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PHOTOS - César 2011 : qu'est devenue la génération Tarantino ?

Allison Anders : la recyclée

<strong>Allison Anders</strong> : la recyclée<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> Gas, Food Lodging, son deuxième long-métrage, attire immdiatement l'attention : cette histoire "à la <strong>Jane Campion</strong>" de deux soeurs élevée par une mère célibataire dans le désert du Nouveau-Mexique récolta tout plein de prix dans à peu près tous les festivals hype de l'époque, avec le Prix de la critique au festival de Deauville 1992. Remarquée par les Weinstein, après son deuxième film Mi Vida Loca en 1993, et accompagnée d'Alexandre Rockwell et de <strong>Robert Rodriguez</strong>, elle suit <strong>Quentin Tarantino</strong> dans le film à sketches <em>Four Rooms</em>. Comme Rockwell, elle en sort lessivée et dégoûtée : pour les Weinstein, producteurs du film, c'est Tarantino le chef et personne d'autre. D'après Anders, lors du tournage,<em> "on s'est engueulés, Quentin et moi. (...) Je lui ai dit : "Qu'est-ce que tu préfères ? Qu'on fasse un film génial, ou qu'on te lèche les bottes ?" Et il a répondu : "En fait, je préfère que vous me léchiez tous les bottes".</em> Ambiance ! <strong>Ca a continué comme ça : </strong> Il faut croire que l'expérience de <em>Four Rooms</em> la marque plus que l'on ne croit. Après quelques films comme Grace Of My Heart en 1996, et Sugar Town en 1999, elle se tourne vers la télé. Elle s'y plaît plutôt bien, en réalisant des épisodes des séries <em>Sex And The City</em>, <em>Cold Case</em> ou <em>The L World</em>. Elle enseigne également le cinéma à l'université californienne de Santa Barbara. Son dernier film pour le grand écran date de 2001 : <em>Things Behind The Sun</em>, la difficile réadaptation d'une victime de viol. Une catharsis pour Anders, elle-même victime d'une enfance difficile, fugueuse et vagabonde ?

Roger Avary : le Prisonnier

<strong>Roger Avary</strong> : le Prisonnier<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> Sans doute le destin le plus singulier du plus prometteur de la "génération Tarantino". <strong>Roger Avary</strong> rencontre <strong>Quentin Tarantino</strong> en 1984 à Video Archives, un magasin de vidéos situé à Los Angeles. Le courant passe vite entre ces deux gros cinéphages, et ils s'encouragent mutuellement à écrire. Avary conseille à Tarantino de mettre au propre<em> </em><em>True Romance</em> et de vendre le script. A la suite de quoi les deux compères projettent une trilogie, dont le premier volet -signé Tarantino- s'intitule... Reservoir Dogs. Le producteur <strong>Lawrence Bender</strong> fait passer le scénario à <strong>Harvey Keitel</strong>, et la suite appartient à l'histoire. Tandis qu'Avary travaille à son scénario, intitulé <em>Pandemonium Reigns</em> -l'histoire d'un boxeur truquant ses combats et d'une montre en or... Et puis boum. Après <em> Reservoir Dogs</em>, Tarantino relance le projet de trilogie et demande à Avary s'il peut écrire le scénario tout seul à partir de <em>Pandemonium Reigns</em>. Avary accepte à la condition d'être crédité comme co-scénariste. Pendant que Tarantino monte Pulp Fiction, Avary tourne Killing Zoe grâce au soutien de son pote -du moins, jusqu'au moment où il demande à Avary de renoncer à tout droit sur le scénario afin qu'il puisse écrire dans le générique "écrit et réalisé par...", par pur orgueil. Avary, dans la dèche, accepte en échange de fric et d'une mention "d'après une histoire de <strong>Roger Avary</strong>". <strong> Et depuis : </strong> Malgré tout son talent, Avary a les pires difficultés à monter un projet viable. Sa seule réalisation depuis <em>Killing Zoe </em>(1994) date de 2002, et si Les Lois de l'attraction est une adaptation virtuose de <strong>Bret Easton Ellis</strong>, rien ne se concrétise pour Avary si ce n'est un certain talent de scénariste pur (Silent Hill de <strong>Christophe Gans</strong>, La Légende de Beowulf de Zemeckis)... Ses adaptations -excitantes a priori- du jeu vidéo <em>Return To Castle Wolfenstein</em> et du comics <em>Sandman</em> appartiennent à la longue liste des projets avortés. Et puis reboum : en janvier 2008, Avary est arrêté pour conduite en état d'ivresse et homicide involontaire. Il aurait provoqué un accident de voiture dans lequel un jeune homme aurait perdu la vie. Il plaide coupable et est condamné en septembre 2009 à une peine "mixte" d'un an de prison (il ne devait "que" dormir en prison), et cinq ans avec sursis. Pendant la première année, il passa son temps sur Twitter à décrire l'horrible vie pénitentiaire. L'administration le colla alors en prison à plein temps. Libéré en juillet 2010, il reste encore sous le radar des médias -peut-etre pourrait-il enfin sortir son <em>Glitterati,</em> un trip expérimental filmé pendant un voyage gonzo en Europe pour servir à la fameuse <em> "séquence européenne" </em>des<em> Lois de l'attraction</em>, et que même Avary jugeait comme étant un film <em>"moralement douteux".</em>

