Eli Roth retrouve son mordant avec ce slasher qui vient marcher sur les plates-bandes des derniers Scream.
Depuis qu’il est en âge de regarder des films d’horreur, Eli Roth n’a jamais réussi à comprendre pourquoi aucun film du genre n’avait pour cadre les célébrations de Thanksgiving. C’est vrai, ça : l’horreur adore les jours fériés, on dénombre des films de frousse se déroulant à Halloween, à Noël (Black Christmas, Douce nuit, sanglante nuit...), à la Saint-Valentin (Meurtres à la Saint-Valentin) et même le 1er avril (Week-end de terreur)… Pourquoi pas alors l’"Action de grâce" célébrant l’arrivée des Pères Pèlerins en Amérique ?
Cette histoire de Thanksgiving travaillait tellement Roth qu’il avait tourné la bande-annonce d’un film Thanksgiving imaginaire pour le double programme Grindhouse des copains Rodriguez et Tarantino, aux côtés d’autres trailers pour rire - dont deux déjà ont donné lieu à de vrais films par la suite : Machete de Rodriguez, et Hobo with a shotgun, avec Rutger Hauer en SDF adepte du fusil à pompe. Au tour de Thanksgiving, donc : la fin d’une longue obsession nerd pour Eli Roth et, à l’arrivée, une bonne surprise, un film fun et inventif, maniant aussi bien la flippe que la farce, l’humour que la brutalité, et où le réalisateur retrouve un peu de l’énergie de ses débuts.
Grindhouse : Quentin Tarantino revient sur l’échec commercial des deux filmsTout commence pour une émeute un soir de Black Friday (comme dans le dernier Toledano-Nakache, oui, mais en plus sanglant), prologue très malin où l’horreur n’a pas besoin de croquemitaine pour éclater, mais seulement de la fureur collective d’une foule limite zombie, à qui l'on promet des PlayStation et des grille-pains à prix cassés, alors qu’elle n’a pas encore fini de digérer la traditionnelle dinde du dernier jeudi de novembre. Formidable raccourci, propulsé par une humeur de sale gosse, où Roth raconte comment l’Amérique est passé de l’humanisme fondateur à un capitalisme dégénéré, et qui place le film sur un registre farcesque et outrancier, mais sous-tendu par une vraie inquiétude. Au passage, il parvient en quinze minutes à en dire plus sur les mauvais instincts de la foule que David Gordon Green dans l’intégralité de Halloween Kills.
Eli Roth, merci à lui, n’a pas non plus cherché à reproduire ici l’esthétique Grindhouse du vrai-faux trailer d’origine, avec pelloche rayée et tout l’attirail usé du pastiche vintage. Il s’amuse plutôt à marcher sur les plates-bandes des derniers Scream, en mettant en scène une bande de lycéens sympas, un peu génériques, le nez dans leurs smartphones, où ils reçoivent les menaces d’un tueur maboul (qui arbore un masque de John Carver, l’un des colons du Mayflower, premier gouverneur de Plymouth, Massachussetts, où se passe le film), et qui sont aidés dans leur combat contre le mal par un gentil shérif aux tempes grisonnantes, joué par Patrick Dempsey, modelé sur le Dewey Riley créé par David Arquette chez Wes Craven.
Mais Thanksgiving frappe beaucoup plus fort que les deux derniers Scream en date. Plus inspiré dans la satire, plus viscéral dans la violence, il se distingue par l’inventivité de ses scènes de meurtres, drôles, dégueus, toujours surprenantes. Le film n’est pas exempt de défauts, de chevilles scénaristiques parfois expédiées, mais revendique justement une forme de rugosité, d’absence de sophistication. "C’est ringard, la subtilité", dit un personnage, comme pour justifier l’approche parfois bourrine de Roth. Le réalisateur de Cabin Fever a en tout cas accompli sa mission : Thanksgiving a désormais son film d’horreur. Pas un grand film, non, mais un bon. Et maintenant, quoi ? Une franchise ? A moins que Rob Zombie ne poursuive le délire Grindhouse et ne transforme en long-métrage son trailer pour Werewolf Women of the SS, avec Nicolas Cage en Fu Manchu.
Thanksgiving : la semaine de l’horreur, d’Eli Roth, avec Nell Verlaque, Patrick Dempsey, Milo Manheim… En salles le 29 novembre
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