Des Gens qui s’embrassent
Pathé

La comédie avec Monica Bellucci et Kad Merad revient sur NRJ12.

Des Gens qui s’embrassent, diffusé ce soir sur NRJ12, est la cinquième comédie de Danièle Thompson, une histoire de famille qui se déchire sur fond bling bling (de Londres à New York en passant par St Tropez). La spécialiste de la comédie sophistiquée entraîne dans sa ronde sentimentale un casting impressionnant (Kad Merad, Eric Elmosnino, Monica Bellucci) qui s'engueule et s'embrasse pendant un enterrement et un mariage. Tempo enlevé, dialogues ciselés et morale ambiguë… Tout cela méritait bien une interview fleuve avec la reine Thompson. Première partie.


 

Première : Le plus impressionnant dans Des Gens qui s’embrassent ce sont les comédiens. Et spécialement les deux comédiennes. On a l’impression que Lou De Laage et Clara Ponsot incarnent les deux stars qui se déchirent pour Max Boublil… Comme si Max représentait le cinéma français que ces deux actrices essayaient de séduire.
Danièle Thompson : Max ? Qui représenterait le cinéma français ? Ca va lui faire plaisir (rires). C’est l’idole des jeunes aujourd’hui… Pour moi, il a la classe d’Elliott Gould ou de Patrick Bruel. Et je ne lui ai pas donné le rôle le plus facile. C’est le jeune premier, le romantique, mais c’est plus que ça. Dans le film, il symbolise surtout le fait qu’on peut se tromper et qu’on a le droit à l’erreur. J’ai toujours pensé que dans la vie, il y avait des erreurs fatales et des erreurs… qu’on pouvait corriger ou éviter. La « morale » du film, même si je ne fais pas du cinéma « moral », ce serait qu’il faut faire de sa vie ce qu’on veut. Il y a beaucoup de choses contre lesquelles on ne peut rien - les maladies, les morts… Mais dans des décisions de cet ordre-là, sentimentales, on peut changer sa vie en décidant de choisir le bonheur et la tolérance. C’est ce que fait Melissa, le personnage de Clara Ponsot. C’est une attitude difficile, courageuse, qui nécessite forcément une remise en question : est-ce qu’on a le courage d’aller de l’avant ? De pardonner ? De protéger son entourage et ses enfants ? Si tous ces gens se déchiraient, les petits-enfants qu’on voit à la fin auraient une vie de merde (pardonnez-moi l’expression) et reproduiraient l’intolérance, l’agressivité, l’hostilité à l’intérieur de la famille.

Au fond, les deux filles représentent le libre-arbitre ?
Oui ! Elles symbolisent la liberté. La liberté de choisir. Comment vivre cette situation difficile, ce drame atroce ? Et c’est pour ça qu’il y a cette fin que je trouve morale  - mais qui peut être perçue comme très immorale.

Vous sous-entendez quand même qu’une forme de bigamie est possible...
Oui (rires). Et alors, ça vous choque ? J’espère que Des Gens qui s’embrassent est un peu irrévérencieux, un peu provocant. C’est comme les mariages et les divorces. On peut se détester ou alors, on peut se dire que c’est comme ça, que c’est la vie. On peut toujours sauver des morceaux ou des parcelles d’amour.

Cette idée de la liberté et du libre-arbitre était déjà au cœur de Fauteuil d’orchestre.
C’était un peu différent. Là, je parle de l’intolérance. Certes, dans la famille – mais je parle du refus d’accepter le choix des autres, que ce soit la sexualité, la politique, la religion, le choix du conjoint… On a tous assisté à ces réunions familiales où on se balance des trucs les uns sur les autres. « Pourquoi est-ce qu’il a épousé cette conne ? Pourquoi est-ce qu’il bouffe casher ? ». Ces petits détails de la vie quotidienne qui engendrent l’intolérance. Dans Fauteuil d’orchestre c’était différent. Je parlais des stéréotypes et du fait qu’on vous met parfois dans une case – vous êtes soit une actrice de série télé soit une grande comédienne ; un pianiste de classique ou un entertainer. Et si on veut changer ? Ce qui m’intéressait c’était la place qu’on arrive à trouver dans la vie…

J’ai l’impression que ce dernier film a été fait contre Le code a changé ?
Ah bon ?

