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Un thriller urbain super efficace où la question du terrorisme est traitée à "l’américaine".

Un film d’action comme celui-là, réalisé trois ans après l’attentat du marathon de Boston, doit témoigner d’une grande transparence dans ses intentions. Son titre VO, Patriots Day, ne saurait être plus clair : à travers la question du terrorisme intérieur s’exprime d’abord la volonté de réaffirmer l’essence même de l’Amérique en tant que corps unifié, constitué autour d’un drapeau, de valeurs souveraines, et de la nécessité vitale de faire front pour résister aux agressions extérieures. Chaque troisième lundi d’avril, le Patriots Day commémore les batailles de Lexington et Concord qui furent disputées en 1775 dans la région de Boston. À l’époque, les méchants étaient anglais... Le film retrace la journée et les heures qui ont suivi l’attaque. Dans un style pseudo-documentaire bien rodé, Peter Berg organise l’action autour de ce microcosme US agressé, meurtri, qui s’agrège et se recompose aussitôt pour contre-attaquer, tels des globules blancs luttant contre l’envahisseur-virus. Après Du sang et des larmes et Deepwater, deux films à la construction strictement identique, on peut presque parler d’un "système Peter Berg" de l’action working-class et patriotique, où l’Américain moyen (il travaille, il aime sa femme, mais seulement quand il a la chance de l’avoir au téléphone) a toujours la tête et le front perplexe de Mark Wahlberg.

WESTERN URBAIN

Traque à Boston, c’est le titre français sans sous-texte, débarrassé de l’idée même de patriotisme, qui a tendance à donner des boutons de ce côté-ci de l’Atlantique. Un titre de thriller/ western urbain pas moins représentatif du film, surtout dans sa deuxième heure. Après une recréation impressionnante des attentats (le bruit des projectiles, la confusion émotionnelle), Berg épouse le désir de vengeance d’une ville entière et passe en mode totale série B, forces de police, témoins accidentels et citoyens lambda lancés dans une chasse à l’homme furieuse au son des scratches électro de Trent Reznor. L’action culmine dans une ruelle où la confrontation avec les terroristes tourne à la guerilla urbaine. Un morceau de cinoche anthologique, lardé d’explosifs et de duels au pistolet. Wahlberg incarne l’esprit inaltérable de Boston ; à un moment, il marche carrément sur la ville (une recréation sommaire de Downtown, posée au sol) pour retracer le parcours des poseurs de bombes à l’aide de caméras de surveillance. "Bonnard" n’est peut-être pas le mot que l’on cherche, ni le plus approprié pour parler d’un film à l’actualité si brûlante, où tous les faits se sont déroulés tels quels. Mais vous voyez l’idée...

MADE IN USA 

C’est là que Traque à Boston devient, disons, compliqué pour un public français, qui regrettera peut-être l’absence de réflexion ou de commentaire social. Tout ce que Made in France, de Nicolas Boukhrief, exprimait très (peut-être trop ?) consciemment dès le choix de son titre : la menace vient de chez nous. Les Américains, qui n’ont pas le même rapport à l’histoire, ne mangent pas de ce pain-là. Peter Berg ne mange pas de ce pain-là. Ici la menace est extérieure. Égaux devant l’action, les protagonistes existent purement à travers leur fonction dans le récit, y compris les terroristes. On ne s’intéresse pas à leurs motivations. Ils n’ont pas besoin d’être jugés ; ils se jugent par leurs méfaits. Ils n’ont même pas besoin d’être compris, ni pardonnés. Le temps n’est pas à l’absolution, mais au repli derrière la caravane, à l’affrontement final. Évacuer le mal, sans plus tarder. Et, seulement après, commencer à pleurer... Leur manière de gérer le drame.