- Fluctuat
Quand Larbi rencontre Béa et Christian de retour de carnaval, il n'a qu'une seule idée en tête, partir à Marseille, là où il fait soleil. Une bière, un bisou, et un chapeau de carnaval plus tard, il décide de rester quelques jours de plus à Dunkerque pour rattrapper Béa, et la convaincre de lâcher ces crétins à paillettes et venir avec lui.
Béa, sans ses fausses pommettes et sans costume de clown est une mère de famille. Quand Larbi la retrouve à Auchan, poussant son caddie, on est surpris de voir cette joyeuse luronne se révéler en femme forte qui joint les deux bouts avec difficulté. Mi gavroche, mi jolie môme, Béa est d'ici, de Dunkerque, elle ne peut pas partir d'abord parce qu'il y a Carnaval, et qu'est ce qu'elle irait foutre là bas, et puis "faut pas exagérer, il ne pleut pas tout le temps ici... "En plaçant son histoire au coeur de cette fête traditionnelle populaire, héritée des fêtes de marins pêcheurs qui mettaient la ville à feu et à sang avant leur départ, Thomas Vincent donne à son premier long métrage une note authentique. Ce réalisateur qui voulait devenir Tintin quand il était petit, restitue avec poésie et tendresse un carnaval souvent montré avec condescendance et dédain. En détournant le film d'un pittoresque trop facile, il joue avec la signification et les conséquences du travestissement, celui des âmes comme celui des corps habituellement pris dans une réalité moins facile à vivre.Karnaval, montre des personnages qui vivent là où ils habitent, qui y ont grandi. Ce contexte d'appartenance locale nous touche, on est face à une famille à laquelle on aimerait bien appartenir. On s'identifie facilement à Larbi, l'initié aux rites du carnaval : "un bon carnavaleux, c'est quelqu'un qui doit vomir propre..." Ainsi découvre-t-on ces fêtards de façon intime. Thomas Vincent pose sa caméra, prend son temps pour montrer et nous attacher à ses protagonistes. Malheureusement il reste parfois trop sage. Il aurait sans doute donné une originalité plus forte à son histoire, assez classique il faut bien le dire, s'il avait dépassé à l'image les caractères un peu trop lourdement archétypiques de ses personnages. Ainsi son film, parfois trop lent, aurait gagné en rythme, poussé par une urgence par ailleurs sourdement présente.L'amour de ce couple en galère formé par Christian et Béa, quoique violent et difficile au quotidien, est finalement plus important que les rencontres et les aventures d'un jour. En mélangeant les réalités quotidiennes à leurs festives envies d'ailleurs, Thomas Vincent réalise un film coloré, frais et plein d'espoir et révèle leurs aspirations à un monde plus rose, plus fou.Karnaval
De Thomas Vincent
Avec Amar ben Abdallah, Sylvie Testud, Clovis Cornillac
France, 1998, 1h28.