Lawrence Bender : l'Homme-mystère

<strong>Lawrence Bender</strong> : l'Homme-mystère<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> Ancien danseur et acteur, électro sur la série télé <em>Tales From The Dark Side</em> (une série à la <em>Contes de la crypte </em>produite par <strong>George A. Romero</strong>), <strong>Lawrence Bender</strong> se reconvertit dans la production et fait la rencontre de Tarantino alors que celui-ci fait tourner son script de Reservoir Dogs. Bender, séduit, le fait passer à un certain <strong>Harvey Keitel</strong> et roulez jeunesse. Fidèle d'entre les fidèles, il a produit tous les films de Tarantino à l'exception de Boulevard de la mort (2007). <strong>Et depuis : </strong>il a aussi produit Une nuit en enfer de <strong>Robert Rodriguez</strong> et Killing Zoe de Roger Avary -bref, on aurait pu l'appeler "le quatrième homme", mais la personnalité écrasante de Tarantino fit que l'on n'associa bientôt plus le nom de Bender qu'à Tarantino. Mine de rien, Bender est un des gagnants de la "génération Tarantino", avec une activité régulière de producteur. Hors des Tarantino, sa liste de films comporte aussi bien Dirty Dancing 2 que le docu écolo d'<strong>Al Gore</strong> Une vérité qui dérange ou le polarcino 88 minutes... En fait, le principal trait de caractère de Bender est sa discrétion. Habitué à l'ombre, peu familier des coups de gueule à la différence des Weinstein, il est le mec mystérieux dont le véritable rôle dans l'ascension de Tarantino reste à découvrir.

Quentin Tarantino : le Prophète

<strong>Quentin Tarantino</strong> : le Prophète<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> Après<em> </em><em>Reservoir Dogs</em> en 1992, une Palme d'or pour Pulp Fiction en 1994. Pour la planète cinéma, ce fut désormais clair : Sundance était grand et Tarantino était son prophète. Les évangiles sont désormais connues : l'enfance chaotique, le boulot à Video Archives avec <strong>Roger Avary</strong>, le scénario de<em> Reservoir Dogs </em>qui atterrit dans les mains d'<strong>Harvey Keitel</strong> et tout qui s'accélère à la vitesse d'un Faucon Millenium. La Palme d'or remise des mains de <strong>Clint Eastwood</strong> pour<em> Pulp Fiction</em> étouffa vite les grognements des jaloux : Tarantino avait établi un style. Ensuite, un semi-succès pour Jackie Brown, les deux volets de Kill Bill, Boulevard de la Mort. Rappelons également les scripts de True Romance, Natural Born Killers, Une nuit en enfer, et des cachetons dans Girl 6 de <strong>Spike Lee</strong>, Little Nicky avec <strong>Adam Sandler</strong>, ou Planète Terreur. Aussi dialoguiste non crédité sur Rock. <strong> Et depuis ?</strong> Tarantino continue de diviser. Dans son public se trouvent des adorateurs de ses scènes de dialogues ultra référentielles de vingt minutes, d'autres crachant dessus et préférant la sincérité et la cohérence profonde de <em>Jackie Brown</em> ou <em>Kill Bill Vol. 1</em>. Si son côté video nerd (qui a tendance à s'hypertrophier au contact de Robert Rodriguez) est très énervant, il faut admettre qu'il y en a pour tous les goûts chez lui. Inglourious Basterds fut, en 2009, le plus gros succès au box-office de Tarantino. Autant dire qu'on est loin d'en avoir fini avec lui, et que, même si on ne sait pas vraiment ce qu'il va faire, chacun de ses nouveaux films sera un événement en soi. Parmi les projets évoqués, un troisième <em>Kill Bill</em>, un prequel spin off de <em>Reservoir Dogs</em> et<em> Pulp Fiction</em> (sur les frères Vega, joués par <strong>Michael Madsen</strong> et <strong>John Travolta</strong>), une comédie romantique... Mais, au-delà des projets, <strong>que signifie le fait que Tarantino reçoive un César d'honneur ?</strong> Rappelons que cette catégorie de César est la moins définie de toutes : ainsi, en 1992, le trophée fut remis à<strong> Michèle Morgan, </strong><strong>Sylvester Stallone</strong> et le sculpteur César. L'an dernier, ce fut <strong>Harrison Ford</strong>... <strong>Jeanne Moreau</strong> et <strong>Jean-Luc Godard</strong> l'ont eu deux fois... On peut le donner à titre posthume...Hypothèse : si Tarantino reçoit ce trophée cette année, ce n'est pas pour reconnaître qu'il y a bien un style Tarantino mais simplement comme ça, pour le beau geste ? En tous cas, ce n'est pas pour glorifier la génération Tarantino : elle a réussi à faire passer ses codes geek dans l'ADN du cinoche (rôle vital de la home video, par exemple) et a eu son heure de gloire. Mais aujourd'hui ? L'époque est à autre chose.

