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La nouvelle série de Ryan Murphy concluera, ce soir, dix jours de Festival.

Voilà, c'est fini. Le 8e Festival Séries Mania se termine ce week-end, au Forum des Images, avec la projection des deux premiers épisodes de Feud, la nouvelle anthologie de Ryan Murphy (diffusée en France sur Canal + séries), consacrée aux grands affrontements de l'histoire. La première saison s'intéresse aux embrouilles de Bette Davis et Joan Crawford, avant, pendant et après le tournage de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? Un portrait du glamour finissant de Hollywood. Hautement divertissant.

Il n’est pas nécessaire d’aimer toutes les séries de Ryan Murphy pour admirer son incroyable force de frappe, et sa capacité apparemment sans limites à produire des heures et des heures de télévision de qualité premium. Il s’est fait un nom grâce à des sucreries « flashy » telles que Nip/Tuck, Popular et Glee, mais c’est en 2011, avec la première saison de l’anthologie American Horror Story, qu’il se réinvente véritablement en magnat du petit écran. D’une certaine manière, il est devenu l’industrie, tout au moins l’empereur incontesté du groupe Fox TV, occupant l’antenne jour et nuit avec des séries gigognes à castings/intrigues interchangeables (American Horror Story, American Crime Story, Scream Queen), toutes construites pour durer, toutes populaires, toutes saluées aux Emmy Awards, et toutes nourries d’une bonne dose de « camp » (mot d’argot américain désignant un goût prononcé pour l’exubérance et la théâtralité, généralement employé pour sa connotation gay). L’an dernier, American Crime Story : The People Vs O.J. Simpson a fait grimper son étoile d’un cran supplémentaire. Un pamphlet jubilatoire sur les divisions raciales en Amérique, incisif, actuel, qui revoyait la « méthode Murphy » encore à la hausse en termes de qualité de production et d’ambition narrative. D’ores et déjà l’une des séries du siècle… Forcément, tout le monde était curieux de voir ce qu’il ferait ensuite.

Parle avec elles
L’une des grandes victoires de Ryan Murphy à Hollywood est d’avoir redonné de la visibilité à des actrices d’âge mûr qui avaient plus ou moins disparu de la circulation, oubliées par l’industrie ou cantonnées à des rôles tertiaires. Il a réactivé les carrières d’Angela Basset, Kathy Bates, Jamie Lee Curtis et Jessica Lange, qui n’avait plus donné signe de vie depuis son Oscar en 1995 avant de réapparaître en fanfare dans American Horror Story : Murder House. George Cukor des temps modernes (ou, disons, Pedro Almodovar de la série câblée), Murphy s’est ainsi constitué une armée de guerrières chevronnées (auxquelles s’ajoute Sarah Paulson, sa muse) qui lui ont visiblement juré fidélité jusqu’à la mort, de projets en projets, et même de saisons en saisons, quitte à changer de rôle et de perruque au gré des intrigues… Cet homme a une passion folle pour les actrices, et un talent naturel pour les aimer. Feud : Bette and Joan sonne comme un prolongement naturel de son univers, sans doute un aboutissement. L’histoire de Bette Davis et Joan Crawford, deux divas vieillissantes se vouant une haine féroce, contraintes pour revenir dans la course de jouer deux divas vieillissantes se vouant une haine féroce, dans une série B d’horreur, Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, où elles se donnent des gifles et se poussent dans l’escalier… Vous avez dit camp ?

Hollywood Babylone
En 1961, Joan Crawford, 56 ans (Jessica Lange), est devenue inemployable aux yeux d’une industrie qui cherche désespérément à rattraper son retard avec le public jeune, absorbé par la télévision. Lorsqu’elle met la main sur l’adaptation d’un roman pulp intitulé What Ever Happened To Baby Jane ?, Joan détecte l’opportunité d’un comeback, à condition de pouvoir embarquer Bette Davis (Susan Sarandon) dans l’aventure, sa rivale historique, elle-même menacée de fossilisation avec l’apparition de la couleur. Les deux stars n’ont jamais travaillé ensemble mais se sont toujours cherché des noises. Joan admire le grand talent de Bette et cherche avant tout son respect, quitte à en faire des caisses pour l’amadouer ; Bette est secrètement jalouse de Joan, mais ne supporte pas ses flatteries et ses manières de mégère.

Le tournage de Baby Jane pourrait vite tourner au vinaigre et une part du travail de Robert Aldrich, le réalisateur du film (splendide Alfred Molina), consiste à éviter que ses deux stars ne s’entretuent. La paix des ménages, toutefois, n’est pas dans l’intérêt de la nation. Jack Warner (Stanley Tucci), la communauté du cinéma, le public au sens large… La foule exige du sang. Hollywood a payé pour un massacre, pas pour une réconciliation.

Avec un œil extraordinaire pour le trivial, Feud nous balade à différentes étapes du tournage de Baby Jane, quand la mélancolie et les ressentiments s’ajoutent à l’ambiance déjà suffocante du film. Murphy se paye même un épisode entier aux Oscars de 1963, cérémonie fameuse qui a vu Crawford, même pas nominée, monter sur scène pour recevoir l’oscar de la meilleure actrice au nom d’Anne Bancroft (Davis, elle, concourait pour Baby Jane). Le plaisir de la reconstitution est intégral à la réussite de Feud, et la richesse du conflit Bette-Joan fait que la curiosité tabloïd l’emporte parfois sur le reste. La série cherche rarement à creuser au-delà. Avec une expertise documentaire que n’aurait pas renié Kenneth Anger, elle s’éclate (et nous aussi) à faire l’inventaire des scandales dans la Babylone moderne. 

Jessica ‘Joan’ Lange et Susan ‘Bette’ Sarandon sont les ambassadrices du mythe. Elles brandissent la torche pour toutes les actrices de plus de 40 ans à qui l’industrie a un jour déclaré qu’elles étaient devenues « imbaisables » pour le grand public. Elles s’emparent de ces rôles de femmes battantes, vengeresses et névrosées, et font un carnage.