Si le cinéma de Sri Lanka, qui à l'époque est encore nommé Ceylan, voit le jour en 1947 sous les auspices et dans les studios indiens de Madras, le seul cinéaste qui se soit fait connaître dans l'île et à l'étranger, le seul à avoir proposé une vision personnelle demeure James Lester Peries. Né dans une famille catholique aisée, c'est surtout le monde bouddhiste, rural, que reflète son uvre, née d'un fructueux apprentissage du documentarisme au sein du Government Film Unit (GFU) de Ceylan. De formation littéraire, ayant vécu huit ans à Londres, Peries se laisse séduire par le cinéma. Il travaille d'abord avec Ralph Keene, producteur du GFU, et William Blake, qui est le chef opérateur de plusieurs de ses films, dont trois de ses douze courts métrages, ainsi qu'avec Sumithra Peries, son épouse et chef monteuse, à l'occasion cinéaste. Dans un pays sans tradition cinématographique, où dominent les films hinds, tamouls et anglo-saxons, Peries veut s'assurer d'une équipe cohérente, partageant ses conceptions. Pas de didactisme, ni de théorisation. Il va s'essayer à traduire l'âme et la vie d'un peuple que 150 ans de colonialisme n'ont pas sorti du sous-développement et qui reste sensibilisé aux superstitions, lié par les rituels, soumis à la loi des travaux agraires. Son premier long métrage, la Ligne du destin (Reveka, 1956), tourné en extérieurs, est remarqué à Cannes, acheté par plusieurs pays. Les thèmes de Peries s'y trouvent déjà pour la plupart vie cruelle et ludique, présence des enfants, irrationalité... Il prend le contre-pied des mélos fabriqués à renfort de chansons et de poursuites rocambolesques que Ceylan commence à produire. Il ne récuse pas, cependant, le mélodrame ( Entre deux mondes Delovak athara, 1965) mais le charge de ce langage du « silence » et du signe qui est essentiel à l'Orient et dont Satyajit Ray ou Yasujiro Ozu ont capté la magie. Les plus maîtrisés des films de Peries possèdent ce charme de l'indicible qui laisse affleurer la sensibilité et l'émotion sans jamais de manifestation théâtrale. Ses personnages affrontés à la vie (aux brutalités, aux éléments, au dénuement) n'en paraissent que plus vrais. On peut situer dans cette ligne Changements au village (Gamperaliya, 1963), la Robe jaune (Ran Salu, 1966), Cinq Arpents de terre (Akkara paha, 1969), Des fleurs blanches pour les morts (Amasin polawatha, 1976) ainsi que l'adaptation du roman de Leonard Woolf, le Village dans la jungle (Baddegama, 1979), sans doute une des rares transpositions fidèles au tragique du monde rural, et la Fin d'une ère (Yuganthaya, 1984). Par ailleurs, on doit à Peries quelques essais de films « historiques » sur la présence portugaise coloniale à Ceylan avec le Message (Sandesaya, 1959), ou sur celle des Anglais avec Rébellion (Veera puran, 1978). Mais il reste isolé, assujetti à des conditions de production et de distribution précaires. En effet après quelques années de silence il revient à la mise en scène en 1991 avec Awaragira. La création, au cours de l'année 1970, du State Film Corporation n'a pas donné l'impulsion attendue, ni modifié enfin la taxation.