Le comédien a avoué avoir abusé de son pouvoir, pour agresser sexuellement 5 femmes. La carrière de Louis C.K. s'arrête net, en cet automne 2017.
On le présente bien souvent comme le successeur de Jerry Seinfeld. Un élève de Woody Allen. Incontestablement, Louis C.K. s'est imposé en deux décennies, comme le nouveau roi du stand-up américain. Peut-être moins populaire que Chris Rock et certainement moins exubérant qu'une Amy Schumer, il s'est malgré tout fait une place de choix, tout en haut de la pyramide des humoristes / comédiens / scénaristes / producteurs de la scène US.
Reconnu aux États-Unis pour son usage de l'autodérision et de l'humour noir, il a remporté pas mois de six Emmy Awards. Ses collaborations dans les Late Shows de David Letterman ou Conan O'Brien ont lancé sa carrière. Ses spectacles sur HBO – Shameless (2007), Chewed Up (2008) et Hilarious (2011) – ont rencontré de gros succès. En, 2011, son show Live at the Beacon Theater, vendu sur Internet, lui rapporte un million dollars en quelques jours. Sur le petit écran, sa série Louie est multi-récompensée. En 2017, Rolling Stone le classe quatrième sur sa liste des cinquante meilleurs humoristes de stand-up. Et cette même année, il a carrément empoché (selon Forbes) la bagatelle de 52 millions dollars - au total, pour toutes ses activités - ce qui le place en troisième position des humoristes américains les mieux payés du moment (derrière Jerry Seinfeld et Chris Rock).
Louis C.K. est au top. Riche. Incontournable. Insaisissable. Autant adoré qu'admiré. Et pas seulement chez lui. Les humoristes du monde entier citent son nom. En France, il fait salle comble à l’Olympia en 2016, et a même droit à Gad Elmaleh en première partie. Il faut dire que la star de la vanne tricolore est un grand fan. Souvent, Gad avoue s'inspirer de Louis C.K.
Plus dure sera la chute. Lorsque le New York Times publie, la semaiene dernière, les témoignages de cinq femmes, accusant le patron de les avoir agressé sexuellement, personne n'ose y croire. Pourtant, le comédien ne cherche pas à nier. Dans une déclaration publique en forme d'acte de contrition, C.K. a avoué, ce week-end : "Je veux parler de ces histoires racontées au New York Times par cinq femmes nommées Abby, Rebecca, Dana, Julia. Toutes ces histoires sont vraies". Puis il explique :
"À l'époque, je me disais que ce que je faisais était normal (...) Le pouvoir que j'avais sur ces femmes, c'est qu'elles m'admiraient. Et j'ai utilisé ce pouvoir de façon irresponsable. J'ai eu des remords et j'ai essayé d'apprendre et puis j'ai décidé de fuir. Maintenant, je suis conscient de l'ampleur de l'impact de mes actions. J'ai compris à quel point ces femmes se sentaient mal et se méfiaient maintenant des autres hommes. J'ai aussi profité du fait que j'étais très admiré dans ma communauté et que cela les empêchait de partager leur histoire. Parce que les gens qui me regardaient ne voulaient pas l'entendre. Je ne me pardonne rien de tout cela. Je dois me réconcilier avec qui je suis. Ce qui n'est rien comparé à la souffrance que je leur ai causée (...) J'ai fait souffrir ma famille, mes amis, mes enfants et leur mère. J'ai passé ma longue et chanceuse carrière à parler et à dire tout ce que je veux. Je vais maintenant prendre du recul et prendre beaucoup de temps pour écouter."
Le choc est rude. Surtout pour Pamela Adlon (photo ci-dessus). Sa collaboratrice de longue date. Une femme qui a travaillé avec Louis C.K. sur les séries Louie et Better Things, ces dernières années, et qui avoue aujourd'hui dans un communiqué être "dévastée et en état de choc après l'aveu de mon ami et partenaire, suite à ce comportement odieux. Je ressens une profonde tristesse et de l'empathie pour les femmes qui se sont manifestées. Je suis en train de digérer et de pleurer et j'espère en dire plus dès que je le pourrai."
Mais le reste du petit monde hollywoodien a aussi du mal à digérer, comme en témoigne cet édito publié dans Variety, qui fait amende honorable, pour avoir soutenu, supporté, admiré Louis C.K., pendant toutes ces années : "J'ai admiré Louis C.K. Quelle erreur !", annonce d'entrée la journaliste américaine Sonia Saraiya. "J'ai écrit une critique élogieuse de la cinquième saison de Louie. C'est terriblement embarrassant à lire aujourd'hui." Elle poursuit et avoue se sentir "trahie et agacée par moi-même. Je voulais tellement que Louis C.K. soit un type bien. Je pensais qu'il était intelligent (...) Il nous a demandé de lui faire confiance, aux critiques, aux spectateurs, aux fans. Son personnage sur scène rigolait beaucoup avec le genre et la sexualité. Et dans ses sketchs, il n'avait souvent pas peur de se présenter comme le méchant. Mais en fait, il savait. C'est ça qui pique."
On n'est donc plus près de revoir Louis C.K. sur le grand, ou le petit écran. Le comédien veut prendre du recul sur toutes ses activités. De toute façon, avec ou sans son accord, la chaîne américaine FX a déjà décidé d'annuler sa série Louie, dont la saison 6 était attendue prochainement. Elle a également coupé tous les liens entre C.K. et les comédies Better Things - de Pamela Adlon - et Baskets - de Zach Galifianakis - dont il était producteur. De même, il n'aura plus aucune fonction sur le drama Amazon One Mississippi (dont la saison 2 a été diffusée à la rentrée). Quant à The Cops, une autre série FX Productions, développée pour TBS - et qui devait être lancée en janvier prochain - elle est carrément mise au placard.
"Aujourd'hui, nous, FX Networks et FX Productions, mettons fin à notre association avec Louis C.K." assure le groupe dans un communiqué. "Nous annulons l'accord global entre FX Productions et sa société de production, Pig Newton. Il ne servira plus de producteur exécutif et ne recevra aucune compensation pour les quatre séries que nous produisions avec lui, à savoir Better Things, Baskets, One Mississippi et The Cops. Louis a maintenant confirmé la véracité des accusations portées par ces cinq femmes victimes de son manque de conduite. Chose que nous ignorions auparavant."
Louis C.K. est également mis à la porte de Netflix, qui devait produire, en 2018, sa nouvelle émission spéciale, après celle diffusée en avril dernier.
Il est aussi viré du casting vocal de Comme des Bêtes 2 (sortie prévue le 7 juin 2019), par les studios Illumination Animation et Universal Pictures. Louis C.K. devait y reprendre le rôle principal, celui du chien Max (rappelons que le premier volet, sorti l'an dernier, a rapporté près de 900 millions de dollars dans le monde !).
Enfin, hasard et coïncidence du calendrier, son troisième film, en tant que réalisateur, intitulé I Love You, Daddy, et qui devait sortir sur les écrans la semaine prochaine, a tout bonnement été annulé ! Le distributeur The Orchard a décidé de le retirer. Sans autre forme de procès. Ce week-end, la carrière de Louis C.K. s'est arrêtée.
Commentaires