Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
POKÉMON DÉTECTIVE PIKACHU ★★★☆☆
De Rob Letterman
L’essentiel
Les bestioles les plus bariolées de l’univers débarquent en salle dans une comédie noire assez maline qui finit par séduire par son mélange des genres. Detective Pikachu ? Pokemon, GO !
Evidemment. A l’heure où les franchises règnent sur Hollywood, où les studios s’amusent à lancer des films dès qu’une appli cartonne ou qu’un dessin animé ronge le crâne des enfants, il devait bien arriver celui-là : Pikachu débarque dans un long-métrage cinéma. Alors autant rassurez d’emblée les inquiets. Vous n’aurez pas besoin d’avoir un tiroir plein de poké balls ou même d’avoir vu les 22 (VINGT DEUX) films Pokemon précédents pour prendre un peu de plaisir à cette drôle comédie noire hostée par Ryan Reynolds.
Pierre Lunn
PREMIÈRE A AIMÉ
LES CREVETTES PAILLETÉES ★★★☆☆
De Cédric Le Gallo et Maxime Govare
On attendait ces Crevettes pailletées au tournant car il y avait un petit côté Grand Bain version queer dont on se méfiait. Forcément, on pense beaucoup au film de Gilles Lellouche devant celui-ci, qui raconte comment un groupe d’homosexuels pas vraiment au sommet de sa forme va assumer ses différences et retrouver une raison de vivre en participant à une compétition de waterpolo.
Pierre Lunn
LES MÉTÉORITES ★★★☆☆
De Romain Laguna
Avec ce premier long métrage, Romain Laguna a choisi d’emprunter un chemin déjà largement défriché par le cinéma : le portrait d’une adolescente d’aujourd’hui à travers sa découverte de l’amour et de la sexualité. Cette jeune femme s’appelle Nina. Elle a 16 ans, a abandonné ses études et vit avec une mère très absente dans l’arrière-pays héraultais où elle travaille à l’accueil et l’entretien d’un musée-parc sur les dinosaures. Elle rêve d’aventures et cherche à élargir un quotidien finalement assez répétitif. Jusqu’à ce jour où elle voit une météorite embraser le ciel et s’écraser dans la montagne. Un signe évident pour elle que tout va bientôt changer dans son existence. Sa rencontre avec Morad, le frère d’une de ses collègues et petit voyou de 19 ans, sonne pour elle comme une évidence : en dépit de toutes les mises en garde, ce sera lui et personne d’autre sa première vraie histoire d’amour. Et c’est précisément là que le film trouve son originalité. Dans sa manière de s’inscrire pleinement et avec réalisme dans un genre ultra codifié – celui du récit initiatique – tout en le faisant basculer plus souvent qu’à son tour vers le conte fantastique grâce à l’ambiance sensorielle onirique que Romain Laguna déploie dans sa manière de filmer les paysages et surtout le visage, le corps et les emballements du coeur de son héroïne. Celle-ci est incarnée par Zéa Duprez, une débutante au charisme et à l’effronterie renversants. L’atout majeur de ces Météorites.
Thierry Chèze
FUGUE ★★★☆☆
De Agnieszka Smoczynska
« Fugue » vaut ici à la fois pour « disparition » et pour « fugue dissociative », un trouble psychiatrique qui se matérialise par une amnésie totale et un changement de personnalité chez la personne atteinte. C’est le cas de l’héroïne, Alicja, une femme disparue depuis deux ans que sa famille retrouve à la faveur d’une émission de télévision où un appel à témoins a été lancé. Alicja retrouve ses parents, son mari et son fils qu’elle ne reconnaît pas. Commence un lent processus d’adaptation. Et si Alicja mentait ? On se pose la question tant le film énigmatique d’Agnieszka Smoczynska joue, à la manière d’un Chabrol, avec les nerfs des personnages et du spectateur. Au-delà de son aspect thriller psy réussi, Fuguevaut pour son portrait de femme libérée des carcans sociaux et familiaux.
Christophe Narbonne
LOURDES ★★★☆☆
De Thierry Demaizière & Alban Teurlai
Après la danse (Relève : histoire d’une création) et un portrait de Rocco Siffredi, les très éclectiques Thierry Demaizière et Alban Teurlai posent leur caméra à Lourdes. On peut raconter ce haut lieu de pèlerinage catholique de mille manières : en se concentrant sur les prêtres ou les marchands du temple par exemple. Mais Demaizière et Teurlai ont choisi d’entrer dans l’intimité des pèlerins qui entreprennent le voyage. Et, une fois encore, les réalisateurs remportent la partie grâce à leur incroyable capacité – jamais larmoyante – d’écoute et de... confesseurs. Le tout en 90 minutes intenses qui transcendent le seul sujet de la religion pour raconter une croyance dans un « quelque chose » qui dépasserait les notions de foi, de maladie et de mort. Un « quelque chose » dont ils prennent soin de préserver le mystère plutôt que de s’adonner à des théories simplistes pour à tout prix le définir.
