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Découvert à Cannes, La Nuit du 12 est l'un des grands favoris des César 2023. Le réalisateur d’Harry, un ami qui vous veut du bien nous en livre quelques secrets de fabrication.

Mise à jour du 21 février 2023 : Plébiscité par la critique et adoubé par le public (près de 500 000 entrées en France), La Nuit du 12 sera aussi l'un des grands favoris des César 2023, où il concoure dans pas moins de 10 catégories, après son sacre aux Lumières 2022, les Golden Globes français. A l'approche de la cérémonie, qui se tiendra ce vendredi 24 février, Canal Plus diffuse ce soir le thriller de Dominik Moll (également dispo sur MyCanal). Nous avions rencontré le réalisateur d'Harry un ami qui vous veut du bien lors de la sortie du film, en juillet dernier.

La Nuit du 12, En Corps, Novembre ou Pacification sont aussi bien représentés.

Article du 11 juillet 2022 : 

Première : Qu’est ce qui vous a donné envie d’adapter 18.3 - Une année à la PJ de Pauline Guéna ? Et avez- vous construit La Nuit du 12 en réaction à votre film précédent Seules les bêtes ?

Dominik Moll : Je ne cherche jamais consciemment à faire un film en réaction au précédent. C’est vraiment la lecture du livre de Pauline Guéna qui m’a donné envie d’en faire une adaptation. Elle y parle d’enquêteurs, tous hantés par un crime jamais résolu. Et moi j’ai eu envie de me concentrer sur l’enquête menée par l’un d’eux qui finit par devenir obsessionnelle pour lui.

Une enquête dont vous nous indiquez par un carton dès les premières qu’elle ne sera pas résolue ! Vous avez longtemps hésité avant d’opter pour ce parti pris gonflé ?

J’ai eu très tôt le sentiment que cette idée d’une affaire non résolue allait donner une singularité au film. Mais encore fallait- il que cette intuition soit la bonne ! Avec mon complice d’écriture habituel Gilles Marchand, on est passé par plusieurs versions, y compris une où le coupable était démasqué et… qui ne fonctionnait pas du tout. Puis une fois qu’on avait donc choisi que cette enquête ne serait pas résolue, il a fallu décider si on allait annoncer la couleur dès le départ ou non. Alors, on a fait lire deux versions du scénario, l’une où l’indication était donnée, l’autre non. Et tous ceux qui ont eu la deuxième en main nous ont exprimé leur frustration de découvrir qu’au bout le coupable n’était pas découvert. Voilà pourquoi on a assumé à fond notre intuition initiale.

A quel moment arrivent les acteurs dans le processus de création de ce film et est- ce volontaire de votre part de ne pas avoir engagé des visages trop connus du grand public ?

C’était en effet une volonté de ne pas avoir des gens trop connus et de faire appel à de nouveaux visages. Pour le plaisir de la découverte bien sûr mais aussi pour que le spectateur rentre plus vite dans les personnages, pour respecter le côté très documenté presque documentaire du livre et ainsi mieux faire exister les procédures de PV, de soucis d’imprimante… Avec Gilles, depuis plus de 20 ans qu’on travaille ensemble, on n’a jamais écrit pour quelqu’un en particulier. On ne s’empêche pas évidemment d’avoir des envies mais ce processus- là vient dans un deuxième temps. Car savoir qui va jouer tel rôle peut se révéler une béquille dangereuse. Et dans le cas de La Nuit du 12, il fallait d’abord et avant tout faire fonctionner le groupe. Qu’aucun n’écrase les autres. Là encore, pour rester fidèle à ce qui ressortait du livre. On a eu très vite Bouli (Lanners) dans le viseur. Pour Bastien (Bouillon), ça a pris un peu plus de temps même si j’avais déjà travaillé avec lui dans Seules les bêtes… où il jouait un gendarme ! Et c’est sans doute ce qui m’a un peu freiné. Mais comme on revenait tout le temps à lui, Bastien s’est imposé. Il avait à la fois ce côté impénétrable et cet éventail infinie de choses qui se passaient sur son visage.

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Comme se crée l’atmosphère visuelle du film avec votre directeur de la photo Patrick Ghiringhilli ?

Le choix des décors et les repérages ont ici été déterminants. Le fait de situer l’action dans la vallée de la Maurienne donc, avec des paysages de montagne majestueux et une vallée industrielle polluée qui apporte ce côté d’enfermement. Pendant l’écriture, j’ai découvert le travail de Rodrigo Sorogoyen qui m’a énormément impressionné, de Madre à sa série Antidisturbios. Il utilise de manière très assumée les grands angles et même les très grands angles et des courtes focales, ce que je n'avais jamais osé faire jusque là. Ce parti pris fonctionne chez lui de manière incroyable car il donne une profondeur à l’image et inscrit ses personnages dans les décors jusqu’à ne faire qu’un. On a donc regardé plusieurs de ses films avec Patrick. Et si on n’est pas allé aussi loin, on a cependant eu envie de focales courtes en particulier pour les scènes se déroulant dans les bureaux exigus de la PJ. On a, nous aussi, essayé de mettre le plus possible les personnages avec leur environnement. Voilà pourquoi nous avons été très économes sur les gros plans ou alors des très très gros plans sur des séquences plus spécifiques ou oniriques.

La musique apparaît aussi un personnage très important de La Nuit du 12. Comment s’est passée votre collaboration avec le compositeur Olivier Marguerit ?

Pendant l’écriture, je me suis demandé s’il fallait ou non de la musique, si ça n’allait pas abîmer la vérité que je recherchais. Et puis, on s’est rendu compte qu’il y avait malgré tout quelque chose de romanesque derrière cette enquête donc que la musique ne trahirait rien. C’est pile à ce moment- là que j’ai découvert Onoda que j’ai adoré et j’ai trouvé la musique d’Olivier Marguerit particulièrement réussie. J’ai donc revu dans la foulée Diamant noir dont il avait aussi composé la BO. Et cela m’a conforté dans l’idée de lui proposer de créer la musique de La Nuit du 12. Il était essentiel pour moi que ce film n’apparaisse jamais glauque.  Il est noir, dur évidemment mais il va vers un espoir ou en tout cas quelque chose de lumineux car l’enquêteur que campe Bastien ne reste pas sur un échec et ne baisse jamais les bras. Voilà pourquoi je ne voulais surtout pas d’une musique dépressive. Or Olivier possède un sens de la mélodie incroyable qu’il a su déployer pour nous. Dès les premiers morceaux, j’ai senti qu’on faisait le même film. Et cette intuition s’est révélée exacte, au- delà de mes espérances