Tim Blake Nelson, le Mississipi et Homere... On pense forcément à O'BrotherMon film est quand même très différent du Coen, ne serait-ce que parce qu’il y a dans O’Brother beaucoup d’humour. As I Lay Diying n’est pas une franche rigolade.Il y a quand même ce plan final, limite farce… Et puis pour certains critiques, Faulkner, c’est marrantJe n’ai jamais compris ça. Je n’ai pas lu Tandis que j’agonise en me disant, « putain, c’est hilarant ». Non, mais ça fait référence au grotesque, aux personnages bigger than life et à la dimension picaresque…Hmmm. J’ai rien contre l’humour, ne vous trompez pas, ne serait-ce que parce que ça me permet de garder le spectateur avec moi. Mais plus que d’humour, je parlerais d’ironie. Le sentiment d’étrangeté fondamentale de ces personnages, sans jamais sombrer dans la satire ou le cynisme. Cette ironie c’est d’ailleurs un truc que j’ai piqué aux Coen. Elle me permettait d’échapper au côté « film d’école », d’incarner un peu plus un bouquin super conceptuel. Mais... pourquoi Homère ?Le titre, c’est un vers de l’Iliade je crois…Ah oui ! C’est vrai ! Vous voyez, au fond, c’est ce que j’aime chez Faulkner, son universalité, la manière dont chaque geste du quotidien devient épique. Dément. Dans As I Lay Diying, enterrer sa mère est une odyssée, prend les proportions d’une tragédie. J’adore cette vision transcendantale du quotidien. Quand je lis Faulkner, je vois le monde différemment, je le vois en… en artiste. Je cherche la grandeur dans le trivial.C’est pour ça que vous aimez cette littérature ? C’est en tout cas ce que je cherche chez Cormac McCarthy, Carson McCullers ou les beatniks.C’est drôle parce qu’entre No Country For Old Men, L’assassinat de Jesse James, Lawless et votre film, on a presque l’impression qu’il y a quand même une renaissance du southern gothic au cinéma… Un lien ?Pas vraiment. Il se trouve que j’adore tous ces films, mais ce que je vois surtout c’est à quel point on trouve chez Faulkner un matériau dingue pour faire un bon mélo et que ça résonne avec la société contemporaine. Et puis d’un point de vue esthétique, le sud propose des paysages très inspirants…La manière dont vous filmez le Mississipi est très particulière… C’est marrant : Tim m’a avoué qu’on avait précisément tourné sur les lieux du set de O’Brother ? Mais oui, un des enjeux du film, pour moi, c’était le décor. Ce que j’adore chez Faulkner, c’est qu’il ait inventé un lieu fictif plus vrai que nature, et que les personnages qui apparaissent dans certains bouquins réapparaissent dans d’autres. Ses romans se rejoignent… C’est super excitant ! En le lisant, je visite son univers, je suis dans sa tête. Voyager chez Faulkner, c’est un peu comme aller à Disneyland…En plus étrange quand mêmeOui, évidemment ! Mais il a créé un monde dans sa tête. Quand tu lis Faulkner, tu retrouves le court hall, l’épicerie, le maire que t'as rencontré dans d'autres livres... c’est un monde créé ex-nihilo, comme Disneyland.J’ai lu quelque part que c’était Sean Penn qui vous avait conseillé de faire cette adaptation, c'est vrai ?Non. On n’en a même jamais parlé. Mais j’avais lu dans une bio sur lui qu’il voulait jouer le personnage de Darl (celui que j’incarne) et caster Nicholson dans le rôle du père. A l’époque, je ne pensais même pas le réaliser, mais le fait que Sean ait envisagé de l’adapter m’a encouragé. Bon, ce n’était pas la première fois qu’on essayait ceci dit…Vous avez vu les autres adaptations de Faulkner ? Il n’y en pas tant que ça de célèbres. J’aime bien Les feux de l’été de Martin Ritt, avec Orson Welles et Paul Newman. Et aussi Reivers, adapté des Larrons, de Mark Rydell, avec Steve McQueen, qui est plutôt drôle.Ah ! Ouais, mais désolé, ce que j’ai ressenti avec Tandis que j’agonise, c’est moins l’humour qui vous obsède que le sous-texte plein de danger, de violence et de sexualité. Ca manque quand même pas mal dans les adaptations cinéma. C’est pour ça que j’ai eu envie d’adapter celui-là. Mon objectif, c’était d’en tirer un film viscéral et onirique.Propos recueillis par Gaël GolhenVoir aussi :La bande-annonce d'As I Lay Dying
- Cinéma
- News Cinéma
- EXCLU - James Franco : "Voyager chez Faulkner, c’est un peu comme aller à Disneyland"
EXCLU - James Franco : "Voyager chez Faulkner, c’est un peu comme aller à Disneyland"
Commentaires