L’acteur canadien de 84 ans est au Festival Lyon Lumière pour un hommage. Il a déjà donné une masterclass. Impressions sur place.
Donald Sutherland est à Lyon. Un peu partout. D’abord à cette masterclass où il a évoqué Claude Chabrol découvrant incrédule les sandwichs McDonald's à la fin des seventies (ils ont tourné ensemble Les liens du sang en 1978), Federico Fellini et donc du Casanova (son film préféré). Il a ainsi rendu hommage à Jane Fonda, sa partenaire de Klute, arrêtée vendredi dernier sur les marches du Capitole lors d'une manifestation pour le climat. Et puis, le soir venu, le Canadien a débarqué dans un petit cinéma lyonnais, pour présenter une copie restaurée du drame angoissant et angoissé de Nicolas Roeg, Ne vous retournez pas (Don’t Look Now, 1973).
Armé d’une canne et de sa crinière blanche, l’acteur canadien s’est posté devant l’écran et a évoqué sans préambule sa vie intime d’alors. "Ma femme était enceinte de notre fils. Nous avions convenu de le prénommer 'Roeg' en hommage à Nicolas qui était ravi." Précisons ici que Ne vous retournez pas raconte le deuil d’un couple d’intellectuels britanniques installés à Venise qui viennent de perdre accidentellement leur enfant. "Roeg donc… poursuit Donald Sutherland dans un français presque impeccable. Problème, une fois l’enfant arrivé, ma femme ne voulait plus entendre parler de ce prénom qui n’en était pas un et nous l’avons finalement baptisé Spencer. Lorsque que Nicolas est arrivé pour nous féliciter, il s’est immédiatement précipité sur le berceau en criant : 'Ah, te voici Roeg !' Il a fallu lui annoncer le changement mais Nicolas ne voulait rien entendre."
Sutherland distille les anecdotes et évoque la découverte de ce scénario triste comme un jour de pluie à Venise. "Il y avait clairement une dimension fantastique avec des personnages hantés par la douleur. Il était question de prémonitions, de vie après la mort, des choses dont je me sentais très proche. J’ai appelé Nicolas pour lui soumettre mes remarques. Il m’a écouté pendant une heure sans dire un mot. Seul l’aboiement de ses chiens derrière lui m'indiquait qu’il n’avait pas raccroché. Après mon laïus interminable, je me suis arrêté. Il y a eu un blanc de quelques secondes et Nicolas m’a simplement dit : 'Donald, tu veux le faire ce film ou pas ?'"
Avant de s’asseoir et de revoir le film avec le public, le comédien a évoqué la scène d’amour avec Julie Christie mais a laissé l’anecdote en suspens pour ne rien dévoiler du drame à venir… Les lumières se sont éteintes et les accords mélancoliques de Pino Donaggio ont démarré.
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