant...
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- Fluctuat
Dernier volet d'une trilogie « des perdants » débutée par Au loin s'en vont les nuages et poursuivie par L'Homme sans passé, Les Lumières du faubourg développe le thème de la solitude urbaine en creusant un peu plus le sillon formel qui fait la signature de Aki Kaurismaki. Malgré la beauté du désespoir qui habille certains plans, l'ensemble, linéaire et sans surprise, laisse le spectateur sur le bord de la route.
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- vos impressions ? discutez du film Les Lumières du faubourg sur le forum cinémaDes plans fixes et simples, une économie de geste, aucun contact physique : les films du finlandais Aki Kaurismaki se suivent et se ressemblent. Dans le cadre, immobile bien sûr, les personnages ne bougent pas et leurs regards figés sont perdus dans le vague. Ils paraissent s'abîmer dans la profondeur de leur néant, définitivement absents, comme en congé d'un monde qui n'a pas besoin d'eux.Flottant dans un désert intellectuel, ces étranges enveloppes charnelles, mortes à l'intérieur, finissent par s'intégrer aux éléments qui composent le décor. Sans chaleur et quasi-métallique, celui-ci est composé de couleurs contrastées qui agressent notre regard. Loin d'égayer le plan, elles posent d'emblée le caractère déshumanisé d'une société lugubre et sans égard pour ceux qui la composent. Comme le titre le suggère, ce film évolue dans la proche banlieue des Lumières de la ville de Charlie Chaplin : s'il n'en a pas l'humour immédiat, on y trouve en effet l'idée d'une solitude et d'une volonté individuelle en butte aux mécanismes froids d'une société sans visage.Machines humaines et idiotie absurde
Dans ce dernier épisode de sa « trilogie des perdants », qui en est aussi le plus désespéré, aucun personnage n'a la capacité de s'extérioriser. Ce sont des hommes-machines, des hommes- fonctions. Koistinen porte ainsi en lui une tension permanente, sorte de cocotte-minute où la pression s'accumule sans soupape de sécurité. Il menace d'exploser ou de... se faire exploser par d'autres, tant son comportement s'avère suicidaire. Conséquence de son jusqu'au-boutisme, il va littéralement rechercher cette violence qui présente la double fonction de le calmer et de le renforcer dans son entêtement solitaire. Son obstination à prendre des chemins sans espoir, qui mènent à l'échec ou à la prison, est digne des héros de la littérature russe.Comme certains personnages de Dostoïevski mus par un mécanisme interne trop puissant, il s'entête dans une voie qu'il sait sans issue. Un certain sens de l'honneur, un idéal que personne ne peut comprendre l'anime au plus profond. Il pousse alors jusqu'au bout sa logique absurde et folle, et avance vers son destin de façon aussi mécanique et irréversible que cette société qui continue sa route en le laissant de côté. A chacun sa logique... Ainsi, dans la Scandinavie d'Aki Kaurismaki, ceux qui persévèrent sont des idiots absurdes et romantiques, non dépourvus d'une certaine noblesse malgré leur irrécupérable bêtise. Et l'homme semble voué à un devenir « robot », froid et métallique...Entre l'épure et le vide
Hélas, on reste un peu hermétique à ce récit. D'une part, la sécheresse de la mise en scène, classique pour un Kaurismäki qui fait du Kaurismäki, n'aide pas à rentrer dans le film. Mais de surcroît, elle ne sert qu'un squelette d'histoire « à l'américaine » (femme fatale, truands, héros obstiné) aux articulations classiques et mal dégrossies (vol, tromperie, erreur judiciaire...). A partir de ce dispositif, les éléments sont donnés sans réel souci de cohérence ni tentative de justification. Ainsi la rencontre avec la femme ou les conclusions psychologiques du truand envers Koistinen doivent-elles être acceptées sans trop d'interrogations : les choses sont ainsi et c'est tout.Du coup, la simplicité habituelle du réalisateur flirte dangereusement avec un certain laisser-aller. A faire le minimum en tout, à rechercher l'épure à chaque moment, son travail apparaît nonchalant et le spectateur, guetté par l'ennui, fatigué par la lenteur, se sent abandonné. Et au final, Aki Kaurismaki finit par ressembler à son héros : à trop creuser le même sillon, il s'enterre et nous étouffe.Les Lumières du faubourg
Réalisé par Aki Kaurismaki
Avec Janne Hyytiäinen, Maria Heiskanen, Maria Järvenhelmi
Finlande, 2006 - 78mn
Sortie en France : 25 octobre 2006
[illustrations © Pyramide Distribution]
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- Chronique de L'Homme sans passé (2001)