Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
CRUELLA ★★★☆☆
De Craig Gillespie
L’essentiel
Un duo d'actrices au sommet - Emma Stone et Emma Thompson - pour le récit de la jeunesse de la fameuse Cruella dans le Londres punk- rock des années 70. Une nouvelle réussite du réalisateur de Moi, Tonya
Londres, années 70. Graig Gillespie (Moi Tonya) nous plonge dans les prémices d’une vie, celle d’Estella/Cruella De Vil avant que celle-ci ne devienne celle que l’on connaît tous : la fameuse voleuse de dalmatiens. Superbement porté par un casting sans fausse note le film met en scène deux Emma : Stone, dans le rôle d’Estella/Cruella, et Thompson dans celui de la baronne von Hellman. Et leurs compositions irrésistibles comptent pour beaucoup dans le plaisir pris devant cette histoire originale, assez prenante et pas du tout enfantine, pour un film inspiré de l’univers Disney. En réalité, peu de chose nous ramènent au dessin-animé originel, si ce n’est l'aspect physique de Cruella – coiffure et maquillage – ou trois malheureux dalmatiens. On ne voit pas les 2h14 passer ! Dans la droite lignée de l'emballant Moi, Tonya, on sent que Gillespie s'est régalé à mettre en scène cette héroïne haute en couleurs. Un enthousiasme qui traverse l'écran.
Inès Derbak
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A ADORE
MINARI ★★★★☆
De Lee Isaac Chung
Quand nombre de cinéastes utilisent leur vécu comme source d'inspiration de leur premier film, le Coréen Lee Isaac Chung a attendu la quarantaine pour replonger dans son passé. L'histoire de Minari, c'est la sienne. Ce père de famille coréen qui entraîne, sans les prévenir, sa femme et ses deux enfants dans un déménagement de Californie vers l'Arkansas pour embrasser une vie de fermier, c'est le sien. Cette grand- mère (Youn Yuh-jung, Oscarisée à juste titre) venue de Corée sans parler un mot d'anglais aider au quotidien ces parents obligés de bosser double pour ne pas sombrer dans la précarité, c'est la sienne. Et cet enfant, tout à la fois observateur et acteur de ce moment de bascule familial, c'est lui. La puissance émotionnelle dégagée par Minari naît forcément de ce lien entre ce qu'on voit et ce qu'il a vécu. Mais ce qui frappe ici est la manière dont Lee Isaac Chung part de l'éminemment personnel pour tendre vers l'universel. Chronique familiale, drame sociétal sur les difficultés vécues par le monde rural sous Reagan et réflexion sur le rêve américain et ses dommages collatéraux, son film mêle les genres avec une dextérité jamais prise en défaut. Comme il le fait, tout au long de son récit, avec les cultures coréenne et américaine ou sa manière de filmer la nature qui évoque aussi bien Miyazaki que Malick. Lee Isaac Chung explique avoir été écrit ce film comme s'il s'agissait du dernier avant de passer à une autre vie. Le résultat emballant lui assure d'une certitude : le cinéma va encore occuper sa vie pour un petit bout de temps.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéGAGARINE ★★★★☆
De Fanny Liatard & Jérémy Trouilh
Ce premier long métrage débute par des images d'archives : la venue en 1963 à Ivry de Youri Gagarine, le premier homme à avoir effectué un voyage dans l'espace, pour l'inauguration de la cité portant son nom. Puis on se retrouve en 2019, où cette cité doit être détruite au nom du renouvellement urbain. Gagarine suit ces moments de bascule à travers Youri, un ado qui se refuse à quitter ce lieu, bien que tombant en ruines, et entre en résistance. Une cité qu'il appréhende comme un vaisseau spatial à aménager avant un ultime décollage ! A rebours des films n'abordant les cités que sous le seul angle sociétal, Liatard et Trouilh s'emparent de ce terrain en osant le mariage entre réalisme et onirisme Un voyage envoûtant hors des sentiers battus, sublimé par un casting enthousiasmant (la révélation Alséni Bathily, Lyna Khoudri...). Des débuts emballants.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
IBRAHIM ★★★☆☆
De Samir Guesmi
Multi primé à Angoulême en 2020, le premier long de Samir Guesmi ressemble à son auteur- acteur par sa force tranquille. Le Ibrahim (Abdel Benhader, une révélation) qui lui donne son titre est un ado sérieux et réservé qui, entraîné par son meilleur pote, petit voleur en herbe, se fait prendre la main dans le sac avec l'obligation de rembourser une télé pour éviter la prison. Une somme que son père va débourser alors qu'elle devait servir à payer la prothèse dentaire indispensable pour devenir serveur, dans la brasserie où il travaille. Inscrit dans une réalité sociale très dardénienne, Ibrahim raconte avant tout une relation père- fils placée sous le sceau de l'incommunicabilité. C'est par la place qu'il laisse aux silences, aux regards qui se détournent, aux rages qui bouillonnent de l'intérieur faute de ne pouvoir exploser qu'il suscite une émotion d'autant plus puissante qu'elle n'est jamais forcée.
