Pour ses grands débuts dans la compétition, le réalisateur américain de Brooklyn Village pose pour la première fois sa caméra en Europe sans convaincre
Quand on a déjà une demi- douzaine de films derrière soi, être admis dans la compétition cannoise, constitue certes un aboutissement… mais aussi - et les principaux intéressés l’oublient trop souvent – une arme à double tranchant. Car les a priori sur votre film change. On s’attend forcément à un saut qualitatif qui justifie que, contrairement à vos précédentes œuvres, celle- ci a pu intégrer le Saint des Saints cinématographiques. Et il suffit hélas de quelques minutes pour comprendre que ce Frankie est tout sauf taillé pour la compétition.
Jusque là, Ira Sachs avait séduit avec Keep the lights on, Love is strange ou encore Brooklyn Village, des œuvres à la délicatesse jamais mièvre, ancrées dans la réalité sociale américaine sans jamais se poser en donneur de leçons. Avec Frankie, il traverse pour la première fois l’Atlantique. Direction : Sintra au Portugal où une actrice française gravement malade a décidé de réunir tous ses proches – familles, ex, amis… - pour vivre ensemble les dernières vacances de son existence. On y retrouve certes toute la délicatesse du cinéaste dans une histoire qui aurait pu facilement basculer dans le larmoyant ou le mélo étouffant et ne succombe jamais à ces travers. Sauf qu’à force de délicatesse, Frankie tend vers la neurasthénie. Qu’à force de non- dits artificiels et d’ellipses mal maîtrisées qui donnent lieu au fil du récit à des explications de texte pataudes, le film s’effiloche. Et qu’à force de lorgner du côté de Woody Allen en oubliant la dimension comique de celui- ci (une faute professionnelle quand on a dans son casting la toujours géniale Marisa Tomei !), Frankie s’enferre dans une ambiance dévitalisée et un rythme atone.
Toute cette distance frustrante que maintient ce film avec ses spectateurs trouve son origine dès ses premières minutes. Jamais ainsi on ne s’attache ainsi au personnage de Frankie campée par Isabelle Huppert. Sachs nous en montre tous les défauts (expliqués ou justifiés par sa maladie) mais jamais ce qui pourrait expliquer pourquoi tous les personnages qui l’entourent tiennent autant à elle. Et en multipliant justement ces personnages tout en essayant de faire exister chacun, Ira Sachs se piège lui- même. En 1h38, il ne peut que rester à la surface des choses et ne creuser aucune des mini- histoires qui composent son récit.
Avec Frankie, Ira Sachs s’ajoute donc à la longue liste de cinéastes étrangers qui, en s’éloignant de leur terrain de jeu habituel, de leur culture et de leurs sources d’inspiration, ont perdu en route ce qui faisait le sel, la singularité et la force de leurs œuvres. Décidément, ce n’était pas le film idéal pour affronter la compétition cannoise
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