Rashida Jones dans On the rocks de Sofia Coppola
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Retour sur le parcours de celle à qui Sofia Coppola offre son premier rôle majeur au cinéma dans On the rocks.

2000- Boston Public

Rashida Jones est doublement une enfant de la balle. Côté paternel avec le génie Quincy Jones, l’homme d’Off the wall (à l’enregistrement duquel elle assista tout bébé) et de Thriller pour Michael Jackson. Côté maternel avec la comédienne Peggy Lipton alias Norma Jennings, la propriétaire du Double R Diner dans Twin Peaks, plateau sur lequel elle se rendit plus souvent qu’à son tour à 15 ans en fan obsessionnelle de la série. Mais l’évidence prend parfois des chemins de détour. Car avant d’arpenter les plateaux de cinéma et de télé, elle fut une élève redoutable dont le parcours brillant l’amène jusqu’aux bancs d’Harvard, dans le but d’embrasser le métier d’avocat. Une envie à laquelle elle va renoncer, dégoûtée par le déballage autour du projet d’O.J. Simpson. C’est alors que son autre passion remonte à la surface. « J’avais commencé à faire du théâtre à l’école. Et longtemps, c’est ce qui m’a donné envie de me lever le matin pour y aller ». Et c’est des années plus tard, dans la deuxième partie des années 90, qu’elle décide de tenter sa chance. « Mon père m’a demandé des dizaines de fois pourquoi je voulais faire ce boulot de cinglé. Disons que j’avais une idée assez précise et réaliste de ce que signifiait ce métier pour avoir grandi à Hollywood au milieu d’artistes. Je savais donc où je mettais les pieds et que je serais rejetée plus souvent qu’à mon tour. Et ça ne me faisait pas peur. » Elle commence par quelques apparitions à la télé (Freaks and Geeks) puis au ciné avant de tenir un rôle récurrent dans les 2 première saisons de Boston Public, une série Fox sur le quotidien d’un lycée. « C’est mon premier vrai boulot. J’avais 25 ans et on me disait enfin que j’étais la bienvenue. »

2006- The Office

Pour autant, sa carrière peine à décoller. Plus les jours passent, plus Rashida Jones pense qu’elle s’est trompée de voie. « J’avais l’impression d’un double gâchis. Gâchis d’argent, celui que mes parents avaient investi dans mes longues études. Gâchis de temps, celui de ces soirées sans fin passées à écrire une thèse alors que là je passais mes journées à me maquiller et à apprendre quelques pages de dialogues pour essayer de décrocher un job. » Elle envisage même de reprendre des études quand elle décroche le rôle de Karen Filipelli, nouvelle collègue de bureau de Steve Carell & co dans la saison 3 de The Office. « C’est un tournant décisif pour moi. Car avec le succès de cette série, c’est la première fois que j’ai vraiment été identifiée. » Avec un sens comédie qui fait merveille. « C’est le fruit d’un travail bien sûr mais il y a aussi une part d’instinct. J’ai baigné dans la comédie depuis mon plus jeune âge à force d’être plantée devant le Saturday Night Live. Mon sens de l’humour a été développé très tôt. Après c’est comme un muscle. Il faut pratiquer sans quoi il s’ankylose. Et pratiquer avec des comédiens de ce niveau- là vous rend meilleur. C’est mathématique et automatique. »

