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Alice (Florence Pugh) habite avec Jack (Harry Styles) dans une drôle de banlieue chic qui ressemble au Meilleur des mondes ou au Pays des merveilles. C’est la cité heureuse du machisme yuppie, les années 50 y sont éternelles, les femmes au foyer sexy et soumises, les enfants heureux et les hommes drôles et séduisants. Très vite pourtant, cet univers vacille. D’abord il y a la voisine qui tombe du toit, les flashs mentaux qui viennent perturber le quotidien d’Alice, et puis il y a Frank (Chris Pine), le gourou du coin qui devient inquiétant. Quelque chose cloche dans cet univers propret et luxueux. Mais quoi ?
L’ennui c’est que n’importe quel spectateur peut répondre dès les vingt premières minutes. Reprenant tous les clichés de la SF « quatrième dimension » les plus éculés, Don’t Worry Darling ne surprendra pas grand monde. Un peu de Matrix, beaucoup de Truman Show, énormément de Stepford Wives, le film d’Olivia Wilde recycle tous les concepts dystopiques sans jamais tenter de les renverser ou de leur donner un peu d’originalité. C’est la limite de cette fable popote, avec son discours féministe étrangement sage et poli et son horizon libérateur convenu – surtout post #Metoo.
Reste pourtant deux atouts essentiels qui font de ce film une vraie friandise visuelle. Le look rétro et la photo de Matthew Libatique valent le détour : la banlieue colorée, proprette et très haut de gamme, où les femmes ressemblent à un mélange de poupées Barbie, de playmates et de ménagères sorties d'une publicité, où les Corvette 61 croisent les Hudson 50s, possède un éclat vintage dopé par les chatoiements de la lumière du chef op. Mais il y a surtout Florence Pugh fantastique, qui prouve une fois de plus qu’elle est la plus grande comédienne de sa génération. Perdue, combative, crucifiée, revancharde, elle est l’âme de ce film qui aurait vraiment gagné à transcender son univers à la beauté vertigineuse.