Toutes les critiques de Certaines femmes

Les critiques de Première

  1. Première
    par Frédéric Foubert

    La cinéaste indépendante Kelly Reichardt poursuit son chemin mutique sur les routes d’Amérique. Certaines Femmes entrecroise quatre portraits de, hum… femmes (Laura Dern, Michelle Williams, Kristen Stewart et Lily Gladstone) dans une forme proche du film à sketches, évoquant le Short Cuts de Robert Altman. C’est un film intrigant, intimidant, mais assez passionnant si on décide de ne pas se laisser impressionner par ses longues plages de silence. Le propos de Reichardt n’est pas tant à chercher dans les intrigues elles-mêmes que dans les indices « westerniens » disséminés aux quatre coins du cadre. Un train traversant une plaine du Montana, des Indiens paradant dans un centre commercial, une fille qui se rend à ses cours du soir à cheval… L’idée, ici, est de traquer les échos et les vestiges d’une Amérique primitive, pré-industrielle, puis de la faire remonter à la surface en la repeuplant de figures féminines. Comme s’il s’agissait, dans une optique féministe, de « corriger » la version masculine (machiste ?) de l’histoire de l’Ouest. Le paysage est montré à la fois comme une prison et une promesse sans cesse renouvelée d’émancipation. Tout ça a l’air affreusement théorique dit comme ça, mais Reichardt réussit ici, comme dans son chef-d’œuvre La Dernière Piste, à combiner ses partis-pris les plus intellectuels avec des bouffées purement émotionnelles, dans une espèce de langueur cool qui évoque pour le coup moins Short Cuts que les Altman seventies, les meilleurs, ceux qui combinaient colère politique et hébétude jointée. Certaines Femmes souffre parfois d’un excessif esprit de sérieux mais est en tout cas une preuve précieuse que le ciné indé US n’est pas condamné à ressasser ad lib les mêmes formules toutes faites.