Rashida Jones dans The Office
NBC Television

2009-Parks and recreation

Mais The Office n’était qu’une marche vers des sommets encore plus élevés. Comme cette série créée par Greg Daniels et Michael Schur qu’elle a connu sur The Office et qui raconte le quotidien des employés du département des parcs et des loisirs d’une petite ville de l’Indiana. Un nouveau sommet de comédie où elle se retrouve entourée de génies du genre, d’Amy Poehler à Aubrey Plaza en passant par Aziz Ansari. Elle y restera pendant six saisons avant de faire une apparition dans la septième et dernière. « Ca reste mon meilleur souvenir de travail à ce jour, en particulier pour ce lien qui unissait tous les comédiens et qui s’inscrivait totalement dans ce qu’avaient créé Greg et Michael. Notamment une histoire d’amitié entre femmes loin des clichés habituels du genre : elles ne passaient pas leur temps à parler de leurs relations aux mecs ou de fringues. Et je pense que le fait qu’Amy et moi étions amies dans la vie bien avant cette série a nourri cette relation entre nos deux personnages ». Sans faire des cartons d’audience à la Friends – « mais comme ça on nous fichait la paix et on avait infiniment plus de liberté »  -, Parks and recreation propulse réellement sur le devant de la scène Rashida Jones. « Je ne vais pas mentir, j’avais rêvé ce moment. Et il m’est arrivé d’être jalouse d’autres collègues. Mais le fait que ça arrive sur le tard, alors que j’avais déjà 33 ans et après des années de relative galère m’a permis d’apprécier cette chance à sa pleine mesure. »

Rashida Jones dans Parks and recreation
Universal Media Studios

2016- Black mirror

Non contente de jouer, Rashida Jones écrit régulièrement depuis 2019 pour la télé et le cinéma (l’histoire originale de Toy story 4, c’est notamment elle, avant de quitter le bateau en dénonçant les discriminations de traitement vis-à-vis des femmes et des gens de couleur dans la culture Pixar !). Avec un Graal en 2016, l’écriture du premier épisode de la saison 3 de Black Mirror : Chute libre. L’histoire d’une jeune femme prête à tout pour améliorer ses notes dans un monde désormais régi par la côte personnelle de chacun qui donne ou ferme l’accès à un certain nombre de choses. Soit peu ou prou le système que la Chine s’apprête à adopter quatre ans plus tard. « Comme auteur, c’est évidemment le rêve d’être invitée à écrire pour une des séries dont vous êtes accro comme spectatrice. Et d’avoir à y imaginer le futur. Et j’ai adoré le sujet imaginé au départ par Charlie Brooker, le créateur de la série autour de l’angoisse de la perte de contrôle et du regard de l’autre. » Et ce travail d’écriture eut des effets dans sa propre vie personnelle puisqu’elle clôtura son compte Twitter dans la forêt.

2020- On the rocks

Laisser du temps au temps. Cet adage semble décidément cher à Rashida. Car si en parallèle de ses aventures télé, elle apparaît de temps à autre au cinéma, elle n’avait jamais accédé à un premier rôle comme celui que lui offre Sofia Coppola. Cette femme peu à peu gangrénée par le doute au sujet d’une aventure extra- conjugale et qui va se retrouver à le pister à travers New- York avec son père, homme charismatique en diable et séducteur avec qui elle va retisser des liens. « Je connais Sofia depuis des années. Notre première rencontre remonte à l’époque où j’étais en cours de théâtre et elle est venue intervenir. Pour On the rocks, elle m’a appelé au cœur de l’été 2018 pour me dire qu’elle pensait à moi pour un scénario qu’elle était en train d’écrire et savoir si ça m’intéresserait. J’étais tellement surprise ! » Et le scénario lui parle immédiatement. « J’ai adoré la manière dont elle parle de cette relation père- fille. Du fait qu’il n’y ait en fait pas d’âge pour une femme pour s’émanciper d’une figure aussi forte. Le sujet est universel mais Sofia en a fait quelque chose d’éminemment personnel dans lequel je me suis pourtant reconnue à 100%. Y compris dans la manière dont elle parle non pas de jalousie mais d’insécurité. Mon personnage n’envie pas la potentielle maîtresse, elle se pose d’abord et avant tout des questions sur elle- même et sa capacité à séduire encore. ». Et à l’écran, elle n’est jamais écrasée par la figure pourtant imposante de Bill Murray tout en formant le plus complémentaire des duos. « Le plus dur a été de trouver cette distance émotionnelle entre nos deux personnages alors que nous vivions l’inverse hors du plateau où on a tellement ri. » Ce premier premier rôle en appelle beaucoup d’autres