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À partir d’un postulat a priori rebutant (un homme, une femme et un bébé dans un camion pendant une heure et demie), ce road-movie minimaliste filmé à hauteur de pare-brise, Caméra d’or à Cannes cette année, trace sa route en captant de simples échanges de regards pudiques et bouleversants. On pourrait bouffer de ces champs-contrechamps au kilomètre...
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Joues gonflées, regard sévère, poils hérissés, on ne reprochera pas à Rubén sa réaction, agacée dirons-nous, face aux hurlements d’un jeune enfant. Pour notre camionneur, qui doit emmener Jacinta, une jeune paraguayenne et son nourrisson de Asuncion à Buenos Aires, le voyage s’annonce pesant. Et pourtant…
Le road movie de Pablo Giorgelli, nous entraîne dans un périple autoroutier au décor fait de camions rouillés, de stations service vieillissantes, et de paysages argentins sans éclat. Les grondements du moteur, les cris de l’enfant, donnent aux rares dialogues une résonnance atypique. Dans un réalisme pur, le réalisateur ne cherche pas à agir, à imposer au paysage ses personnages et leurs quêtes de sens. Avec naturel et simplicité réaliste, l’habituel folklore hispanique est ici remplacé par quelques jaunes, et rouges peu vifs, et une verdure terne.
Apaisé, apaisant, cet univers routier naturellement épuré légitime et s’accorde avec le silence et le calme de nos personnages.
Il faut dire que Rubén est peu loquace. Solitaire et renfermé, il va pourtant devoir laisser entrer dans son étroite cabine, sanctuaire de son histoire et de son intimité, deux voyageuses. Trois acteurs, deux passés tourmentés, et une vie, une toute jeune vie, Anahi. Petite tête ronde aux yeux noirs éclatants, l’enfant ne parle pas et va pourtant tout dire. La relation qui s’établit petit à petit avec l’Homme, de futilités apparentes qui se transforment en gestes puissants et attentions pleines de sens. Une âme se libère dans ce film et elle vient caresser l’esprit de son public.
Ni intrusif, ni désinvolte, le parti-pris des cadrages invite le spectateur au voyage tout en laissant aux personnages une intimité et une pudeur qui sonnent très justes.
De ce voyage silencieux va émerger une vérité, une liberté. Humanité et simplicité auront redonné à ce conducteur qui s’en était éloigné, l’envie d’une route inexplorée. Au fil de la route, notre personnage va s’ouvrir, la confiance surgir, le sourire sévir.
Doux voyage, curiosité de la relation humaine… -
Un homme, une femme et un bébé dans un décor quasi unique : la cabine d'un camion. Il n'en a pas fallu plus à l'Argentin Pablo Giorgelli pour tourner un premier film vibrant d'humanité, lauréat de la Caméra d'or au dernier Festival de Cannes. Les Acacias est un road-movie entre la forêt paraguayenne et Buenos Aires, 1 500 kilomètres plus au sud. Des paysages traversés, on ne verra qu'un bref reflet dans les rétroviseurs, une image parcellaire à travers le pare-brise. Hormis quelques échappées dans un café désert ou une station-service sans âme, la mise en scène se limite à des champs-contrechamps sur le conducteur et ses passagères. Et cette alternance admirablement composée suffit à raconter la relation entre des êtres cabossés par la vie.
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Un camionneur, une femme, un nourrisson et un pays à traverser pour rejoindre Buenos Aires. Voici la base de Las Acacias, premier long métrage de Pablo Giorgelli en tant que réalisateur. Déjà reconnu pour son travail de monteur notamment sur Sólo por hoy d’Ariel Rotter, Giorgelli nous livre un road trip émouvant en nous plaçant au cœur du voyage grâce à sa prise de vue pénétrante. C’est avec pudeur et douceur que nous rencontrons ces trois protagonistes à mesure qu’eux-mêmes se découvrent.
Dès le commencement, le silence domine totalement ; seul le bruit lourd du moteur rythme l’action et cela tout au long du film. Un sentiment d’inquiétude s’exprime à travers les regards des personnages. Nous même sommes mal à l’aise face à cette situation. Cependant une relation de confiance s’installe peu à peu. Ce film est une source exceptionnelle d’émotion d’une part grâce à une sensibilité touchante du jeu des acteurs ainsi que l’importance du nourrisson qui va créer tout en finesse la complicité silencieuse entre les personnages. Le routier entrevoit alors l’espoir que tout puisse changer, l’espoir d’une nouvelle famille. Le paysage chaleureux et verdoyant aux couleurs éclatantes nous livre un horizon prometteur contrastant avec la sobriété à huis clos du camion et la monotonie de la route.