David O. Russell : le survivant

<strong>David O. Russell</strong> : le survivant<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> <em>Spanking The Monkey</em>, son premier long-métrage, était sélectionné à Sundance 1994 : l'histoire d'un inceste entre mère et fils. Un sujet difficile pour une comédie douce-amère dont personne ne voulait. Et pourtant, le film rafla le prix du Public à Sundance et obtint un fort bon succès public. A cause du sujet incestueux de <em>Spanking The Monkey,</em> Russell échappa aux griffes d'<strong>Harvey Weinstein</strong> et mena une carrière plutôt régulière. Flirter avec les embrouilles réunit en 1996 <strong>Ben Stiller</strong> et <strong>Patricia Arquette</strong>, Les Rois du désertI Love Huckabees bouscule la vision de la guerre du Golfe en 1999, enfin en 2004... Films aux résultats somme toute aléatoires, aussi bien critiques que publics. Et depuis : Six ans d'absence du paysage cinématographique. Pour que <strong>David O. Russell</strong> revienne, il a fallu que ce soit pour The Fighter, qui sort en France le 9 mars prochain, réunit le fidèle <strong>Mark Wahlberg</strong> et <strong>Christian Bale</strong> dans une histoire de boxe et de rédemption qui est déjà à fond dans la course aux Oscars. Le truc, c'est que <em>The Fighter </em>est d'abord un projet de biopic porté par <strong>Mark Wahlberg</strong> qui essuya les refus succesifs de Scorsese et <strong>Darren Aronofsky</strong>, et vit le départ de Brad Pitt qui tenait à l'origine de rôle de <strong>Christian Bale</strong>. Bref, si <em>The Fighter</em> est avant tout un film sur Wahlberg, il devrait au moins relancer <strong>David O. Russell</strong> pour de bon.

Kevin Smith : la rock star geek

<strong>Kevin Smith</strong> : la rock star geek<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> En voyant le film Slacker de <strong>Richard Linklater</strong>, Smith, alors timide employé geek au fin fond du New Jersey, se dit qu'il peut être un réalisateur aussi bien qu'un autre. Il tourne en 1994 le film Clerks, saynètes absurdes en noir et blanc granuleux des employés d'une supérette. Résultat : Prix du meilleur réalisateur à Sundance, Prix de la Jeunesse et de la Semaine Internationale de la Critique à Cannes. Clerks ayant très vité été acheté par les frères Weinstein, ces derniers prennent tout de suite en afection Smith du fait de son caractère cool. Il garde sa modestie et accepte les coupes au montage imposées par Harvey "Scissorhands" Weinstein. Ainsi put-il mener une carrière tranquille, même en choquant le populo avec Dogma (1999), farce vulgaire et putassière censée dénoncer les travers de la religion.<strong> Et depuis :</strong> En diversifiant son style, <strong>Kevin Smith</strong> essuie des critiques parfois féroces et commence à se monter la tête. Passons sur le fait qu'il écrive des épisodes des comics <em>Batman</em>, <em>Green Arrow</em> et <em>Green Hornet</em>, ou qu'il appelle sa fille Harley Quinn (comme l'assistante du Joker dans le dessin animé Batman des 90s) ; il fait ce qu'il veut. L'an passé, son Top Cops avec <strong>Bruce Willis</strong> fait un flop et est éreinté par les critiques. Smith sort le proton pack et déclare qu'"<em>écrire une mauvaise critique de Top Cops revient à taper un gosse handicapé".</em> En décembre dernier, il annonce que son prochain long, le film d'horreur Red State, ne sera pas montré à la presse et il ne fera pas d'interviews sur le film. Il va encore plus loin en janvier dernier, lors de Sundance 2011, alors qu'il présentait Red State. Il explique aux studios qu'il se passera d'eux pour distribuer le film.<em> "P*****, pourquoi claquer cinq fois le coût d'un film pour pouvoir le distribuer ? (...) la vraie p***** d'indépendance, ce n'est pas faire un film et le vendre à un crétin. C'est de le montrer vous-mêmes aux gens. (...) On ne lâchera pas un p***** de centime en marketing."</em> Ce qui pourrait bien être un suicide en termes de stratégie commerciale, mais, à l'ère du 2.0, bien des choses sont possibles.

