Comment un jeune de la génération 2000 peut-il s’approprier la mémoire de la Shoah ? Un lycéen de 18 ans livre un documentaire très émouvant sur sa rencontre avec la seule survivante rouennaise à la Shoah.
Baptiste Antignani, un lycéen de Rouen, filme sa vie depuis qu’il est tout petit. En visite à Auschwitz avec sa classe de terminale, il s’étonne de ne rien ressentir. Cette absence de sentiment le dérange et le pousse à prendre contact avec Denise Holstein, une femme de 92 ans, rescapée de la Shoah. Dans les années 1930, Denise a fréquenté le même collège que Baptiste, à Rouen. La rencontre avec cette femme, qui a longtemps caché ce qu’elle avait vécu dans sa jeunesse avant de témoigner auprès des lycéens, le bouleverse. Son film nait de là.
Une vie nous sépare, coréalisé avec Raphaëlle Gosse-Gardet, suit le chemin que font deux êtres chacun à un bout du spectre de sa vie. Baptiste est curieux, empathique et tendre ; Denise est refermée sur elle-même, peu décidée à tomber dans l’émotion et fière. Soixante-quatorze ans les séparent. En cherchant à accroître ses connaissances sur la Shoah, le jeune homme va ressortir une lettre du placard qui va venir chambouler la vie de Denise, ses certitudes et ses relations familiales. Une des scènes clé du film est la réunion où Denise tente de revenir sur les non-dits avec ses filles : « Je ne pouvais pas parler, c’était coincé, explique-t-elle. Et puis, c’était tellement énorme que j’avais l’impression que les gens ne comprendraient pas. » Et c’est finalement l’amitié avec le jeune homme qui permettra à la nonagénaire de s’ouvrir aux siens pour la première fois.
Pour compléter les souvenirs de Denise, Baptiste Antignani se livre aussi, avec beaucoup de justesse, à des interviews avec deux spécialistes de la Shoah, Serge Klarsfeld et Annette Wieviorka. Avec ce film, s’éclaire ce que veut dire réellement le « devoir de mémoire », phrase toute faite et si mal-à-propos quand il s’agit de saisir l’inimaginable. Finalement, la génération 2000 sera bien la dernière génération à pouvoir rencontrer des témoins vivants. C’est aussi pour ça que le film de Baptiste Antignani est important.
Une vie nous sépare est diffusé aujourd’hui, jeudi 23 avril, à 21 heures, en séance unique, sur le site du Mémorial de la Shoah dans le cadre de son ciné-club confiné.
Il est aussi visible sur MyCanal depuis le 4 mars 2020.
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