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Le cinéma singulier n’a donc pas le vent en poupe et c’est bien dommage pour notre collaborateur Vincent Ostria, qui sort aujourd’hui son premier long métrage, que d’aucuns jugeront “radical”, alors qu’il s’agit juste d’un cinéma qui a la modeste prétention de vouloir nous proposer autre chose que la messe hebdomadaire du mercredi. (...) Grâce à un travail sur le son extrêmement expressif et précis, à un noir et blanc très cadré, et un usage suggestif du fondu au noir, Crime nous entraîne ainsi dans un monde parallèle et concomitant au nôtre, très cohérent et bizarre à la fois, comme une peau qui recouvrirait le réel, qu’on pourrait tout simplement appeler le cinéma.
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l se dégage de Crime un indéniable parfum de fantastique, qu'on sent bricolé avec des moyens de fortune mais qui impose fortement sa marque. On est ici quelque part entre Dostoïevski, Kafka et David Lynch, et plus sûrement encore dans le secret d'un journal intime dont Vincent Ostria aurait jeté la clé dans son propre film.
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La bande-son est travaillée, stridente ou enveloppante, et le noir et blanc, très contrasté. C'est du bizarre mâtiné d'absurde et d'humour - noir, bien entendu. On a l'impression de plonger dans un mauvais rêve ou d'être sous l'emprise d'une drogue d'un genre nouveau. Peut-être cette mystérieuse poudre noire (du simple café ?), glissée dans un stylo, lui-même enfoncé dans un pain de gélatine (!) que Muinski découvre empaqueté sur son palier. Le moindre fait, ici, relève d'anomalies ou de rituels sibyllins que le spectateur est invité à décrypter, pour son plus grand plaisir d'intoxiqué. Nuit gravement à la santé, cela va de soi.
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On comprendra aussi la recherche d'onirisme de Vincent Ostria et sa tentative d'esthétique noir et blanc. Mais pour tenir au corps, un film, aussi atmosphérique soit-il, n'est pas dispensé d'enjeu ni de structure narrative. L'étrangeté ne fait pas tout.
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Entre un scénario différant sans cesse ses enjeux, l’élégance spectrale du noir et blanc, le jeu atonal des comédiens (mention à la toujours impeccable Eva Ionesco) et le relief acoustique de la bande-son, il explore un cinéma stylisé et radical.
Crime