Thierry Cheze
FREAKY ★★★☆☆
De Christopher Landon
Après s’être fait remarquer grâce à son sympathique diptyque Happy birthdead, Christopher Landon s’attaque au « body swap movie » avec Freaky. Pas de fioritures côté scénario : une lycéenne (Kathryn Newton) un peu introvertie et un tueur en série mutique (Vince Vaughn) échangent malencontreusement leurs corps à cause d’un poignard magique. Vaughn vend le truc sans forcer, autant à l’aise dans la peau d’une ado qu’en serial killer inflexible. L’acteur est l’attraction numéro un de cette comédie horrifique qui joue donc sur les deux tableaux - la trouille et la rigolade - en enchaînant les références plus ou moins discrètes aux grands classiques, d’Halloween à Vendredi 13. Et tant pis si le film n’a pas grand-chose de plus à raconter : Freaky assume à 100 % sont statut divertissement. Sur ce point, c’est une franche réussite.
François Léger
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoINDES GALANTES ★★★☆☆
De Philippe Béziat
Dans Intouchables, il y avait cette séquence à l’Opéra où les manières de Driss (Omar Sy) jurent ostensiblement avec celles de l’assistance majoritairement « blanche » et endimanchée. Plutôt que de renverser le cliché, les réalisateurs du film se vautraient dedans. Ainsi, Driss, conformément à son « statut » de « jeune de banlieue », hurle de rire à la vision du ténor déguisé en arbre. La lourdeur du gag validait – involontairement – un racisme de classe. Ce racisme, Indes galantes de Philippe Béziat, lui tord le cou en célébrant la façon dont des mondes a priori séparés peuvent se marier pour atteindre des sommets de beauté. Ce documentaire suit les préparations du spectacle Les Indes galantes à l’Opéra Bastille en 2019. Le metteur en scène Clément Cogitore a confié à des danseurs issus de la culture urbaine l’interprétation du ballet. Tel Jean- Philippe Rameau s’interrogeant sur la manière dont à la cour de Louis XV on percevait les indigènes peuplant ces Indes lointaines et fantasmées, Cogitore assume devant ses « troupes » partir d’un cliché. L’opéra tend ensuite à bousculer cette perception et « la danse des sauvages », sorte d’acmé émotionnelle et physique du ballet, célèbre autant un métissage possible que la brutalité qui l’a vu naître. Philippe Béziat capte ici avec une grande sensibilité l’énergie et la grâce qui émanent de l’ensemble. A la fin, les plans sur les mélomanes pénétrant dans l’enceinte de l’Opéra montrent que ce genre de « soirée » n’est encore réservé qu’à une élite. Pour autant, sur la scène, c’est bien une prise de la Bastille qui a lieu
Thomas Baurez
SHORTA ★★★☆☆
De Anders Ølholm et Frederik Louis Hviid
La France n'a pas l'apanage des tensions entre habitants des banlieues périphériques des grandes métropoles et forces de l'ordre. Ce premier film danois s'empare de cette réalité sociétale en mettant en scène deux policiers aux méthodes aux antipodes l'un de l'autre aux prises avec un soudain embrasement de la cité où ils patrouillent suite à la mort d'un ado de ce quartier en garde à vue. Il y a des Misérables de Ladj Ly dans cette chronique sous haute tensions. Mais le tandem Ølholm - Hviid lorgne plus encore du côté des Guerriers de la nuit ou d'Assaut. Shorta (policier en arabe) impressionne par leur capacité à faire de ce labyrinthe de bêton un personnage à part entière dont les dédales - accueillant ici et là des îlots d'humanité parfaitement distillés - forment l'écrin rugueux de cette tension étouffante tenue jusqu'à son ultime plan. Hollywood ne devrait pas tarder à faire les yeux doux à ce duo.
Thierry Cheze
TOKYO SHAKING ★★★☆☆
De Olivier Peyon
Alexandra travaille depuis peu pour une banque française à Tokyo quand, au mois de mars 2011, des nouvelles de plus en plus inquiétantes parviennent à la télévision sur la centrale nucléaire de Fukushima, menacée par un tsunami ravageant les côtes du Japon. Que faire ? Fuir Tokyo et protéger ainsi sa famille du risque grandissant ou rester à son poste comme le lui demande sa direction, certaine que la situation est moins grave que prévu ? Olivier Peyon raconte ce dilemme qui trouve forcément un écho dans ce que nous traversons depuis plus d’un an avec la crise du COVID. Jamais exotique dans la description de la culture japonaise, de son patriarcat et son respect obsessionnel de la discipline fortement nocif, le réalisateur signe tout à la fois un passionnant portrait de femme et une réflexion pertinente sur la notion de responsabilité confrontée à des périls qui nous dépassent. Karin Viard s’y montre impeccable dans un personnage passionnant par ses contradictions et accompagnée par une réalisation aussi à l’aise dans la scène spectaculaire de tremblement de terre (tournée en studio) que dans les séquences dans les rues de Tokyo comme volées à une ville et un pays qui veulent oublier dix ans après cette tragédie dont les conséquences réelles ne sont pas encore toutes entièrement connues.
