Les séries sur la royauté dévient-elles un peu trop de la réalité historique ? Stéphane Bern donnait une conférence sur le sujet à Séries Mania.
Quelle est la part de fantasme et de pure invention scénaristique dans les séries sur la royauté ? Invité de Séries Mania, Stéphane Bern a tenté d'y répondre hier, lors d'une conférence à l'UGC de Lille, dans une salle comble. « Il y a peu de vrai et beaucoup de faux, de ce que j’ai compris », lance en préambule Laurence Herszberg, directrice générale du festival. « Les gens ont acheté la télévision pour regarder le couronnement de la reine Élisabeth en 1953 (…) C’est le début de la mondovision », rappelle Bern, pour qui le faste des familles royales est au cœur de la fascination qu'elles exercent sur le public. « Le faste, on en a besoin pour y croire (…) On les veut à la fois comme nous (…) mais s’ils sont trop comme nous, on ne comprend pas pourquoi ils ont des Palais et des voitures (…) C’est une projection de notre vie, ils nous tendent un miroir. On retrouve avec eux le cycle de la vie : les naissances, les décès... Il y a une dimension cathartique là-dedans (…) Ils font partie de notre vie. Et les séries montrent qu’on ne fait plus la différence entre la vérité et la fiction. »
Mais Stéphane Bern n'a a priori pas de problème à ce que des séries comme Les Tudors et The Crown s'autorisent à modifier la réalité historique : « On peut distordre l’Histoire », assure-t-il, tant que « la psychologie des personnages est juste. Dans la série, il faut du storytelling ». Et de prendre en exemple cette scène de The Crown où la princesse Margaret rend visite au président Johnson. « Toute cette scène est de la fiction. Oui,elle est allée aux États-Unis, oui elle a dansé. Mais elle ne l’a jamais embrassé. C'était peut-être le dîner le plus ennuyeux de sa vie. La série dit qu'elle aurait renfloué la dette grace à tout ça, mais le chèque était déjà signé ! Par contre, la scène reflète bien la personnalité de Margaret. Moi qui la connaissais, oui, effectivement, elle fumait et buvait (Rires.). »
L'essentiel est donc sauf. « Margaret a été la Brigitte Bardot de la famille royale. Il y avait tous les ingrédients pour faire la une de Paris Match, avec ses bonheurs et ses malheurs. Avant, c’était dans les journaux, et maintenant c’est en série. »
« Manque de nuance »
Bern précise par ailleurs que les Anglais ont eu vite fait de prendre la série « pour une vérité historique. Sauf que la psychologie est là, les acteurs sont de grande qualité, mais les faits sont faux. On prend un minuscule événement et on en fait un épisode tout entier. Il y a plein d’exemples. Je pourrais vous lister toutes les scènes où on vous dit n’importe quoi ! »
Il évoque notamment le fait que dans la saison 4 de The Crown, Diana ne sait pas à qui faire la révérence : « Elle a été élevée avec les enfants royaux, elle sait parfaitement à qui faire la révérence !Et puis les crises de boulimie de Diana ont commencé parce que sa mère l’a abandonnée, pas après son mariage avec Charles comme veut nous le faire croire la série. Mais c’est bon pour la narration parce qu’on nous raconte une histoire. » Reste que le spécialiste de la royauté, qui « adore The Crown », en veut aux auteurs d'avoir de plus en plus dévié de la réalité au fil des saisons : « Pour moi, ils ont loupé la saison 4 et manqué de nuance. »
Sur Les Tudors, après avoir dévoilé un extrait avec Henry VIII (Jonathan Rhys-Meyers) et Anne Boleyn (Natalie Dormer), Bern explique que « le roi est normalement obèse, excessif en tout », et certainement pas le bellâtre vu à l'écran. « Les portraits d’Henry VIII montrent un géant ! Et il avait sûrement des problèmes psychologiques, on ne décapite pas deux de ses femmes comme ça. » Malgré les écarts des Tudors, il explique facilement le pouvoir de fascination de la série : « C'est le genre de dynastie qui a tous les ingrédients : le pouvoir, l’argent et l’amour. Ou le sexe, on n’est pas obligé d’y mettre de l’amour ! Dans les séries bien sûr, dans la vie j’espère que vous y mettez de l’amour (Rires.) Il y a beaucoup de grandes personnalités hautes en couleur, des rivalités, du sang, de la chair, de la violence. Les guerres de religion deviennent la toile de fond de l’épopée d’une famille. Ça permet de se rappeler de la violence de ces temps. »
Stéphane Bern en profite pour se moquer gentiment des Américains, à travers la description qu'il font dans la France dans la série Versailles : « Les Américains ont une vision de Versailles ! Tout le monde est sale ! Alors qu'il y a largement assez de salles de bain au château pour chacun. Et puis on couchait tout le temps, visiblement. C’est une série à l’horizontale ! »
Avant de quitter la scène, il lâche avoir un projet de série dans ses « cartons, mais je ne peux pas trop en parler. Moi, c’est Catherine de Médicis qui m’intéresse beaucoup. On est en train d’y travailler. » A l'année prochaine pour une projection à Séries Mania ?
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