L’amour des fans a transformé les croque-mitaines d’antan en vieux messieurs sympas et mélancoliques. Qui pour faire le sale boulot à leur place ? Les branchés évidemment !
On sait depuis au moins Massacre à la tronçonneuse 2 (1986, Tobe Hooper) que Leatherface peut être un type plutôt rigolo lorsqu’il veut bien s’en donner a peine. En 2022, on découvre que l’ex-virtuose de la boucherie hippie est devenu un un lonesome cowboy contemporain, un bon bougre attaché à des valeurs traditionnelles, sauvant in extremis sa petite bourgade texanne d’une gentrification express et vengeant sa maman, expropriée par de jeunes capitalistes amateurs de latte macchiato. C’est John Wayne qu’on ressuscite ? Ce nouvel épisode de la saga, en forme de « retcon » (ces suites effacent toutes les autres), n’essaie même pas de le camoufler : les méchants ici, ce sont ceux qui vont passer le reste du film à se faire démembrer.
Réalisé par l’inconnu David Blue Garcia et produit par la nouvelle petite vedette du genre, Fede Alvarez (Evil Dead, Don’t breathe), Massacre à la face tronçonneuse 2022 travaille une humeur bien particulière de l’horreur : le défouloir gore. Pas de grande figure du mal, pas de trouble, pas de transgression, c’est tout le contraire du film original et une bonne occasion d’assister à des exécutions (très) sauvages par une icône du genre. C’est un petit plaisir sommaire rempli de vignettes crados, du pur cinéma d’exploitation emballé en 90 minutes.
Pas aussi fada que Don’t breathe 2 (où le psychopathe aveugle du premier volet devenait soudainement un gentil papy Nova) dans son renversement des valeurs morales, Massacre à la tronçonneuse 2022 nous incite tout de même à prendre parti pour Leatherface, et ses héros en grippe. Il s’agit de quatre jeunots roulant en Tesla, qui décident de s’approprier une ville semi-abandonnée au milieu de nulle part. L’idée : y monter des restos, des galeries d’art et des magasins de comics en espérant que d’autres citadins, séduits par la douceur des loyers, viennent vite les rejoindre. La charge satirique, symbolisée par un colosse à tronçonneuse, n’est donc pas du genre légère (mais souvent poilante, vous n’oublierez pas de sitôt la scène du disco-bus), mais elle s’inscrit dans une vraie tendance de l’horreur récente où le hipster semble remplacer le yuppie 80s (celui de Massacre à la tronçonneuse 2 justement) dans le rôle de la chair à saucisse idéale.
Récemment le retcon (encore !) de Candyman élaborait (avec beaucoup mois de fun) le même jeu de massacre entre un bogeyman old school et des habitués des galeries d’art. Sur Apple TV+, le Servant de M. Night Shyamalan s’amuse dans son coin à foutre gentiment la trouille sur fond de vin nature, et Nanny, drame horrifique récemment primé à Sundance, semble vouloir en découdre avec la gauche-latte des beaux quartiers américains. À l’heure qu’il est, on ne sait pas encore très bien si ce courant est affreusement réac (à bas les progressistes !) ou gentiment libérateur (sus au tofu !). Reste que l’époque semble avoir choisi sa victime préférée. Le massacre à la gentrifuseuse peut continuer.
Par Romain Thoral
Commentaires