Première
par Gérard Delorme
Un prof au chômage, un ancien taulard, une femme perverse et manipulatrice. Mélangez, secouez, et devinez qui survivra à l’explosion... À un moment pas si anodin qu’il n’en a l’air, un personnage de "La Niña de Fuego" affirme que la corrida, activité typiquement espagnole, symbolise le combat de la raison contre l’instinct. Cette idée est à la base d’une intrigue qui ne démarre vraiment que lorsque l’instinct prend le pas sur la raison. Le déséquilibre qui en découle entraîne une série d’absurdités. Le chômeur, aveuglé par la nécessité (et considérablement aidé par le hasard), perd la tête et fait chanter une femme instable, qui elle-même se met en grand danger pour éviter que son mari n’apprenne ce qui n’était qu’une peccadille... Sidney Lumet disait du mélodrame qu’il consiste à "rendre vraisemblable l’invraisemblable". Il semble que ce soit le but poursuivi par Carlos Vermut avec ce deuxième long métrage ambitieux. Il le fait en essayant de concilier deux conceptions de la narration, l’une centrée sur les personnages, l’autre sur l’intrigue. Il faut lui concéder un certain degré de conviction, soutenu par un style affirmé et réfléchi, mais le spectateur doit aussi faire preuve de beaucoup d’indulgence. Parce qu’au bout du compte, on ne sait pas s’il faut louer ses efforts pour nous faire croire à une histoire qui ne tient pas debout ou s’il faut lui laisser le bénéfice du doute, en espérant que son prochain film soit vraiment convaincant.