Le César du meilleur film 2016 revient ce soir sur C8.
Fatima, de Philippe Faucon avec Soria Zeroual, Zita Hanrot et Kenza Noah Aïche, a reçu le César du meilleur film en 2016. Il est reprogrammé ce soir à la télévision. Ce drame avait initialement conquis le public lors de la Quinzaine des Réalisateurs, en 2015. Voici notre critique.
Fatima se met en quatre pour que ses deux filles réussissent. Alors que l’aînée Nesrine travaille dur pour le concours de médecine, la cadette Souad, collégienne en révolte, refuse de faire des efforts. Femme de ménage en horaires décalés, Fatima les élève seule dans la banlieue lyonnaise, contre vents et marées. Le dialogue est d’autant plus compliqué entre elles, que cette mère courage née en Algérie parle mal le français. Lorsqu’une chute l’oblige à demander un arrêt de travail, elle se met à écrire un journal à ses filles, en arabe.
César 2016 : Qui es-tu Zita Hanrot ?
Philippe Faucon (La Désintégration, 2012) suit le parcours de son héroïne avec une sensibilité rare. Sans jamais verser dans le misérabilisme (malgré les mesquineries du quotidien les personnages restent dignes et vont de l’avant) ni à l’inverse, dans l’angélisme (l’intolérance émane autant de la classe dominante blanche que des dominés). Loin du pittoresque condescendant, son regard sur la communauté maghrébine française est riche en nuances. Fatima par exemple, a beau se révéler attachante, honnête, courageuse et pleine de douceur, elle se fait gardienne d’un certain conservatisme (le même que celui de certaines voisines bigotes portées sur le commérage de village) lorsqu’il s’agit de la vie amoureuse de ses filles. Et ces dernières ne se privent pas de le lui reprocher.
Petits miracles humains
Par leurs incompréhensions mutuelles et le bilinguisme du film s’exprime la faille culturelle entre immigrés de première et de deuxième génération : comment aider ses enfants en effet, lorsqu’on ne maîtrise par leur langue ? Souad, qui a honte du métier de sa mère (« un torchon »), peine à trouver un modèle de réussite auquel s’identifier. Quant à Nesrine, elle a dépassé depuis longtemps le champ de connaissances de Fatima. Pour une oreille non avertie, francophone ou non, ses cours de médecine ressemblent a du charabia, à des mantras au sein desquels se niche parfois un sens caché : « Le cœur est l’organe qui se forme en premier ». De cœur, c’est certain, le film de Faucon ne manque pas.
La bienveillance irradie chaque plan de son triple portrait de femme. Elle se diffuse entre les personnages tel un antidote à la fatigue, « par vases communicants » (pour reprendre l’expression d’un médecin, surpris de voir la mère aussi éprouvée que sa fille par le stress des examens), en faisant de chaque situation difficile l’occasion d’une amélioration, d’un geste généreux, ou juste d’un regard attentif accordé à l’autre (celui, magnifique de tendresse, de Nesrine devant son amoureux, auquel répond plus tard celui, peiné mais tout aussi beau, d’un dragueur éconduit par l’indomptable Souad). Autant de petits miracles humains qui adviennent ici avec naturel et simplicité, se nourrissent de manière organique, au service de ce film subtil et poignant.
Eric Vernay
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