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À ses débuts, dans les années 90, Cédric Klapisch célébrait joyeusement les vertus du vivre-ensemble, à même de transcender les clivages de toutes sortes. Vingt-cinq ans plus tard, l’utopie communautaire semble avoir vécu. C’est du moins ce que semble raconter Deux moi, portrait tout sauf béni-oui-oui de la génération Tinder, dans lequel le réalisateur de L’Auberge espagnolefilme deux solitudes, celles de Mélanie et Rémy, en quête de sens et d’amour, qui vivent côte à côte sans le savoir dans des immeubles mitoyens. Elle est chercheuse et timide, il travaille pour une hotline et traîne un blues tenace. Finiront-ils par se trouver ? Sans rien divulgâcher, le prévisible dénouement n’est pas ce qui intéresse Klapisch mais plutôt ce qui y mène. Cet indécrottable optimiste croit encore à l’humain, à sa capacité d’écoute et d’émerveillement face à l’inattendu : l’offrande d’un chaton mignon tout plein, la bienveillance old school de l’épicier du coin (formidable personnage philosophe incarné avec malice par Simon Abkarian), l’introspection favorisée par la psychanalyse apparaissent comme autant de palliatifs à l’ultramoderne solitude de nos sociétés connectées. Des clichés, diront sans doute certains. Et le film d’assumer sans complexe une forme de candeur et d’abstraction formelle (gros travail sur la profondeur de champ et l’ambiance sonore) qui rapproche ce récit à deux voix du conte urbain auquel Ana Girardot apporte sa délicatesse et François Civil, son humour décalé.