Steven Spielberg vient de perdre une bataille contre le géant du streaming. Mais le combat n’est pas fini.
L'Academy of Motion Picture Arts and Sciences a décidé hier soir de ne pas changer ses statuts d’élections pour les films concourant aux Oscars et de ne pas entraver la présentation des films Netflix à la cérémonie.
Le conseil d’administration a finalement choisi de ne pas modifier ses règles. Quelque soit la qualité d’un long-métrage, il suffit donc qu’il soit diffusé sept jours d’affilée dans un cinéma avec trois séances publiques par jour pour être éligible. C’est le résultat d’un long bras de fer entamé il y a quelques mois (et notamment mené par Steven Spielberg) qui a secoué l’industrie hollywoodienne. Depuis l’affaire Roma (et ses nombreuses statuettes glanées lors de la dernière cérémonie) un grand nombre de votants espéraient que l'Académie durcirait ses règles pour empêcher Netflix ou Amazon de présenter leurs longs-métrages au détriment des films sortis en salle. Beaucoup, qui s’étaient élevés contre la participation de Netflix aux Oscars, attendaient que la durée de diffusion en salles des films prétendant recevoir une statuette passe à un mois, mais l’Académie en a décidé autrement, confirmant la stratégie des acteurs du streaming.
« L’expérience salle reste un chainon essentiel de l’art du cinéma et cela a été un élément crucial de nos discussions » expliquait John Bailey le président de l’Académie dans la soirée. « Nos règles prévoient une sortie salle tout en permettant à une très large catégorie de films de pouvoir concourir pour les Oscars ». Mais il a rajouté que le conseil d'administration allait examiner « plus attentivement les profonds changements que traverse l’industrie. »
La réponse de l’Académie est d’abord légale. Récemment, face à la fronde des membres, le département de la Justice avait rappelé à travers un courrier datant du 21 mars qu'empêcher les films produits et distribués par Netflix de concourir aux Oscars pourrait être illégal, puisque cette décision permettrait potentiellement de « supprimer la concurrence ». Et c’est sans doute pour se conformer à la loi antitrust que l’Académie a choisi de ne rien changer à son règlement.
Mais c’est aussi un coup majeur contre Steven Spielberg qui avait pris la tête (malgré lui ?) de la bataille contre Netflix. Le cinéaste s’est empressé de réagir hier soir dans un email envoyé au New York Times. Ce texte donne une idée de la philosophie qui anime Spielberg et de son rapport moral au cinéma :
« Je veux que les gens puissent se divertir de la manière qu’ils veulent, dans la forme qui leur est la plus adaptée. Grand écran, petit écran – ce qui m’importe c’est l’histoire et tout le monde doit pouvoir avoir accès aux grandes histoires. Toutefois, j’ai le sentiment que les gens doivent avoir la possibilité de quitter leur confort et leurs habitudes pour rejoindre un endroit où ils pourront partager une expérience avec d’autres personnes, vivre une expérience commune - pleurer ensemble, rire ensemble, avoir peur ensemble – afin qu’ainsi ils se sentent moins étrangers l'un à l'autre. Je veux que les salles de cinéma survivent. Je veux que l’expérience salle reste un acte pertinent dans notre culture ».
Reste que le combat entre les traditionalistes attachés à la salle (et incarnés par Spielberg) et les progressistes (Netflix et consorts) est loin d’être tranché et John Bailey n’a fait que botter en touche. On attend avec impatience les prochaines annonces de Cannes sur le sujet, et surtout l’arrivée de The Irishman, le film Netflix de Scorsese qui devrait faire un peu plus trembler l’équilibre précaire du moment…
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