Alexandre Rockwell : l'oublié

<strong>Alexandre Rockwell</strong> : l'oublié<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> En 1992, <strong>Alexandre Rockwell</strong> sort<em> </em><em>In The Soup</em>, dont le rôle principal est tenu par un certain <strong>Steve Buscemi</strong>. L'histoire d'un scénariste qui cherche -sans succès- à faire produire son script, un pavé infilmable de 500 pages. Grand Prix du Jury à Sundance 1992. Entraîné par la personnalité de meneur de <strong>Quentin Tarantino</strong>, il se laisse convaincre de participer en 1995 au film à sketches<em> Four Rooms</em>. Jusqu'au moment où il se rend compte que lui et les autres réalisateurs (<strong>Allison Anders</strong> et <strong>Robert Rodriguez</strong>) sont traités comme de la crotte par Quentin et les frères Weinstein.<strong> Ca a continué comme ça :</strong> Ni <em>Louis & Frank</em> (1998), ni <em>13 Moons </em> (2002) ne parviendront à faire retrouver le goût du cinéma à Rockwell, malgré la présence systématique du toujours fidèle <strong>Steve Buscemi</strong>. En 2010, il réalise<em> Pete Smalls Is Dead </em>avec <strong>Peter Dinklage</strong>, film qui attend toujours un distributeur pour sa sortie en salles. Au vu des images complètement barrés et dark d'un premier trailer, on peut le comprendre.<em></em>

Qu'est devenue la génération Tarantino ?

<strong>Quentin Tarantino</strong> recevra ce soir <strong>un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière</strong> au Théâtre du Châtelet. L'occasion pour <em>Premiere.fr</em> de revenir sur la "Génération Tarantino". Au début des années 90, le cinéma américain essuie les dernières traces des soirées cocaïne de la décennie précédente, où la mégalomanie a fini par avoir raison des ambitieux du Nouvel Hollywood (<strong>Scorsese, De Palma, Hopper</strong>), réduits à batailler pour monter leurs projets, alors que les véritables rois sont ceux qui ont misé sur le cinoche familial (la sainte trinité <strong>Spielberg, Lucas, Bruckheimer</strong>). Et voilà que Reservoir Dogs explose au festival de Sundance 1992. En une heure trente, Quentin Tarantino devient le symbole d'une bande de cinéastes nourris à la VHS et aux cinémas exotiques. C'est ainsi qu'à côté des blockbusters habituels, la décennie 90 portait en elle les germes de la fin des grandes productions hollywoodiennes, au profit des films à petit budget réalisés par des inconnus. Ajoutez à cela la démocratisation grandissante des moyens de réalisation (caméra vidéo, ordinateurs personnels, balbutiements d'Internet...) : il est clair que quelque chose se passait. Autour de Tarantino et du film auto-proclamé "indépendant" gravitèrent des noms illustres appelés aux tapis rouges des hautes destinées (les frères <strong>Weinstein</strong>, <strong>Steven Soderbergh</strong>...), mais aussi des cinéastes prometteurs qui se brûlèrent dans les réalités du système du cinéma américain (<strong>Alexandre Rockwell</strong>, <strong>Allison Anders</strong>, <strong>Roger Avary</strong>...). La "génération Tarantino" est-elle une génération perdue ? Par Sylvestre Picard.<strong>Dossier spécial : pour tout savoir sur les César 2011</strong>