Thierry Cheze
UNE HISTOIRE A SOI ★★★☆☆
De Am andine Gay
Née sous X, Amandine Gay aborde avec ce documentaire un sujet qu’elle connaît intimement : l’adoption. Cette passeuse engagée est allée à la rencontre d’Anne- Charlotte, Céline, Joohee, Mathieu Niyongora, originaires du Brésil, du Rwanda, du Sri- Lanka et de Corée du Sud. Et elle les a écoutés raconter leurs histoires, entrecoupées de photos et vidéos de leur enfance. Le résultat ressemble à tout sauf à une banale compilation de témoignages. A travers ces parcours singuliers, Une histoire à soi décrit les coulisses de l’adoption internationale et ses obstacles administratifs qui compliquent le désir de chacun de se réapproprier son histoire. Car si familles adoptantes et biologiques ont parfois la chance de se rencontrer, cette démarche est le plus souvent impossible. Ecouter ces hommes et ces femmes raconter des enfances où le racisme des autres gamins ne les a pas épargnés et des vies d’adultes où ils questionnent ce passé pour appréhender leur futur est bouleversant.
Thierry Cheze
PREMIÈRE EST PARTAGE
WENDY ★★★★☆/ ★☆☆☆☆
De Benh Zeitlin
POUR
Huit ans se sont écoulés depuis le triomphe des Bêtes du sud sauvage. Huit ans passés par Benh Zeitlin à peaufiner cette relecture de Peter Pan. Wendy s’empare de la fable imaginée par J.M. Barrie pour lui donner un souffle féministe et inventer un Neverland inédit, extraordinairement « vrai », vivant, rocailleux et organique, refusant farouchement les CGI sans âme et la féérie de pacotille. Wendy, une petite fille de la Nouvelle-Orléans, se retrouve dans un endroit magique où vit une tribu d’enfants perdus… Vous connaissez l’histoire, mais vous ne l’avez jamais vue comme ça. Il y a des scories dans Wendy, qui empêchent parfois son lyrisme de se déployer pleinement. Mais Zeitlin y confirme néanmoins son statut d’inventeur de mondes magnifiques. On a hâte de continuer à le regarder grandir.
Frédéric Foubert
CONTRE
Après Les bêtes du Sud sauvage, voici venu Wendy et ses promesses de maturité. Or si la caméra mobile et agitée continue son travail d’enrobage physique, la magie opère moins. Le récit semble étouffé dans l’œuf et le voyage de l’héroïne vers une île où ses rêves d’émancipation sont très vite menacés, paraît de fait chiche en promesses d’ouverture. Ces doutes originels ne seront jamais démentis. Le film fabriqué et surjoué, se replie très vite sur lui-même vautré dans les certitudes d’un auteur écrasé d’influences. Zeitlin propose un patchwork de références où Peter Pan croiserait Sa majesté des mouches et certaines extravagances de Terry Gilliam. Au milieu de ce capharnaüm trop lisible, on finit par se demander où est la place du cinéaste. Pour la suite, Benh Zeitlin devrait aspirer à plus de simplicité et essayer, à l’instar de sa Wendy, de se libérer davantage.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
UN ESPION ORDINAIRE ★★☆☆☆
De Dominic Cooke
La promo vante non seulement le caractère authentique de cette histoire mais aussi son aspect « incroyable ». Nous voici pourtant devant une trame d’espionnage somme toute assez banale, avec sa Guerre froide en toile de fond et des russes qui roulent des yeux et froncent le sourcil rejouant éternellement le couplet de l’ennemi mystérieux. Et pourtant, le film parvient habilement à déjouer les figures imposées à l’aide d’une mise en scène feutrée. Celle-ci est signée d’un homme de théâtre et d’opéra qui transforme ce jeu d’espions en une parade amoureuse queer où les effleurements sont autant de risques pris par des individus engagés volontaire dans une danse dangereuse. Benedict Cumberbatch incarne avec toute la fragilité et l’aplomb nécessaires un VRP british envoyé au front soutirer des infos à une taupe (Merba Ninidze, déjà repéré dans Le Pont des espions) pour déjouer une guerre nucléaire.
Thomas Baurez
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