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Au départ, La saison du diable devait être un film noir. Mais Lav Diaz, choqué par les violences perpétrées par le shérif Duterte dans son pays, et plus généralement inquiet de la marche du monde symbolisée par l’accession de Donald Trump au pouvoir, s’est mis à composer des chansons engagées. 33 morceaux exactement. Le projet de polar s’est changé en « opera-rock », précisément en une épopée musicale de 4 heures sur les Philippines de Ferdinand Marcos - Une époque sanglante marquée par la torture, les crimes d’Etat et la loi martiale imposée au peuple par le dictateur corrompu, resté deux décennies au pouvoir, entre 1965 et 1986. Hélas, le film semble aussi interminable que cette ère encore controversée aujourd’hui. On y supporte de (très) répétitives complaintes, captées en de (très) longs plans fixes en noir et blanc. L’œil est d’abord happé par les compositions visuelles, prisons graphiques élaborées avec un grand objectif 9:8, et dont les bords ont été rabotés en 4:3 pour en augmenter le pouvoir anxiogène. Quelques visions surréalistes surprennent ça et là, amorçant les bribes prometteuses d’un poisseux cauchemar fantastique. Mais la monotonie gagne presque instantanément ce film-concept à l’austérité harassante. Dès les premières notes du musical, en réalité. Car la dénonciation de la gangrène fasciste, plus pataude qu’inspirée malgré le soin que porte le réalisateur à en présenter les différents masques, n’est jamais illuminée ou déréglée par l’interprétation des chansons : psalmodiées in extenso et a capella, elles demeurent désespérément atones. La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que la purge diazienne ne dure qu'une saison. La mauvaise, c’est qu’elle semble durer le triple.