Steven Soderbergh : le premier de la classe

<strong>Steven Soderbergh</strong> : le premier de la classe<strong>Ca a commencé comme ça : </strong>A vingt-six ans, son premier long, Sexe, mensonges et vidéo, fut un incroyable succès à sa sortie en 1989, grâce à ce qu'on appelait pas encore le "buzz". En gros, <strong>Harvey Weinstein</strong>, qui acheta les droits du film dès sa présentation à Sundance, fit tellement monter la sauce autour du film que le film alla jusqu'à obtenir la Palme d'or à Cannes. Et instaura le règne du festival de Sundance, puis celui de Miramax... et sans quoi il n'y aurait pas eu Tarantino. Histoire de faire sentir sa différence, le deuxième long de Soderbergh, Kafka, est un OVNI cinématographique expérimental qui fut un flop majeur, surtout comparé au carton de <em>Sexe, mensonge et vidéo</em>. <strong>Et depuis :</strong> Soderbergh précède Tarantino de trois ans à Sundance, et les deux partagent le même goût pour la référence et le même cercle hollywoodien (<strong>Brad Pitt</strong>, <strong>George Clooney</strong>, etc.). A la différence que Soderbergh tourne à une cadence de fou (un à deux films par an), et sa carrière en dents de scie s'en ressent. Hors d'atteinte et la trilogie Ocean's cartonnent sur toute la planète ; Traffic et Erin Brokovich récoltent des Oscars en pagaille. Mais à côté, ses trucs vaguement expérimentaux comme Schizopolis ou Bubble laissent les foules pantoises. A la fois à fond dans le star system et complètement en dehors, Soderbergh est le bon élève qui veut tout bien faire et être aimé pour tout, surtout quand il engage la porn star <strong>Sasha Grey</strong> dans The Girlfriend Experience. Alors, quand Soderbergh déclare "Je rêve d'une carrière à la <strong>John Huston</strong>", on pourra lui faire remarquer qu'il est sans doute trop cérébral. Enfin, même s'il compte bientôt prendre sa retraite (ben tiens), Soderbergh tournera deux films en 2011 : Haywire, un film d'action, et Contagion, un film d'épidémie.

Les frères Weinstein : les affranchis

Les frères Weinstein : les affranchis<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> Les frangins Harvey et Bob Weinstein, en fondant leur compagine de production Miramax en 1979, ne se doutaient pas, du haut de leurs bureaux presque miteux de Brooklyn, qu'ils allaient devenir un pouvoir capable de faire trembler les moguls de la Côte Ouest. En se focalisant sur le cinéma "indépendant" (lire : produit pour une somme dérisoire), les Weinstein se faisaient des marges de folie grâce à la vente des droits vidéo et de l'exploitation internationale. La Palme d'or cannoise obtenue en 1989 grâce à Sexe, mensonges et vidéo de <strong>Steven Soderbergh</strong> changea tout pour Miramax. Et surtout la personnalité janusienne de leur fratrie : d'un côté, le gargantuesque Harvey, aux colères épiques et surnommé "scissorhands" à cause de sa manie d'effectuer des coupes dans le dos des réalisateurs ; de l'autre Bob le discret, qui alimentait Miramax en cash grâce à Dimension Films, filiale de Miramax spécialisée dans le bis (la franchise Scream, c'est eux). La leçon de piano ? <strong>Billy Bob Thornton </strong>? Les frères Coen ? Le lancement de carière de <strong>Ben Affleck</strong> et <strong>Matt Damon</strong> ? Bref, la "génération Tarantino" ? Tout cela vient de Miramax. Toujours présent à Sundance pour faire son marché dans l'indépendant (c'est là que Soderbergh fut récupéré), Harvey acheta au festival 1992 Reservoir Dogs et prit aussitôt Tarantino en affection : le considérant comme le fils qu'il n'a jamais eu, Quentin eut carte blanche pour faire tout ce qu'il voulait, surtout quand il ramena la troisième Palme d'or aux frères Weinstein en 1994 avec Pulp Fiction. Même le semi-échec de Jackie Brown (1997) n'entama en rien son crédit auprès d'Harvey, pourtant si chatouilleux question pognon. Sans Weinstein, Tarantino n'aurait jamais eu sa carrière actuelle. <strong>Et depuis : </strong>petit à petit, Miramax perdit pied. Début 2010, la boîte fut mise en vente par Disney (les vrais proprios depuis 1993) et rachetée. Toujours dans le business sous la bannière TWC (The Weinstein Company), les frères terribles n'ont pas dit leur dernier mot, en produisant, toujours fidèles, Inglourious Basterds qui récolta le plus gros box office de tous les films de Tarantino. Ce succès leur permit de revenir sur le devant de la scène. Outre le retour de leur franchise à succès avec <em>Scream 4</em> en avril prochain, les Weinstein, que l'on donnait pour morts il y a deux ans, viennent d'accomplir un nouveau coup de maître avec le succès - public, critique - du Discours d'un roi. Pan ! Le Golden Globe pour <strong>Colin Firth</strong>, et sans doute le plein d'Oscars. Tout comme Shakespeare In Love en son temps : un film historique piquant, ludique et original, vibrant et mélo comme au bon vieux temps. Et, reprenant ses vieilles habitudes, <strong>Harvey Weinstein</strong> veut tailler dans le film afin d'éliminer le mot "fuck", ce qui permettrait au film de ressortir avec un label PG-13 (déconseillé aux moins de treize ans) à la place du R ("Restricted", interdit aux mineurs non accompagnés).

