La romcom avec les très hot Glen de Top Gun et Sydney d'Euphoria est trop mollassonne pour convaincre.
Si les héros de Tout sauf toi portent les prénoms (Beatrice et Ben) des deux personnages principaux de Beaucoup de bruit pour rien, ce n’est évidemment pas une coïncidence : depuis toujours, du moins depuis son Easy Girl, Will Gluck cherche à retremper la comédie régressive américaine (post-frères Farrelly, post-American Pie) à l’encre de la comédie shakespearienne. Tout sauf toi s’orne ainsi de petites touches chic et sophistiquées, comme ces phrases (tirées de Beaucoup de bruit pour rien, vous l’avez deviné) qui commentent l’action, dessinées dans le décor, sur un tableau ou sur une vitre. Et voilà une phrase de Roméo et Juliette, taguée sur des briques à la fin du prologue : "Ici on a beaucoup à faire avec la haine, mais plus encore avec l’amour".
Très bien, mais Tout sauf toi est à des kilomètres de ce joli petit programme, et à des années-lumière de la légèreté d’Easy Girl ou du rythme cartoon des Pierre Lapin : une romcom d’aujourd’hui, tellement prudente et anesthésiée qu’elle ne provoque pas grand-chose. Voilà donc Bea et Ben, une étudiante en droit qui doute d’elle-même et un banquier ultra gaulé, qui se détestent à cause du ratage de leur rencontre, et font semblant d’être en couple pour qu’on leur foute la paix le temps d’un week-end de mariage en Australie. Ce mariage -chez les riches et les puissants Blancs qui peuvent inviter famille et amis à l’autre bout du monde- Gluck le cadre surtout, comme n’importe quel yes man de studio, à l’aide de grands plans aériens pour mettre en valeur la ville de Sydney et ses plages environnantes. Ça n’a l’air de rien mais ça bouffe un temps fou du métrage, dont les saillies vraiment rigolotes sont tout de même trop rares pour faire notre affaire. Ça traîne, ça traîne. On est un peu durs, car il y a quelques idées marrantes qui passent une tête (un surfeur australien violoncelliste, ce genre de trucs), mais trop rapidement et superficiellement pour que ça sauve l’ensemble.
Glen Powell, la star de Tout sauf toi, défend les comédies romantiquesOn ne dira pas que c’est l’époque qui veut ça, mais le contexte, très certainement : la romcom des années 2020 se doit d’être shootée comme une pub interstitielle YouTube pour passer ses vacances à Abou Dabi -celle qu’on zappe pour accéder à la vidéo désirée, ou qui interrompt justement celle que l’on regardait. Mais il n’y a pas de différence dans Tout sauf toi entre cette pub et le reste du film, réduit à quelques moments de tension comiques bâtis sur son pitch ultra mineur et ses situations prévisibles. Si un gâteau de mariage apparaît dans le cadre, il tombera dans la scène suivante ; si les ex des héros se croisent, ils finiront par se rouler des pelles ; si les héros se détestent, ils tomberont forcément amoureux. Shakespeare avait aussi une réplique là-dessus (dans La Nuit des rois) : "I smell a device", flairer la farce, le mécanisme trop bien réglé pour ne pas être autre chose qu’un artifice aussi creux que les circonstances qui ont entraîné Bea et Ben dans leur jeu d’attirance et de répulsion.
Tout sauf toi a-t-il au moins le mérite d’accomplir sa principale promesse -sur la foi d’une bande-annonce sexy- à savoir réunir dans le même cadre deux corps ultra sexy du cinéma américain contemporain, Sydney Sweeney (Euphoria) et Glen Powell (Top Gun : Maverick) ? Même si ces corps provoquent curieusement moins d’excitation qu’on pourrait croire, tant le contexte est aseptisé : Powell était bien plus érotique dans son uniforme de pilote de chasse de Top Gun (le contexte, donc) que dans la chemise blanche de ce cryptobro gonflant. Vu le carton américain du film, est-ce qu’on ne se plante pas complètement ? Tout sauf toi est-il au contraire un instantané d’histoire ? Est-ce qu’on reverra Tout sauf toi dans vingt ans, en se disant : "qu’est-ce qu’ils étaient beaux, quand même" ? Là est la question.
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