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Sagement, Salomé s’est effacé derrière le sujet, délaissant les grands mouvements de caméra pour des cadres rigoureux et épurés qui laissent pleinement s’exprimer les acteurs. Tous sont parfaits (presque trop), à l’image d’Ellen Barkin qui, dans le rôle de la mère névrotique, livre une interprétation Actors Studio – sale, l’oeil torve, marmonnant – un peu outrancière. Plus qu’un thriller (dont on connaît la fin), Le Caméléon propose une vision dérangeante de la famille, avec ses dysfonctionnements affectifs parfois graves et son caractère fusionnel étouffant. Pris à son propre jeu, le héros découvre à la fois l’amour, la violence, l’incompréhension et la peur. Son voyage intérieur est de ceux que l’on n’oublie pas.
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Pris à rebours, le récit se teinte d’une noirceur supplémentaire, pour devenir vraiment glaçant – des faux sourires aux crises de panique déguisées en comédie du bonheur. Salomé fait de ce renversement de situation le nœud de son récit, fasciné par ce tour de manivelle mankiewiczien qui transforme le manipulateur en manipulé, la victime en bourreau. Entièrement, et plutôt efficacement, absorbé par cette inversion des forces, le film délaisse en revanche son sujet initial : le trouble de l’identité ou trouble de la personnalité multiple, thème sublime revenu hanter le cinéma des années 2000. Salomé ne s’y confronte pas vraiment et finit par l’évacuer dans un plan final où notre imposteur incarcéré justifie tout par son besoin d’être aimé. Une petite fin pour ce film à fantasmes fort et angoissant.
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Le trouble climat de l'Amérique des laissés pour compte, le suspense de l'intrigue policière, ainsi que l'étrange quête affective du personnage se mêlent adroitement dans ce film indépendant, sans concession, qui demeure longtemps dans l mémoire après l'apparition du mot "Fin" sur l'écran.
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Spielberg usait de l'humour pour filmer les vies multiples du faussaire Frank Abagnale Jr. dans Arrête-moi si tu peux. Nicole Garcia misait, dans L'Adversaire, sur la crainte de Jean-Claude Romand que sa double vie ne soit dévoilée. Salomé, lui, semble s'éparpiller dans la description d'une famille déchirée entre une mère junkie (Ellen Barkin), un frère marginal (Nick Stahl) et une sœur aimante (Emily "Lost" de Ravin). En y introduisant la très sceptique agent du FBI (Famke Janssen), il tente tant bien que mal d'insuffler du suspense dans une histoire qui a du mal à se recentrer. En prenant le parti de ne pas expliquer les raisons de Bourdin/Fortin mais de décrire purement et simplement, Salomé prend le risque de rester en surface, comme il le fait pour le caractère inquiétant du frère et les investigations-harcèlements de la fliquette. Restent des comédiens impliqués, l'hystérie shootée d'Ellen Barkin, le regard intense et habité de Marc-André Grondin pour cette version personnelle qui pêche en ne choisissant pas vraiment son camp.
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Au-delà de la supercherie, déjà dingue, circulent dans le film d’infinies et passionnantes zones de non-dits, troublants miroirs d’une société patraque. Marc-André Grondin, dans le rôle de Bourdin, excelle. Ellen Barkin, en mère déglinguée, est parfaite.
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Au coeur de cette petite réussite, on soulignera l’interprétation magistrale de chaque comédien. Si dans le rôle délicat de l’imposteur bilingue, Marc-André Grondin n’arrête plus de grandir dans son talent, on retiendra surtout les rôles poignants d’Ellen Barkin, métamorphosée en vieille pocharde en quête de rédemption, détruite par une vie qui n’en est pas une, ou encore la spontanéité dramatique de la jeune Emilie de Ravin, vue récemment dans Remember me aux côtés de Robert Pattinson. N’oublions pas aussi l’étrange prestation de Famke Janssen dont le contre-emploi en agent du FBI vient donner de la stature à une filmographie un peu terne.
Tous ces éléments font du Caméléon une oeuvre surprenante, qui, baignant dans la musique troublante de Bruno Coulais, incarne une vision spectrale de l’Amérique. Au milieu de décors de marécages opaques ou de quartiers pauvres abîmés, Salomé semble nous dire que cette nation n’est socialement plus que le fantôme de ses idéaux et de sa propre utopie consumériste. -
(...) à trop jouer sur les allers et retours temporels, compliquant inutilement son intrigue, laissant ses acteurs en roue libre, il effleure son sujet et ne parvient jamais à nous passionner. Bien terne, son Caméléon manque singulièrement de couleurs.
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Le réalisateur veut tout traiter et ne traite pas grand-chose au final, le film se perdant, justement, dans une suite de pistes jamais suivies.
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Interprété par le Québécois Marc- André Grondin, César du meilleur espoir 2009 pour « le Premier Jour du reste de ta vie », le Caméléon fait face à trois femmes, une mère dis- tante et alcoolique (Ellen Barkin, dans une « performance » qui pèse des tonnes), une soeur fragile (Emilie de Ravin, rescapée de « Lost ») et une agente du FBI aussi perspicace qu’opiniâtre (la belle Famke Janssen des « X-Men »).
Assez captivant dans un premier temps, le film pâtit d’une interprétation inégale et laisse, au final, une impression de maladresse. Il n’empêche, le sujet est en or massif et Salomé, pas fou, se garde bien d’ôter son mystère au Caméléon. -
La relation trouble qui s'établit entre l'imposteur et une famille dont on a du mal à penser qu'elle ne le considérait pas comme tel est le principal intérêt du film. Mais ses faiblesses sont hélas nombreuses : une complexité narrative qui tourne à vide et qu'on imputerait plus volontiers à la maladresse, un rythme soporifique bercé par des plans récurrents du bayou (récemment filmé avec plus de réussite par Bertrand Tavernier et Werner Herzog), des acteurs versant dans la caricature, à l'image d'Ellen Barkin qui interprète sans aucune nuance la mère de famille mentalement et physiquement détruite par le drame.
Un résultat qui n'est donc pas à la hauteur de l'ambition, pourtant indéniable, du projet.
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(...) le film n'est pas à la hauteur du fait divers, comme à côté de son potentiel romanesque. Ce n'est pas la faute de Marc-André Grondin (C.R.A.Z.Y.), avatar physiquement plausible de Frédéric Bourdin - lequel jouait encore les jeunes adolescents à l'approche de la trentaine. En revanche, sa partenaire, Ellen Barkin, actrice américaine bien aimée (jusque-là), se montre outrancière jusqu'au rédhibitoire. Méconnaissable, elle trouve le look, l'attitude d'une mère « white trash », mais verse vite dans la pire caricature de l'Actors Studio, tout en spasmes et couinements.
L'erreur consiste sans doute à lui attribuer une place centrale, à elle, de même qu'à une femme flic (personnage plus réussi, néanmoins), acharnée à confondre l'imposteur... On se demande pourquoi Jean-Paul Salomé met en scène Bourdin (rebaptisé Fortin) comme un simple catalyseur des traumatismes d'autrui, beaucoup moins fascinants que son syndrome à lui. Bien qu'à l'écran la plupart du temps, il reste un personnage secondaire. Ne fallait-il pas plutôt explorer son désir éperdu de rester un garçonnet et, surtout, la succession vertigineuse de ses identités, pour faire vraiment le portrait d'un « caméléon » ? -
Il faudrait un Pirandello pour que ce personnage sorte du cliché de cinéma, gagne son autonomie et puisse réellement changer de vie. Révolte-toi, caméléon, contre la mortelle standardisation à laquelle on te somme de te conformer !