Sans trompette ni tambour, il y a quelques jours débarquait dans les cinémas 65 : La Terre d'avant, un étrange objet SF porté par l'un des acteurs les plus tendances du moment. Un nanar avec des dinosaures, qui s'est crashé au box-office, disparaissant aussi soudainement qu'il était arrivé...
D'Annette de Leos Carax à 65 : La Terre d'avant, il y a tout un monde de cinéma... qu'Adam Driver a franchi en un pas. Un gros film d'action avec des dinosaures, dont personne ou presque n'avait entendu parler. Un ambitieux blockbuster de science-fiction, étrangement inconnu au bataillon, sorti le 15 mars dernier en France et déjà disparu des écrans. Après seulement quatre semaines d'exploitation, seule une poignée de cinémas projettent encore 65 : La Terre d'avant, qui totalisera moins de 300 000 entrées chez nous et à peine 55 millions de dollars de recettes mondiales. Aussi vite qu'il est arrivé dans les salles obscures, le Jurassic Park d'Adam Driver s'est évanoui dans la nature, laissant une drôle d'impression derrière lui : mais pourquoi cet objet SF a-t-il existé ? Quelle mouche a piqué l'acteur en pleine bourre, deux fois nommé aux Oscars ces dernières années ? Et pourquoi le studio Columbia Pictures - filiale de Sony - a longtemps fait comme si ce film n'existait pas ?
Un énorme flop critique et commercial
À cette dernière question, la réponse est assez simple : 65 : la Terre d'avant est un pur nanar. Un mauvais film de série B, flingué par la critique (34% d'opinions positives sur Rotten Tomatoes) et quasiment certain de se crasher au box-office avant même de caler sa sortie. Sortie qui a d'ailleurs été maintes fois repoussée pendant une année entière, puisque le long métrage aurait dû initialement arriver en salles au printemps 2022... À croire que Sony a envisagé un instant d'en faire une sortie DTV pour les services de VOD.
Mais alors pourquoi avoir produit 65 : la Terre d'avant ? Parce que derrière, il y avait un duo prometteur : Scott Beck et Bryan Woods, à qui l'on doit l'histoire et le scénario (co-écrit avec John Krasinski) de Sans un bruit (A Quiet Place) ont écrit et réalisé ce projet dans lequel Sam Raimi croyait dur comme fer. Le réalisateur de Doctor Strange in the Multiverse of Madness est le producteur du film, tourné en deux mois seulement, mais avec un budget à 90 millions de dollars. Un montant conséquent - réduit de moitié grâce à des avantages fiscaux - mais clairement insuffisant pour peupler le récit de T-Rex et autres dinos impressionnants. Ce qui explique certainement la durée très courte - 1h30 tout juste - des aventures d'Adam Driver au pays du Crétacé. Et aussi une certaine frustration du public, qui espérait voir une nouvelle mouture de Jurassic Park spectaculaire à souhait... alors que 65 se résume en fait à une balade en forêt d'un explorateur accompagnée d'une petite fille au langage imbitable.
De quoi parle 65 finalement ?
Car contrairement à ce qu'on pourrait imaginer devant l'affiche et les visuels, 65 : la Terre d'avant, n'est pas une resucée de La Planète des Singes, ni une affaire de voyage dans le temps. Mais plutôt un conte sur la conjonction de civilisations. Mills vit sur Somaris, une planète très éloignée de la notre, à un autre bout de l'Univers. Un monde où des humains ont aussi évolué et explorent déjà les étoiles grâce à une technologie très avancée. Pendant ce temps, sur Terre, c'est encore l'époque des dinosaures. Et en se prenant une météorite - celle qui finira par anéantir les T-Rex et consorts - le vaisseau de Mills va se crasher sur Terre. C'est donc l'histoire d'un extra-terrestre, à l'apparence humaine, avec un prénom américain et parlant un anglais impeccable, qui se retrouve coincé sur notre petite planète bleue... pas forcément dans sa période la plus accueillante.
Un gros anachronisme un peu gênant
Il faut souligner que ce n'est même pas la bonne période, d'un point de vue scientifique. Le Smithsonien Magazine révèle en effet que 65 millions d'années avant notre ère, ce n'est tout simplement pas la date adéquate pour montrer tout ce qu'on voit dans le film. Depuis une grosse décennie, les géologues qui déterminent les échelles de temps de la Terre, ont révisé la fin de la période du Crétacé à environ 66 millions d'années - au lieu de l'estimation précédente de 65,5. Ainsi, si vous deviez visiter la Terre à la date du film, qui se trouve être au Paléocène, vous trouveriez des forêts épaisses avec des descendants de mammifères qui ont survécu à l'impact de l'astéroïde. Les tricératops, eux, auraient disparu depuis un million d'années environ...
Caleb Brown, paléontologue au Royal Tyrrell Museum, au Canada, explique en plus que le Crétacé supérieur - celui censé être raconté dans le film - est souvent imaginé comme l'apogée de «l'âge des dinosaures». Or, "les dinosaures emblématiques étaient très rares à l'époque. Vous auriez probablement croisé une foule de tortues, de grenouilles, d'oiseaux et de lézards sur votre chemin, avant de tomber sur un ankylosaure ou un tyrannosaure !"
Pourquoi Adam Driver ?
Mais alors qu'est allé faire Adam Driver dans cette galère ? L'acteur répond dans Collider : "Il y avait des dinosaures, des pistolets laser et des vaisseaux spatiaux qui s'écrasaient dans le script (...) Mais en gros, après que j'ai vu qu'il y avait un T-Rex, tout le reste, je m'en foutais (rires). Je peux combattre un T-Rex et tirer avec un pistolet laser ? Comptez sur moi ! J'ai tout de suite fait parler le gamin de 39 ans qui sommeillait en moi... Je veux dire, Jurassic Park, pour moi qui ai vu ça au cinéma, ça été un moment marquant dans ma vie. Très influençant. Des dinosaures et des T-Rex... Mais putain, c'est tellement génial."
Alors Adam Driver parle aussi de l'histoire attendrissante entre le guerrier et la fillette, et dans CBR évoque carrément 65 comme un film "évoquant les grands thèmes du deuil, que j'ai lu durant la première vague de COVID et où les métaphores me semblaient évidentes..."
Mais en fait, on comprend surtout qu'Adam Driver a eu besoin de s'aérer la tête. De faire un film idiot, pour se faire plaisir. Lorsqu'il a accepté le rôle, il terminait tout juste le tournage du Dernier Duel de Ridley Scott et attendait de débuter celui de House of Gucci, en Italie (qui commencera une semaine après la fin de la production de 65), puis le très intellectuel White Noise de Noah Baumbach, avant d'enchaîner avec le très gros biopic Ferrari de Michael Mann. Bref, au lieu de prendre des vacances, Adam Driver s'est offert un petit plaisir de gosse, fusil laser en mains, à flinguer des T-Rex ! Et après avoir décompressé, il a repris une activité normale...
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