Place au cinéma, présenté par Dominique Besnehard sur France 5, fête ce soir les 60 ans de ce classique de Jean- Luc Godard
Un film de rupture
Vivre sa vie raconte en douze tableaux le destin d’une jeune vendeuse désargentée qui rêve de devenir actrice à Paris et va en venir peu à peu à se livrer à la prostitution. Et ce film marque une rupture dans la carrière de Jean- Luc Godard. Car il est le premier où il s’éloigne du cinéma narratif qui était celui d’A bout de souffle pour partir en quête de nouvelles formes d’écriture cinématographique, en jouant par exemple du décalage entre l’image et le son ou en juxtaposant de manière volontairement arbitraire des procédés stylistiques aux antipodes les uns des autres à commencer par un jeu permanent entre caméra fixe et mobile. Par ce biais, il ambitionne de donner à ses spectateurs un rôle actif, chacun ressentant cette histoire de manière différente. Et il ne cessera dès lors de creuser ce sillon.
La deuxième collaboration Legrand- Godard
C’est en 1961 que Michel Legrand avait pour la première fois signé la bande originale d’un film de Jean- Luc Godard avec Une femme est une femme. Un an plus tard, Vivre sa vie marque donc leurs retrouvailles mais on peut aussi y entendre Ma môme, un des classiques de Jean Ferrat joué au juke- box alors que le chanteur apparaît pile à ce moment comme figurant dans le café en question. Après Vivre sa vie, Michel Legrand et Jean- Luc Godard collaboreront à quatre autres reprises pour Bande à part en 1964 et La Chinoise en 1967.
Un couple sous tension
Anna Karina et Jean- Luc Godard se sont mariés en 1961. Mais très vite, leur couple est agité par de nombreux soubresauts. Et le réalisateur expliquera avoir développé Vivre sa vie et confié le rôle central à la comédienne pour tenter de sauver son mariage. Mais leur troisième collaboration après Le Petit soldat et Une femme est une femme l’année précédente sera tout sauf un long fleuve tranquille. Anna Karina manquera même par deux fois d’y perdre la vie. D’abord par une tentative de suicide via une surdose médicamenteuse puis de manière accidentelle lors du tournage de la scène finale en manquant de se faire renverser par une voiture. C’est donc peu de dire que Godard a vécu cette aventure sous haute tension. Ce qui a forcément compliqué les rapports avec son producteur. Après avoir collaboré pour ses trois premiers longs métrages (A bout de souffle, Le Petit soldat et Une femme est une femme) avec Georges de Beauregard, Godard était cette fois- ci accompagné par Pierre Braunberger (Partie de campagne de Jean Renoir, Tirez sur le pianiste de François Truffaut…). Mais celui- ci avait beau déjà avoir financé deux de ses courts métrages (Charlotte et son Jules en 1958 et Une histoire d’eau en 1961) sans l’ombre d’un nuage, les retards pris sur le plateau crisperont leur relation au point qu’ils ne s’adresseront plus la parole et que Godard décidera même de remplacer dans le petit rôle d’une prostituée amie de son héroïne, Gisèle Hauchecorne, l’épouse de Braunberger déjà castée par… Guylaine Schlumberger, la femme de son ennemi juré, Eric Schlumberger (Z) ! Inutile de préciser que Jean- Luc Godard et Pierre Braunberger n’ont plus jamais retravaillé ensemble…
Commentaires