Depuis quand a-t-on parlé de maladie, de mort et de deuil avec autant de finesse, de profondeur et d’espièglerie mêlées ? Son Etre vivant et le savoir est un documentaire aussi magistral que bouleversant
Ne l’appelez plus cinéaste. Depuis 2000 et son choix de ne plus tourner qu’avec sa seule petite caméra DV, Alain Cavalier se définit lui- même comme un « filmeur ». 50% artiste, 50% artisan, 100% poète espiègle, il nous fait depuis partager son intimité (Le Filmeur) et celle des personnes qu’il a aimées (Irène) ou qui le passionnent (ses récents Six portraits XXL) avec une générosité malicieuse jamais démentie. Être vivant et le savoir s’inscrit dans cette même logique bien que né d’un accident de parcours. Au départ, Cavalier souhaite en effet se lancer dans une adaptation de Tout s’est très bien passé, le livre où Emmanuèle Bernheim racontait le choix de son père de se faire euthanasier. Être vivant et le savoir s’ouvre sur la préparation de ce projet où son amie de 30 ans a accepté de jouer son propre rôle face à lui qui incarnera son père. Jusqu’à ce qu’un matin, l’écrivaine l’appelle pour lui dire que le tournage devra être retardé. Car la maladie vient de la frapper sournoisement. On va suivre à l’écran et hors champ le combat de cette femme, ses espoirs, l’amour de son compagnon Serge Toubiana, son besoin de ne plus se montrer, son impérieuse nécessité de continuer à échanger avec son ami dans des lettres d’une beauté éclatante. Jamais Cavalier ne se fait intrusif ou voyeur. Il se passionne pour une somme de petits détails (un Christ crucifié, des courges…) façon inventaire à la Prévert comme autant de pièces d’un puzzle qui, une fois la dernière posée, vous submerge d’une émotion inouïe. Un chef d’œuvre de pudeur.
Être vivant et le savoir, en salles le 5 juin 2019
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