Ovni(s) Canal Plus
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Comédie SF, mais pas que, Ovni(s) s’accommode à tous les genres pour investiguer sur l’existence d’êtres venus d’ailleurs. Visible sur Canal+.

En 2013, la Fémis ouvrait sa section séries, pour enseigner des techniques narratives à une nouvelle génération d’auteurs à même de faire prospérer une fiction française singulière et inventive. Une poignée de jolis projets ont déjà été conçus en ses murs, telles la réjouissante Irresponsable, ou HP, dramédie en milieu psy…

Voici maintenant Ovni(s), épopée de 12 épisodes de 30 minutes écrite à quatre mains par deux camarades de promo, Clémence Dargent et Martin Douaire. Son titre ne fait pas mystère de son sujet : on y parle ufologie et phénomènes paranormaux. Ambitieux et peu commun dans la fiction française depuis l’âge d’or de feuilletons comme Les Visiteurs, ou Aux frontières du possible au mitan des années 70 et aux premières heures des eighties. Ça tombe bien, c’est pile l’époque choisie par le duo de scénaristes pour poser le décor d’Ovni(s). Melvil Poupaud y incarne Didier Mathure, ingénieur en aérospatiale mis sur la touche après l’échec d’un projet d’envergure. Muté pour prendre la direction d’une obscure officine qui enquête sur des phénomènes aérospatiaux non identifiés (le Gepan, réellement fondé en France en 1977), il a surtout pour ordre de faire fermer le service fissa en enterrant les affaires les plus fantaisistes qui arrivent sur son bureau. Mais son scepticisme va vite être mis à l’épreuve…

Nostalgie assumée

Innervée par l’esprit de conquête spatiale, la dynamique de progrès et l’obsession grandissante pour l’inconnu qui régnait à l’époque où Star Wars et Rencontres du troisième type trustaient le box-office, Ovni(s) est un drôle d’objet. Il a tous les atours d’un X-Files à la française, avec son héros placardisé pour enquêter sur l’inexplicable, ces montres qui s’affolent, ces objets qui disparaissent, ces radios qui changent subitement de fréquences, et l’ombre d’une conspiration militaire qui semble se faire jour. Sauf que la série adopte aussi le ton d’une comédie vintage. Le découpage des séquences et l’enchaînement des répliques débobinent parfois comme dans un cartoon ou les cases d’un album de Tintin (pour les scènes d’enquête de terrain) et de Gaston Lagaffe (les péripéties de bureau). Un mélange des genres habilement conjugués : dans Ovni(s), le minimalisme fait loi et traduit une intelligence d’écriture où tout est question d’équilibre.

La série exhale aussi un parfum de nostalgie assumée, authentique hommage à l’époque dont elle empile les références (musicales, visuelles) avec gourmandise, de la plus discrète coupure de presse à l’apparition du protagoniste la plus improbable. S’autorisant toutes les extravagances, elle est parfois à la limite de tomber dans les excès, enhardie par cet amour du genre et cette tendresse pour les années qu’elle décrit. Pourtant, elle se rattrape toujours au vol. Sans doute parce que drôle, mais jamais risible ou ridicule dans ses tentatives, la série part du principe que tout est possible, adoptant le même credo que son héros. Sa force ? Croire en ses capacités d’entraîner dans son univers, en toute humilité.

Ovni(s) pourrait tomber dans le piège de trop en dire, ou pas assez : elle suggère, crée l’attente, met ses personnages à l’épreuve, les balade sans cesse entre scepticisme et crédulité, joue sur la frontière entre illusion et réalité… Elle révèle alors une richesse et une profondeur qu’on ne soupçonne pas au premier abord. Ceci en déployant un fantastique au charme simple, poétique et émouvant. Le cosmique garde les pieds sur terre, préserve une part de mystère, invite simplement à rêver, offrant à la série ses plus belles scènes.

Résonances

Au-delà des galaxies, Ovni (s) témoigne des luttes internes de ses personnages, emportés par la fébrilité qui les gagne tous un à un dans cette aventure. Melvil Poupaud pourrait rafler tous les honneurs dans ce rôle de scientifique au cartésianisme mis à rude épreuve. Incompris par sa famille, égaré dans ses obsessions, il résonne puissamment avec le personnage de Richard Dreyfuss dans le film de Spielberg. Mais la partition des auteurs fait la part belle à une distribution d’ensemble : Michel Vuillermoz, Quentin Dolmaire ou Daphné Patakia s’y montrent épatants.

Des gens qui doutent, vont de conquête en reconquête, se débattent avec l’échec… On essaie d’y exister par soi-même, de se prouver qu’on vaut réellement quelque chose. Ovni(s) apparaît même résolument moderne, jusqu’à évoquer des préoccupations très contemporaines (l’affirmation du féminisme, de l’écologie, des mouvements de désobéissance civile ou encore les manifestations d’un complotisme galopant). Universelle et intemporelle, la série de ce début d’année.

Ovni(s), visible sur Canal+, Canal+ Séries et MyCanal.