guide des sorties 11072018
Twentieth Century Fox/Universal Pictures International France/Le Pacte

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

SKYSCRAPER
De Marshall Thurber

Imaginez le croisement improbable entre La Tour infernale (un immeuble en feu) et Piège de Cristal (une prise d’otage dans une tour). Ajoutez-y Dwayne Johnson à la place de Paul Newman et Bruce Willis. Traumatisé et unijambiste (mais avec une prothèse en titane).  Vous avez maintenant une idée assez précise de ce que vous réserve Skyscraper. Du feu, de l’action et des larmes. Ne cherchez pas l’originalité dans cette énorme production, qui doit faire le tour de la musculature de The Rock. Son cinéaste le filme sous toutes les coutures (sur le point de craquer) : en train d’escalader une grue, en train de foutre des mandales aux terroristes, en train de s’extraire une pointe acérée de l’épaule et de se faire un pansement avec du chatterton (« si tu ne peux pas le réparer avec du gros scotch, alors il faut en mettre plus ») avant de sauver sa famille et un magnat hongkongais pris en otage…  

Monsieur Chatterton

Il y a un plaisir coupable à regarder cette superproduction qui carbure aux clin d’oeils et à la caricature assumée. Le film remake quasiment au plan près certaines scènes de La Tour infernale. Et Dwayne Johnson s’autorise même à refaire les cascades de Tom Cruise dans Mission Impossible 4 : le passage le plus dingue de Skyscraper est ce passage où The Rock doit avancer sur la paroi de verre de son immense building  après s’être lancé dans le vide simplement attaché par un fil. La différence c’est que n’est pas Brad Bird qui veut et surtout, contrairement à Tom, il n’a pas de ventouses, mais… du gros scotch enroulé autour de ses mains et de ses pieds pour coller aux murs. C’est là finalement l’horizon de ce film d’action gentiment nanar et nostalgique : c’est vu et revu, mais ça reste suffisamment amusant, spectaculaire et violent pour faire oublier tous les gros défauts (dont une fin moralisatrice et larmoyante trop appuyée).

PREMIÈRE A ADORÉ

DOGMAN ★★★★☆ 
De Matteo Garrone

L’essentiel
Matteo Garrone rejoue l’histoire de David et Goliath dans un coin d’Italie délabré. Impressionnant.

Qui est l’« homme-chien » du titre du nouveau film de Matteo Garrone ? Est-ce Marcello, le toiletteur pour canidés, tellement affable et serviable qu’il se met à plat ventre dès qu’on le rosse ou qu’on lui donne un ordre ? Ou serait-ce plutôt Simoncino, la brute épaisse, le molosse qui détruit tout sur son passage et gobe des petits sachets de coke comme un toutou avale ses su-sucres ? Garrone entretient le flou tout au long de cette fable sur la loi du plus fort et la bestialité tapie en chacun de nous.

Frédéric Foubert
 

Lire la critique de Dogman en intégralité

PREMIÈRE A AIMÉ
 

PARANOÏA ★★★☆☆

De Steven Soderbergh

C'est presque un cliché, vieux comme Shock Corridor ou Vol au-dessus d'un nid de coucou : le héros se retrouve interné dans un asile psychiatrique alors qu'il est a priori sain d'esprit, puis entre dans un engrenage brouillant les frontières entre raison et folie. Sauf que Steven Soderbergh tire de ce canevas confortable une expérience retorse dont le spectateur, doucement “encamisolé”, est en fait le principal jouet.

Yal Sadat

DARK RIVER  

De Clio Barnard

A la mort de leur père, Alice retrouve son frère Joe. La ferme familiale est en jeu, les tensions éclatent autour de l’héritage. Clio Barnard (Le géant égoïste) s’empare sans sentimentalisme de ce marronnier des crispations familiales qu’elle situe dans le Yorkshire agricole. Une terre dont elle vient et qu’elle filme admirablement. Si la difficile relation sœur/frère, deux asociaux, est l’épine dorsale du film, on retient surtout l’atmosphère étouffante de cette campagne belle et pourtant âpre. La cinéaste croise en filigrane l’idée du corps d’Alice (Ruth Wilson) injustement colonisé dans l’enfance par un père incestueux, avec cette terre que des promoteurs veulent arracher aux éleveurs. Tels deux animaux tout droits sortis d’un onirisme rural à la Brontë, la sœur et le frère se guettent, se battent et se rebiffent, tantôt l’un contre l’autre, tantôt l’un avec l’autre.

