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Depuis ses débuts, le cinéaste brésilien marche sur un fil, avançant entre une démarche auteurisante et l’ambitieux désir de toucher un large public, tout en voulant donner de son pays une image dégagée des clichés (l’exotisme cheap ou la violence hardcore). Avec Je suis toujours là, il signe une oeuvre déchirante sur l'une des pages les plus sombres de l'histoire brésilienne en racontant le destin authentique d’une famille pendant la dictature militaire. Le film débute sur des scènes de bonheur simple : c’est la fin des sixties, un foyer aisé de Rio vit dans un appartement en bord de mer ouvert aux quatre vents. Le père est un ancien député engagé à gauche. La mère s’occupe de ses enfants avec amour. La caméra, légère, s'attarde sur des moments de félicité, capturés en Super 8 par la famille elle-même. Mais la dictature s'installe insidieusement et un jour, le père est enlevé par cinq hommes armés. Le film bascule alors dans l'horreur kafkaïenne d'un système où les autorités nient jusqu'à l'existence même de leur crime. Et l'épouse se met en quête désespérée de la vérité, se heurtant sans fin au mur du silence bureaucratique. Par sa fragmentation narrative, par le passage d’un personnage à un autre et par un sens musical du rythme sensuel, Je suis toujours là échappe aux écueils du film à thèse ou au sensationnalisme parvenant avec élégance, à insuffler la juste dose de romanesque pour nous rendre sensibles au sort de cette tribu. Salles montre comment l'amour survit à la barbarie, et comment chaque geste de tendresse peut devenir un acte de résistance.