Giorgelli aborde dans cette œuvre le thème d’un conflit intérieur, dû à une paternité refoulée, très chère à son cœur. Il impose un rythme lent qui pourra déplaire, mais tellement juste. Il dévoile ainsi son art subtil offrant aux spectateurs une expérience humaine d’une honnêteté formidable.Océane Janton et Robin Vial-Pradel, Lycée Honoré d'Estienne d'Orves, Nice.
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Articulé de manière calme et contemplative, ce premier film du réalisateur argentin Pablo Giorgello est un moment de grâce absolu. En effet, pris dans un huis clos intimiste, le spectateur arrive à ressentir de manière parfaite la solitude et la tristesse du personnage principal, nous emportant dans un « road-movie » où la parole se fait rare. Las Acacias, nom chargé de poésie, est donc un film hautement sensoriel et émotionnel. Nous sommes d’emblée emmenés dans le film par un rythme lent et serein, qui sera la marque, tout au long de celui-ci, de ce jeune cinéaste déjà très prometteur.
L’histoire, épurée et dénuée d’artifices, n’en est pas moins intéressante qu’elle propose une réflexion pertinente sur la solitude de l’homme et le rapport avec la parole. Le héros, que nous suivons tout au long de l’œuvre, est un camionneur, âgé de la quarantaine et enfermé, tant dans la cabine de son véhicule que dans l’obsession de son silence et de sa solitude. Il fera, par la suite, la rencontre d’une jeune femme et de son bébé, qu’il emmènera, dans un long voyage, du Paraguay à Buenos Aires.
Cadencée par une caméra essentiellement de plans fixes, l’esthétique du film épouse parfaitement la charge émotionnelle des personnages. Ainsi, la couleur de la pellicule, chatoyante, chaude et merveilleusement orchestrée par Diego Poleri, est un voile parfait pour dépeindre ce que les mots ne disent pas. Tout au long du film, la parole se fait moins rare et les personnages se reflètent et se construisent lentement. Le héros, Ruben, face au regard de l’enfant et de la mère, est confronté à la figure du père qu’il n’a jamais pu être. De ce fait, le film retrace de façon parfaite le conflit intérieur d’un personnage perdu et errant.
Las Acacias, film dont la musique entraînante n’est autre que le moteur toujours allumé d’un camion, réussi avec brio à renouer avec un genre cinématographique souvent compliqué à traiter : le « road-movie ». Mêlant différents thèmes et accentuée d’une émotion intense, cette œuvre pourrait être le départ d’une carrière brillante pour Pablo Georgelli, nouveau représentant d’un cinéma argentin toujours plus présent sur la scène internationale.Lycée Pablo Picasso, Perpignan
Rémy Bastrios -
Las Acacias est le premier film de l'argentin Pablo Giorgelli, tout en retenu, sur la découverte des émotions par un homme qui n'a jamais eu l'occasion de les exprimer.
Un routier transporte une femme, Jacinta, et son enfant, du Paraguay à Buenos Aires. Las Acacias s'inscrit dans le genre du film initiatique, dans la mesure où il y a une réelle progression des émotions simples.
Le jeu de German De Silva est remarquable et va de pair avec l'évolution de la rencontre : son visage s'illumine petit à petit. Le film est tellement poussé dans les émotions que les sentiments et le malaise de Rubén ont tendance à déteindre sur nous. En effet, le spectateur accompagne du début à la fin ces deux protagonistes mal à l'aise. Au fur et à mesure que la solitude du camionneur s'éloigne, la monotonie que l'on pouvait craindre disparaît, laissant l'émotion des personnages nous gagner.
Ce trajet tourné en huis clos dans la cabine du véhicule créé une situation oppressante car intime. Seules les escales viennent soulager cette tension. Ce choix de lieu unique se justifie par la suppression de tout artifice, dans le but de se concentrer pleinement sur la valeur notable des sentiments. Par ailleurs, l'absence de musique participe à l'écoute attentive et ainsi à l'importance des mélodies naturelles, créant une certaine douceur.