Anouk Féral

THE STRANGE ONES ★★★☆☆

De Christopher Radcliff et Lauren Wolkstein

Un ado et son grand frère (Alex Pettyfer, avec un rôle enfin à la hauteur de sa présence physique) errent dans l'arrière-pays américain, laissant derrière eux un drame sanglant. The Strange Ones est un tout petit film (quatre-vingt minutes bien taillées), aux dimensions esthétiques et thématiques semblables à un épisode contemporain de La Quatrième dimension : beaucoup de non-dits, de mensonges, de suggestions, de parano et de hors champ. Mais les détours pris par The Strange Ones se révèlent extrêmement payants quand les pièces du puzzle mental échafaudé par les cinéastes débutants Lauren Wolkstein et Christopher Radcliff (elle a produit beaucoup de courts métrages, il a fait beaucoup de montage) se mettent enfin en place. Un tout petit film, oui, mais un vrai petit cauchemar bien troussé.

Sylvestre Picard

 

JOHN MCENROE - L’EMPIRE DE LA PERFECTION ***

De Julien Faraut

« C’est l’avantage de la terre battue, écrivait Serge Daney, elle crée de la fiction. ». Dans son étonnant documentaire, Julien Faraut mélange les genres et les sujets. En reprenant les images de Gil de Kermadec, pionnier du « cinéma d’instruction », et, parfois, les mots de celui qui fut rédacteur en chef des Cahiers du cinéma et chroniqueur tennis pour Libération, le réalisateur dresse un portrait à la fois méticuleux et drolatique de l’ancien n°1 mondial et grand colérique, le John McEnroe de 1984. Narré par la voix amusée de Mathieu Amalric, L’empire de la perfection glisse de la figure du tennisman à l’idée beaucoup plus conceptuelle de la précellence ou, du moins, du drame de sa vaine recherche. Et le cinéaste de lever le voile de la stratégie dissimulée sous le spectacle. 

Perrine Quennesson

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PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

ZAMA ★☆☆☆☆

De Lucreci Martel

Le cinéma de l’argentine Lucrecia Martel, reconnu dans le monde entier (La Ciénaga, La Nina santa, La femme sans tête…) ausculte avec une âpreté matinée d’une sensualité troublante, les doutes d’hommes (un peu) et de femmes (surtout) sur le point de s’ébranler. Il y a chez elle, l’idée d’un mouvement sans cesse retardé mais dont l’inertie fragile va entraîner une implosion (La Ciénaga), un éveil au monde (La Nina Santa) voire un effacement soudain (La femme sans tête). En se plaçant volontairement avant que les choses ne bougent vraiment, les films de Lucretia Martel peuvent être jugés mal aimables voire carrément austères. Paradoxalement, c’est cette force contenue qui en fait toutes leurs richesses dévastatrices. Autant dire que les fans (n’exagérons rien !) attendaient avec une impatience non dissimulée ce

Zama, autour de la figure peu héroïque d’un fonctionnaire attaché à la couronne d’Espagne à la fin du 18ème siècle, perdu dans une colonie d’Amérique Latine à mille milles de toutes terres habitées, donc loin du théâtre des opérations et de sa famille. L’homme rêve de Buenos Aires et attend une mutation sans cesse ajournée. On a ici le prototype même du cinéma de Martel, et pourtant, nous voici avec une caricature qui se repait d’elle-même et n’a dès lors plus rien à offrir que des certitudes vaines. Penser, par exemple, que ce personnage falot qui domine cette histoire de sa pesanteur en solitaire peut suffire à entretenir une tension, est illusoire. Cette volonté pénible de faire de l’immobilisme du protagoniste le programme de tout le film se retourne contre lui. Dommage, car lorsque le cadre s’élargit pour accompagner le départ tant attendu du héros, les fulgurances de la mise en scène (qui évoquent le James Gray de The Lost City of Z) font regretter que le film n’ait pas « débuté » plus tôt....

Thomas Baurez

 

MOI ET LE CHE ★☆☆☆☆

De Patrice Gautier

« Entre nous, est-ce que j’ai une tête de traître ? », s’interroge Patrick Chesnais, vaguement soupçonné d’être celui qui aurait donné Che Guevara des décennies auparavant. Et le film de dessiner poussivement, entre les quatre murs d’un appartement, le portrait d’un vieux révolutionnaire à coup de répliques historico-philosophiques assommantes et d’humour décalé ringard (le singe comme conscience du héros, les déclarations face caméra). Reste Patrick Chesnais, toujours aussi délicieusement à côté de la plaque.

Christophe Narbonne

 

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