Thierry Chèze
THE REPORTS ON SARAH & SALEEM ★★★☆☆
De Muayad Alayan
Face à un conflit aussi interminable et complexe que celui qui oppose Juifs et Palestiniens, le cinéma se doit de faire preuve d’inventivité pour ne pas se contenter de bégayer ou, pire, d’enfoncer des portes ouvertes. Pour son second long métrage, le Palestinien Muayad Alayan (Amours, larcins et autres complications) s’aventure, lui, sur le terrain d’une histoire d’adultère en apparence banale entre la patronne d’un café et un de ses livreurs. Sauf que cette histoire se déroule à Jérusalem, que cette femme est juive, mariée à un officier, et son amant est palestinien. Et que la révélation de leur aventure va susciter des dommages collatéraux bien plus importants que la mise en danger de leurs couples respectifs. Une accusation de trahison, non d’un conjoint mais d’un camp tout entier : Israël d’un côté et la Palestine de l’autre. Pendant plus de deux heures, Sarah & Saleemmêle brillamment drame passionnel et thriller politique en faisant de Jérusalem un personnage à part entière, où deux communautés cohabitent mais dans un rapport de force et de justice largement défavorable aux Palestiniens. On saisit mieux pourquoi la décision de Donald Trump de reconnaître cette ville comme capitale d’Israël a provoqué récemment la rupture des relations diplomatiques entre la Palestine et les États-Unis. Muayad Alayan ne succombe jamais à la facilité manichéenne et réussit un exercice d’équilibriste de haute tenue.
Thierry Chèze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
ASTRID ★★☆☆☆
De Pernille Fischer Christensen
Dans la seconde moitié du XXe siècle, Astrid Lindgren a renouvelé la littérature enfantine avec des héroïnes fortes, féministes avant l’heure, comme Fifi Brindacier. Avec ce portrait de la romancière, Pernille Fischer Christensen raconte une jeune femme libre, fille-mère assumée dans un monde ultra machiste, dont les combats lui inspireront ses personnages. Cette existence-là est-elle passionnante ? À coup sûr, oui. Méritait-elle un film ? Celui-là, non. Car la réalisatrice peine à se détacher d’une banale biographie, certes instructive mais ne traduisant en aucun cas le côté iconoclaste d’Astrid Lingren, en avance sur son époque. Un film bien trop conventionnel pour cette anticonformiste, par ailleurs superbement campée par Alba August, fille du réalisateur de Pelle le conquérant.
Thierry Chèze
MATAR A JESÚS ★★☆☆☆
De Laura Mora
À Medellin, Lita, 22 ans, voit son père se faire tirer dessus par deux hommes à moto, ces sicarios qui terrorisent la population. Le hasard la remet en présence de l’assassin de son père. Entre désir de vengeance et compassion, la jeune femme va alors côtoyer pendant quelques jours les voyous des quartiers pauvres de Medellin... Pour son deuxième film, la réalisatrice Laura Mora a fait une oeuvre cathartique en racontant l’acte traumatisant dont elle a aussi été témoin dans son passé : l’assassinat de son père sous ses yeux. Hélas, la fiction sonne parfois faux dans ce rapprochement entre victime et bourreau. Dommage, car la caméra de Laura Mora – et la très belle photographie de James L. Brown – capte le réel dans une fièvre et une intensité servies par d’excellents interprètes non professionnels.
Sophie Benamon
RETOUR DE FLAMME ★★☆☆☆
De Juan Vera
Après le départ de son fils, un couple décide de se séparer, persuadé de ne plus s’aimer. « On savait que ça ne serait pas facile. On a dédié plus de vingt ans de notre vie à notre fils », résume le mari intello à son épouse, plus spontanée. Le début du film aligne les clichés : elle se met à aller en boîte, lui à jouer aux jeux vidéo avec son pote ; elle refume, il sort avec une jeunette... Peu inspiré, le réalisateur se contente de confronter ses personnages assis sur des canapés, débitant de grandes phrases définitives sur l’amour et la vie. Puis, à la faveur d’un glissement narratif du film de baby boomers désinvolte vers la comédie de remariage profonde, le charme finit par opérer un peu. La complicité de Ricardo Darín et Mercedes Morán, stars en leur pays, crève enfin l’écran. C’était moins une.
Christophe Narbonne
QUAND NOUS ÉTIONS SORCIÈRES ★★☆☆☆
De Nietzscka Keene
Tourné en 1986 en Islande, monté et post-produit durant les trois années suivantes, projeté pour la première fois en 1990 à Los Angeles, ce film sort enfin en France. Dans l’intervalle, la réalisatrice est morte et une certaine Björk Guõmundsdóttir, alors âgée de 20 ans, est devenue une star mondiale de la pop et a décroché un prix d’interprétation à Cannes pour Dancer in the Dark... Björk est évidemment l’attraction principale de ce long où elle fait entendre sa voix cristalline. Ce conte cruel (tiré des frères Grimm), façon Le Septième Sceau, raconte le destin contrarié de deux sœurs tentant d’échapper à leur condition diabolique pour ne pas finir brûlées. Lent, funèbre, incantatoire, minimaliste, il s’adresse aux fans de Björk et aux amateurs de curiosités.