La cabine emprisonne la parole, remplacée par le regard. Celui-ci occupe alors un rôle important car il devient l'unique moyen de traduire la pensée. D'ailleurs l'attendrissement du spectateur passe principalement par le regard, entre autre celui du bébé. La présence de cette petite fille, qui effectue le lien entre les deux personnages, véritable centre d'intérêt et d'observation, permet de renvoyer dans le passé de Rubén dont la paternité a échoué. L'alternance entre les deux sortes de regard (à sens unique pour l'observation et mutuels pour la complicité) est parfaitement équilibrée et rythme la rencontre entre la découverte de l'autre et la sympathie qu'il nous inspire.
Finalement, cette femme chargée de sacs, aura permis à Rubén de se découvrir...Lycée Savary de Mauléon
Les Sables d'Olonne
Chauveau Salomé et Marsault Laureline -
par Phillipe Azoury
Les Acacias (...) est de ces films miraculeux que l'on pense avoir vu mille fois et qui, pourtant, parviennent à nous surprendre.
(...) "J'ai été surpris par l'insolite hypnose collective que ce film engendrais sur nous tous, dès le début et jusqu'aux dernières images".
C'est d'une simplicité biblique, avec des éclairages et une bande-son raffinés. Et si l'on s'ennuie, quelquefois, l'ennui est d'or, comme la caméra d'or qui salua ce premier film de l'Argentin Pablo Giorgelli.
Il est donc facile de se moquer de ce premier film pour sa ressemblance avec ceux qui l'ont précédé, pour ses partis pris de mise en scène et de narration qui semblent relever d'un code de bonne conduite du jeune cinéaste du Cône sud.
Mais ce serait nier l'évidence de l'émotion qui circule sur l'écran. Celle-ci tient à un travail qui a dû demander une patience infinie. Outre Reuben et Jacinta, il y a un troisième personnage dans la cabine, Anahi le bébé. Elle ne fait pas grand-chose, pas plus que tous les bébés du monde : elle sourit, gazouille, pleure, mange, dort, chie... Chacune de ces actions ordinaires amène les deux protagonistes adultes à une autre étape de leur parcours. Pour que ce mécanisme fonctionne, il faut que la petite fille agisse au bon moment sans que des effets de montage trop apparents viennent gâcher l'illusion.
Or, celle-ci est parfaite tout au long de ce film plutôt bref. Les sourires enchanteurs comme les braillements surgissent à point. Si l'on s'ennuie un peu lorsque le silence s'installe dans le camion, on peut toujours se demander comment Pablo Giorgelli a procédé : a-t-il roulé des mois le long du Parana en attendant que l'enfant sourie au bon moment de la journée (toute l'action se déroule en 36 heures, chacune marquée par sa lumière) ? Le bébé est-il capable de jouer ? Ces petits mystères pratiques viennent compléter ceux que suscite l'histoire d'amour esquissée : d'où viennent ces deux-là ? Pourquoi Reuben ne voit-il jamais son fils ? Pourquoi Anahi n'a-t-elle pas de père ? Les réponses sont laissées à l'imagination des spectateurs. Et il n'est pas désagréable de se retrouver à gamberger devant un écran, plutôt que d'être abruti d'évidences.
Ce film délicat prend son temps sans ennuyer en offrant une parenthèse de douceur dans l'habitacle d'un camion perdu dans des paysages sublimes.
Premier film auréolé de la prestigieuse Caméra d'or du Festival de Cannes, Les Acacias est un huis clos et un road movie. Ou comment filmer avec grâce la rencontre de trois solitudes, et rendre confortable la cabine d'un gros camion. Touchant.
Un camionneur bourru et solitaire doit transporter une mère célibataire taciturne et son bébé. Un road movie subtil et émouvant.
Les Acacias a décroché la Caméra d'Or à Cannes. Pas étonnant : l'emballage de road-movie minimaliste et taiseux dissimule une gentille fable familliale, pétrie d'humanisme. Seule la virtuosité de la mise en scène (...) fait oublier le potentiel guimauve.
Un camionneur qui parle peu prend une femme et son bébé en stop sur la route qui mène du Paraguay à Buenos Aires. L'Argentin Pablo Giorgelli place sa caméra dans la cabine et impose une politique de champ contrechamp, une science des cadrages et une maîtrise de la durée passablement têtues. Le spectateur est lui aussi embarqué: il roule avec ces personnages pudiques et aperçoit le monde derrière la vitre du pare-brise. Si le film (récompensé par la caméra d’or au dernier Festival de Cannes) se mérite un peu – l’ennui faisant bien sûr partie du jeu –, il rend aussi confiance dans la puissance d’un cinéma qui sait indéniablement ce qu’il veut.