Robert Rodriguez : le cow-boy

<strong>Robert Rodriguez</strong> : le cow-boy<strong>Ca a commencé comme ça :</strong> Le texan <strong>Robert Rodriguez</strong> tourne El Mariachi pour 7 000 dollars, gagna le prix du Public au festival de Sundance 1993. Monteur, cameraman, compositeur, directeur de la photo : Rodriguez aime faire tout tout seul, rapidement et pour pas cher. Une sorte de résumé de l'état d'esprit du cinéaste "indépendant". Desperado, suite directe de son<em> Mariachi</em>, puis Une nuit en enfer (écrit par Tarantino), partagent avec l'auteur de Pulp Fiction les mêmes références, le même univers de western post-moderne nourri de kung-fu verbal. A force de fumer de la marijuana dans leur salle de cinéma privé en se matant les pires séries Z de la terre, les deux compères se retrouvent pour Grindhouse, un double film-hommage aux bandes d'exploitation. Mais son plus gros succès reste le film pour gamins Spy Kids. Signe des temps ? <strong>Et depuis : </strong>Désormais plus co-producteur qu'autre chose. Il co-réalise les efficaces Sin City (avec <strong>Frank Miller</strong>, l'auteur de la BD originale) et plus récemment Machete (avec Ethan Maniquis). <em>Planète Terreur</em>, son dernier film où il est officiellement seul aux manettes, montre les bruyantes faiblesses du style Rodriguez -un peu comme un Tarantino sans la finesse. En tant que producteur pur, ça a récemment donné des gros navets comme Predators et surtout un style cynique et bariolé qui commence à polluer le cinéma mainstream. Autant dire qu'on ne regrette que moyennement sa Red Sonja (Conan au féminin, en gros) qu'il aurait dû tourner avec <strong>Rose McGowan</strong>.

Quentin Tarantino recevra ce soir un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière au Théâtre du Châtelet. L'occasion pour Premiere.fr de revenir sur la "Génération Tarantino". Au début des années 90, le cinéma américain essuie les dernières traces des soirées cocaïne de la décennie précédente, où la mégalomanie a fini par avoir raison des ambitieux du Nouvel Hollywood (Scorsese, De Palma, Hopper), réduits à batailler pour monter leurs projets, alors que les véritables rois sont ceux qui ont misé sur le cinoche familial (la sainte trinité Spielberg, Lucas, Bruckheimer). Et voilà que Reservoir Dogs explose au festival de Sundance 1992. En une heure trente, Quentin Tarantino devient le symbole d'une bande de cinéastes nourris à la VHS et aux cinémas exotiques. C'est ainsi qu'à côté des blockbusters habituels, la décennie 90 portait en elle les germes de la fin des grandes productions hollywoodiennes, au profit des films à petit budget réalisés par des inconnus. Ajoutez à cela la démocratisation grandissante des moyens de réalisation (caméra vidéo, ordinateurs personnels, balbutiements d'Internet...) : il est clair que quelque chose se passait. Autour de Tarantino et du film auto-proclamé "indépendant" gravitèrent des noms illustres appelés aux tapis rouges des hautes destinées (les frères Weinstein, Steven Soderbergh...), mais aussi des cinéastes prometteurs qui se brûlèrent dans les réalités du système du cinéma américain (Alexandre Rockwell, Allison Anders, Roger Avary...). La "génération Tarantino" est-elle une génération perdue ? Par Sylvestre Picard.Dossier spécial : pour tout savoir sur les César 2011