Christophe Narbonne
ULTRAVOKAL ★★☆☆☆
De Christophe Karabache
Dès son premier plan, lent travelling sur un lac brumeux sur lequel flotte une tête de porc décapitée, UltravoKalaffiche sa violence décomplexée. Celle des corps de ces deux paumés en cavale qui s'entrechoquent et s'enlacent en attendant l'heure fatidique. Celle de ce tueur à gage mystérieux qui porte sur sa peau la lourde charge de ses méfaits. Le vrai problème du film de Christophe Karabache, plombé par son esthétique saturée, ses dialogue épars et sa caméra figée, réside dans son incapacité à pleinement communiquer la tension à laquelle il aspire. Même sa résolution, inévitable et brutale, ne parvient pas à clore cette course-poursuite tragique, lentement dévorée par sa noirceur et son pessimisme.
Jean-Baptiste Tournié
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
HELLBOY ★☆☆☆☆
De Neil Marshall
Mi-homme, mi-démon, Hellboyest né dans les comics de Mike Mignola avant de devenir un héros de cinéma. Incarné par Ron Perlman en 2004 et 2008 pour Guillermo del Toro, il revient sous les traits de David Harbour (le sympathique shérif de Stranger Things) devant la caméra de Neil Marshall, pour une version estampillée R-rated plus gore que les précédentes.
Élodie Bardinet
PETRA ★☆☆☆☆
De Jaime Rosales
La caméra de Jaime Rosales investit les espaces comme un monstre froid, à l’aide de mouvements lents. Elle fait mine de s’intéresser aux êtres qui se déchirent dans le cadre, puis s’en va avant de revenir. Pour mieux enrober sa petite affaire, Rosales ponctue chaque bloc de film par des chapitres aux titres pompeux. Voici l’itinéraire de Petra, une jeune artiste qui se rend à la campagne chez Jaume, vieux sculpteur à succès et méchant homme. Sa femme est fanée d’ennui, son fils est trop brimé pour s’exprimer et la pauvre bonne ne va pas tarder à se faire sauter le caisson pour lui avoir offert ses charmes moyennant service. C’est glauque et ce n’est qu’un début. À chaque drame, le cinéaste espagnol, d’une misanthropie à faire passer Haneke pour un sentimental, cherche un tic de mise en scène (split screen, téléobjectif...) pour raconter ses histoires torturées. Beau, peut-être. Con, assurément.
Thomas Baurez
LE CHANT DE LA FORÊT ☆☆☆☆☆
De João Salaviza & Renée Nader Messora
Un homme, près d’une rivière, entame un dialogue avec l’esprit de son père défunt. C’est long. Très long. Interminable, à l’image de ce film, midocu mi-fiction (pourtant primé à Un certain regard en 2018), qui nous entraîne sur les pas d’Ihjãc, un chef en puissance qui refuse de devenir chaman et tombe sous la coupe d’un méchant perroquet. On a l’air de se moquer mais le film, tellement pétri de son importance, donne le bâton pour se faire battre – tout le monde ne s’appelle pas Jean Rouch, capable de faire de l’ethno-fiction sans paraître ampoulé et démonstratif. Dans les scènes urbaines (Ihjãc va en ville pour se faire soigner mais personne ne veut s’occuper de ce pseudo-malade), les réalisateurs martèlent bien leur message, au cas où, sur un Brésil à deux vitesses, partagé entre croyances ancestrales et modernité.
Christophe Narbonne
VERSUS ☆☆☆☆☆
De François Valla
Représenter la violence au cinéma constitue une gageure. Dans ce premier long, la messe est dite dès la scène d’ouverture où un ado se fait tabasser dans un bus par une bande déchaînée. Réalisation ultra stylisée, montage péniblement haché, la séquence est irregardable mais pas pour les raisons que l’on croit. François Valla vient de tomber dans le piège dont il ne s’évadera jamais : surligner les choses, enchaîner les clichés, sembler se repaître de la violence qu’il dénonce. Et lorsque la victime, envoyée en vacances au bord de la mer, croise sur sa route un autre ado rugueux, tout va aller de mal en pis. Pour lui, comme pour les spectateurs.Versusse veut un mélange ambitieux de chronique adolescente, de film noir et de giallo. Mais il plie sous le poids de dialogues impossibles à jouer et d’une interprétation hasardeuse qui développe un comique involontaire assez... tragique.
Thierry Chèze
Et aussi
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