Votre précédent long était cynique, presque plein de haine…
Ouh là ! De la haine ? J’aime trop les gens, j’aime trop les comédiens et les personnages pour qu’on puisse parler de haine, non ? Dans Des Gens qui s’embrassent, ce sont les personnages qui m’intéressent. Aucun n’est entier, ils sont pleins de contradictions. Kad a une solitude très… touchante. Il a réussi, mais on sent qu’il n’est pas le préféré du père. Il a une situation difficile à tenir. Monica… Monica c’est la belle idiote, mais au fond, c’est une gentille, une personne qui sent les choses. Quant à Eric Elmosnino, il a plongé dans cette forme d’austérité, d’intégrisme, mais il va s’ouvrir au reste. Et pour revenir au Code… , ce qui m’avait interpellée, à l’époque, c’était la manière dont les gens percevaient le film. Les gens de plus de 40 ans me parlaient de l’usure, du temps passé sur le couple tandis que les jeunes me disaient que j’avais une vision très pessimiste de la vie. C’est pas de la haine. Je vois plutôt ça comme une forme de lucidité. Ce que je tentais de dire, c’est comment le mensonge et le faire-semblant, au fond, ce n’est pas si mal. Parce qu’on vit mieux parfois en mentant. Le temps d’un dîner, si on fait semblant, eh bien on passe une meilleure soirée et on ne se fout pas sur la gueule. C’est l’apologie du mensonge en société.

Mais celui-là me paraît plus pur au niveau des sentiments. Et puis il y a la volonté manifeste d’aérer, d’être plus… lyrique.
Oui ! Ca c’est vrai. Mais ce n’était pas pour aller contre Le Code. Je ne fais pas un film contre le précédent. L’idée Des Gens qui s’embrassent est partie de St Tropez, un village où il existe différentes manières de vivre, ou se croisent plusieurs univers. D’un côté les adeptes d’une vie bruyante, rythmée par la fête et qui aiment les foules du port… Et de l’autre ceux qui se cachent, cherchent le silence et la tranquillité.

Vous êtes de quel coté ?
Je suis des deux cotés. Quand je passe sur le port, je vois ces gens qui regardent et profitent du luxe. Mais je préfère quand même le silence…

Ce qui m’a frappé, c’est que le film est très méticuleux, très précis, sur les rituels juifs. C’était intentionnel ?
C’est pas si précis que ça… mais je ne vais pas vous signaler les erreurs que j’ai faites (rires)… J’ai demandé les conseils d’un rabbin parce que je n’ai jamais eu d’éducation religieuse. Vous savez quand j’ai mis pour la première fois les pieds dans une synagogue ? C’était pour Rabbi Jacob, ce qui vous donne une bonne idée de ma « religiosité ». J’ai conscience de l’identité juive de ma famille, mais je suis totalement laïque… Ce qui me fascine c’est quand un membre d’une famille se radicalise et décide de vivre sa religion de manière très stricte. Et bien : ça emmerde tout le monde ! Les autres ne comprennent pas. La religion, le rituel est symbolique du rejet et de l’intolérance au fond. Ceci dit, c’est aussi une bonne source de gag. Je me souviens que lors d’un enterrement, j’avais été étonnée de voir un rabbin couper la chemise du défunt. J’étais horrifiée parce que je la trouvais très belle sa chemise… Quand j’avais compris qu’il s’agissait d’un rite, ça m’avait amusée. Du coup, c’est vrai, ça peut devenir source de gag.

Ah ? Pourtant, j’ai l’impression que le film ne cherche jamais le gag pour le gag.

Mais je ne fais pas du burlesque. J’ai fait, grâce et avec mon père, des films comiques où tout était question de timing et de gags. Mais la comédie, c’est autre chose. Elle passe plus dans la légèreté, la subtilité, les dialogues. Et surtout j’espère que ce n’est pas dans la caricature. Mon inspiration vient de la vie de tous les jours. Je vais vous donner un exemple : je viens de parler à ma fille qui devait passer Pessah chez des amis. Elle s’est trompée et a passé la soirée à l’étage d’en dessous où des gens célébraient également la fête… C’est un début de film absolument génial ! C’est ça qui m’inspire. Pour Des Gens qui s’embrassent tout est parti de l’idée du cercueil américain trop grand et du fait qu’on ne peut pas enterrer quelqu’un après le Shabbat. Si un cercueil arrive en retard, c’est un problème, surtout si le lendemain il y a mariage… Ca crée un conflit de sentiment qui constituait un formidable point de départ à l'histoire.
Propos recueillis par Gaël Golhen

La suite de l'interview de Danièle Thompson est à lire ci-dessous :

Danièle Thompson : "J’ai peur, c’est beau de réaliser des films, mais leur réception est toujours un pari"